Chrétien et politique : est-ce possible ?

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Il est dit dans la Bible, tu ne peux adorer Dieu et l’argent. Partant de ce point, un chrétien fervent peut faire la politique ?

La question de l’engagement politique du chrétien est sensible. Les uns répondent par l’affirmative, les autres par la négative. Ceux qui hésitent à conseiller au chrétien de faire la politique tablent sur la Parole du Christ qui dit « Ma royauté n’est pas de ce monde », ou bien « vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde ». D’autres vont jusqu’à invoquer le refus de Jésus de céder à la tentation du pouvoir quand, après la multiplication des pains pour plus de 5000 hommes, les gens le cherchaient pour faire de lui leur roi. En refusant, Jésus reste toujours dans la logique de ne pas céder à la tentation du pouvoir. On se rappelle la cinglante réplique du Christ au tentateur qui lui promettait le règne sur le monde entier si et seulement s’il se prosternait devant lui. Jésus lui répond : « c’est le Seigneur ton Dieu seul que tu adoreras ».

Devant ces références, beaucoup de personnes refusent que le chrétien s’engage dans la politique. Le pouvoir en effet serait corrosif. Il corromprait les mœurs, alors même que sa vocation est de les porter à leur meilleure expression. Le pouvoir politique transforme du tout au tout ceux qui s’y engagent. De bons chrétiens, une fois dans la gestion politique, deviennent des adorateurs des fétiches, obliger de faire des sacrifices de protection, de falsifier la vérité, de manipuler les populations, de briser les relations humaines, de ne penser qu’à leur poche, etc. Il y a des mouvements religieux qui sont apolitiques et vont jusqu’à interdire à leurs fidèles de voter.

Il est important de faire une mise au point pour les chrétiens que nous sommes, du moins pour les catholiques. L’Église en tant que société spirituelle ne s’implique pas dans la gestion immédiate du pouvoir temporel. Il y a une séparation entre les deux pouvoirs. Les responsables de l’Église ne peuvent pas briguer le pouvoir politique et devenir ministres, préfets, présidents, chefs d’institution, jusqu’au plus petit poste politique qui affleure le pouvoir du monde. Pourtant, l’Église est engagée dans la politique en tant qu’elle discerne les actions politiques, les analyses et fait des propositions pour une meilleure gestion de la chose publique. S’il arrivait qu’un ecclésiastique participe à la gestion de l’État, ce ne sera que temporaire, dans des conditions extraordinaires et sous l’autorité de l’Église. On a vu Monseigneur Isidore de Souza diriger à succès la Conférence nationale des forces vives du Bénin et devenir le président du Haut conseil de la République (HCR), qui est l’ancêtre de la Cour constitutionnelle. C’était temporaire et extraordinaire.

Ceci dit, d’une manière ou d’une autre, tous les hommes font la politique en tant qu’ils y participent directement ou indirectement. C’est le point de vue de ceux qui optent pour que le chrétien fasse la politique. Le simple fait de refuser d’aller voter est déjà une position politique. Voter aussi l’est. La politique dans sa profonde définition est l’art de gérer la cité. Cette gestion concerne principalement le bien commun, de la mise en place et de la protection des conditions pour le bien-être intégral de chaque citoyen et de tous les citoyens. La gestion politique influence nos comportements et notre mode de vie. Par le vote et la promulgation des lois respectivement par le législatif et l’exécutif, notre vie est complètement modifiée. Les exemples sont multiples.

L’Église prie pour les responsables politiques et nous invite à le faire aussi souvent que possible ainsi que le recommande saint Paul. Mais si l’Église dans sa hiérarchie ne peut participer immédiatement à la gestion politique, elle invite ses fils et filles à s’engager dans la politique, qu’elle perçoit comme un haut lieu d’exercice de la charité. C’est le point de vue que je défends. En effet, les chrétiens peuvent et doivent s’engager dans la vie politique de leurs États respectifs, selon les options politiques en présence, à la condition qu’ils imprègnent ce milieu de l’esprit évangélique. S’il est vrai que le monde de la politique semble être celui du mensonge et de la manipulation, il l’est plus de reconnaître que les chrétiens qui s’y engagent ne vivent pas toujours (pas tous heureusement) de l’esprit du Christ. Nous avons besoin des chrétiens pour participer la gestion des biens publics. Ils y sont appelés pour vivre en tant que chrétiens en tenant compte des valeurs fondamentales de la vérité, de la justice et de la liberté.

Faire la politique ne signifie pas servir l’argent. Faire la politique ne signifie nullement se mettre au service du mensonge. Les hommes politiques chrétiens peuvent faire la différence s’ils sont des chrétiens authentiques qui se laissent éclairer par les valeurs évangéliques pour faire leur choix. De la même manière, les chrétiens et les hommes de bonne volonté peuvent s’inspirer de la vie chrétienne du pouvoir et de l’amitié fraternelle pour examiner les programmes sociaux de ceux qui sollicitent leurs suffrages.

Il nous faut donc guérir de la mentalité que la politique est opposée à la vie authentique de foi. Je connais des hommes politiques intègres. On peut être homme politique et bon chrétien. Il y a des rois qui sont saints et vivent dans l’amitié avec Dieu. C’est donc une question de responsabilité dans la fidélité à son identité. Si en tant que chrétiens, nous abandonnons un domaine qui agit notablement sur nos comportements, nous donnerons la licence à ceux qui ne connaissent pas le Christ de nous imposer leur vision du monde. Les hommes politiques ont donc besoin de l’engagement des chrétiens pour exercer le pouvoir de la charité et de l’amitié fraternelles.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens