Les livres de la Bible catholique ont un contenu fixe : soixante-treize au total. On peut bien se demander les critères ayant permis de retenir ses livres. Pourquoi ces livres et non pas d’autres ? Dans cet article, nous allons nous limiter au Nouveau Testament. Nous donnerons alors quelques critères, parmi les principaux, qui ont prévalu au choix des vingt-sept livres. Pour ce faire, nous partirons du contexte historique qui a conduit au choix de ces documents.
L’oralité et la littérature après la mort de Jésus.
Jésus a envoyé ses disciples dans le monde entier, avec pour mission, d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut. Le message central des apôtres, aux lendemains de l’ascension, se focalisait sur le mystère pascal du Christ : le Christ a souffert, il est mort et Dieu l’a ressuscité. Il nous suffira de reprendre les actes des apôtres pour analyser les discours de Pierre. Tout est centré sur la personne de Jésus et particulièrement sur sa mort et sa résurrection. Croire au Christ, c’est fondamentalement croire qu’il a souffert pour nous, qu’il est mort pour nous et qu’il est ressuscité pour nous. En conséquence, accepter Jésus dans sa vie, c’est accepter son mystère pascal.
Les apôtres étaient donc des prédicateurs. La plupart d’entre eux n’ont laissé aucun écrit. L’enseignement était délivré oralement. La première personne à produire un texte est saint Paul, au moment où il écrivait aux Thessaloniciens, entre les années 50-5 après JC. On comprend donc que les années après la mort de Jésus, on vivait plus d’oralité, de souvenirs des apôtres sur la vie et l’enseignement de Jésus. Cet enseignement est transmis aux générations suivantes, de générations en générations, jusqu’à nous aujourd’hui. Au commencement de l’Église, n’existait que l’enseignement des apôtres. C’est ce que les catholiques appellent la « Tradition ».
Vers la fin de la vie des apôtres et surtout après leur mort, la littérature chrétienne est devenue très florissante. Il y avait une flopée de textes de tout genre. Chacun pouvait écrire sur la foi chrétienne, sur la vie de Jésus, sur l’enseignement des apôtres, etc. Devant cette floraison de l’écriture sur la foi chrétienne, il était devenu urgent de distinguer les bons écrits des mauvais, les documents dignes de foi de ceux qui ne l’étaient pas, des livres qui venaient de Dieu et de ceux qui ne l’étaient pas, des productions chrétiennes pouvant servir de règle pour la foi des autres contre-indiquées pour la foi. D’où la grande question de l’inspiration et du canon des Écritures. Sur quelle base désigner qu’un livre est authentiquement la Parole de Dieu ? Il va falloir définir des critères.
Inspiration et canon des Écritures
Nous essaierons d’utiliser des mots dépouillés pour expliquer des expressions aux apparences simples mais complexes dans leur compréhension. Quand on parle de l’inspiration, en lien avec la Bible, cela signifie que c’est Dieu qui est l’auteur. Dieu est celui qui, par son Esprit, a assisté les écrivains sacrés pour qu’ils écrivent avec justesse ce qu’il a à transmettre à son peuple. Deux passages du Nouveau Testament sont assez éclairants pour nous. Saint Paul dit : « Toute Écriture est inspirée de Dieu » (2 Tim 3, 15). Saint Pierre, quant à lui, déclare : « Tout d’abord, sachez-le bien : aucune prophétie de l’Écriture n’est affaire d’interprétation privée ; en effet, ce n’est pas la volonté humaine qui a jamais produit une prophétie, mais c’est portés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu » (2Pi 1, 20-21)
Voici ce qu’en dit la Constitution dogmatique sur la révélation divine. Elle affirme que les livres de la Bible sont
« composés sous l’inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur, et ont été transmis comme tels à l’Église elle-même. Pour la rédaction des livres saints, Dieu a choisi des hommes, il les a employés en leur laissant l’usage de leur faculté et de toutes leurs ressources, pour que, Lui-même agissant en eux et par eux, ils transmettent par écrit, en auteurs véritables, tout ce qu’il voulait, et cela seulement »
Dei Verbum, n°11
L’implication est que Dieu est l’Auteur véritable de la Bible, mais les écrivains sont des auteurs seconds dont il faut tenir compte dans l’interprétation du texte. Reconnaître un livre comme inspiré, c’est donc l’accepter comme contenant la « Parole de Dieu ».
La question qui s’est posée à l’Église catholique dès le départ est celle-ci ? Comment savoir qu’un livre est inspiré, parmi les multiples documents qui circulaient dans le temps. C’est ici qu’intervient l’expression « canon » des Écritures, qu’il importe de bien comprendre avant d’en aborder les critères.
Le mot « canon » vient du grec « kânon » signifiant « roseau ou bâton pour mesurer ». Il signifie, en langage simple, la « règle ». Étant la règle, le « canon » a pris le sens de la « norme », de « l’idéal à suivre ». Dans l’histoire de l’Église, le mot « canon » est utilisé pour désigner ce qui est normatif et digne d’être suivi en termes de la vérité de l’enseignement, sur la foi et la vie des chrétiens, la liturgie et toute la pratique de l’Église. C’est la raison pour laquelle on parle du « droit canonique », pour signifier la norme juridique de l’organisation de la toute la vie de l’Église. On parle aussi de la canonisation des saints ou « canon des saints » pour identifier une personne comme ayant respecté tout ce qui concerne les règles de sainteté dans l’Église. Le processus est bien long ici.
Appliqué à l’Écriture, un livre reconnu comme canonique est celui-là qui est validé comme inspiré de Dieu et devant servir de règles pour la vie des fidèles. Un livre qui rentre dans le canon des Écritures est donc immédiatement un livre inspiré de Dieu. Dieu est son auteur. Les critères de canonicité deviennent ipso facto des conditions d’inspiration d’un livre. Il est donc important de connaître ces critères-là, aux moins les principaux.
Critère de validation d'un livre contenant la Parole de Dieu
Nous pouvons donner quatre critères.
Le premier est sans doute l’apostolicité. Les apôtres ne sont plus vivants. Leur enseignement risquait de se flétrir, de se dénaturer si on ne fixait pas ce qu’on a reçu oralement d’eux. Pour qu’un texte soit accepté comme digne de foi, il faut qu’il y ait un lien irréfutable entre le texte écrit et un apôtre ou une personne qui ait connu les apôtres. Dans cette perspective, tous les textes sur la foi et la pratique de l’Église, même excellents, ne respectant pas ce critère, sont écartés comme non inspirés par Dieu et ne peuvent, par ce fait, être considérés comme la Parole de Dieu. On peut donc dire que tous les textes du Nouveau Testament ont une source apostolique, c’est-à-dire rattachée à un apôtre.
Le deuxième critère est la conformité du texte avec la foi en Jésus et la communion entre les Églises. Après la mort des apôtres, beaucoup d’auteurs anonymes ont écrit. Pour donner une certaine notoriété à leurs écrits, ils mettaient volontiers les noms des apôtres. C’est ainsi que nous avons beaucoup de livres dont les auteurs se cachent sous la paternité des apôtres pour défendre de fausses doctrines.
On peut citer pêle-mêle l’évangiles des Hébreux, de Pierre, de Thomas, de Barthelemy, de Jacques et plusieurs autres évangiles. On peut aussi lister des Actes apocryphes comme celui de Paul, de Pierre, de Thomas, d’André, de Thaddée… Ces écrits étaient le reflet d’un courant spirituel friand du merveilleux. Ils sont aussi les productions de courants théologiques erronés, souvent hérétiques comme le marcionisme (qui rejette l’Ancien Testament et nie l’incarnation de Dieu en l’homme Jésus), le montanisme (un courant qui rejette l’autorité de l’Église et prône une vie ascétique rigoureuse pour se préparer au retour imminent du Christ) et le gnosticisme (un courant qui prétend qu’on accède au salut par la connaissance et par une initiation secrète).
Il va de soi que tous les documents de ces tendances, qui falsifiaient la foi et divisaient les Églises entre elles étaient systématiquement écartés. Ils ne viennent pas de Dieu et on ne peut les suivre pour la foi au Christ et la vie en Église. En conséquence, pour qu’un livre soit inspiré et considéré comme la Parole de Dieu, il faut que son enseignement sur la foi, les mœurs et la pratique dans l’Église soient orthodoxes et qu’il n’ait aucune contradiction entre ces écrits et les textes de l’Ancien Testament.
Le troisième critère vient de l’urgence de répondre à l’accusation des chrétiens par les païens. Ces derniers les traitaient non seulement de mangeurs d’hommes, mais aussi de relations incestueuses et d’athées. Les textes qui doivent être considérés comme inspirés doivent laver les chrétiens de ces graves accusations. Le corps du Christ est consommé, mais sacramentellement. Ils n’ont pas de relations incestueuses puisque le mariage et la famille sont des valeurs vitales pour les chrétiens. Ils ne sont pas athées puisqu’ils croient au Dieu Père de Jésus-Christ son Fils.
Le dernier critère relève de la possibilité de se servir des textes pour le besoin de la liturgie et de la prière. Il fallait pour cela utiliser les textes dont l’autorité est incontestable. Si liturgiquement un texte ne pouvait servir, il perd son caractère de texte inspiré par Dieu et ne peut donc entrer dans le canon de la Bible.
Ce sont ces critères qui ont permis d’identifier les vingt-sept livres du Nouveau Testament, parmi les multiples documents existant. Ce tri est fait lui-même sous l’assistance de l’Esprit-Saint. À partir du moment où ces documents sont acceptés, ils deviennent la Parole de Dieu, exprimant sans ambiguïté, tout ce que Dieu veut pour que l’homme soit sauvé.
Les livres circulant ayant rempli ces critères sont ceux que nous avons actuellement dans le Nouveau Testament à savoir : les quatre évangiles, l’Actes des apôtres, les 13 lettres de saint Paul, l’épître aux Hébreux, les lettres catholiques et l’Apocalypse. C’est ainsi que le Nouveau Testament est né, qui s’est ajouté aux livres de l’Ancien Testament pour former la Bible.
Les livres du Nouveau Testament sont officiellement reconnu au Concile de Carthage (Afrique du nord) en 397. C’est donc à la fin du IVe siècle que les livres du Nouveau Testament sont retenus. Il a fallu le concile de Trente dans sa quatrième session en 1546 pour que cette liste soit définitivement fixée. Comme on peut le voir, la Bible n’est pas descendue du ciel, dans son état. Elle a une histoire, longue, mais conduite par Dieu.
Au 16e siècle, Martin Luther va rejeter sept livres de la Bible, comme non inspirés pour des raisons que nous donnerons dans un autre article. Ce qui donnera 66 livres pour les Protestants. Mais ici, c’est un autre pan de l’histoire de l’Église, qu’il importe de connaître.
Merci bien pour ce détail. Mon attente, père, c’est de savoir à partir de quelle date et où les pères ont pris la décision de fixer ce canon ?
Beaucoup de nos ”predateurs” pensent que la Bible existait comme telle pendant que Jésus était avec ses apôtres.
Super!
Super. Si ce forum n’existait pas, j’allais inventer!!!