Différence entre croix et fardeau

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Quelle est la différence entre une croix venant de Dieu et un fardeau venant de nous-mêmes ?

Mon frère Joyaux, tu poses une bonne question. Je remercie Harius et Raymond qui ont essayé des réponses édifiantes. Tu sais, la vie humaine est faite de haut et de bas, de moments heureux et moins heureux. Le chrétien lui aussi est confronté à des situations difficiles et il se demande si tout ce qu’il souffre vient de Dieu ou des hommes. À ses disciples, Jésus demande porter leur croix à sa suite : « Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Ailleurs, il dit aux foules qui l’écoutaient : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28).

Il y a trop d’embrouilles sur la base de ces paroles. Beaucoup pensent que la croix est synonyme de fardeau à porter comme l’échec dans les relations pouvant conduire au mariage, le chômage ou un travail déshumanisant et dégradant, une maladie ou un handicap. Pour se consoler, ils disent simplement : « Je n’y peux rien ; c’est ma croix ». Erreur !

Il n’est donc pas évident de faire une différence entre la croix que le Seigneur nous demande de porter et le fardeau qu’il nous invite à décharger sur lui. À quoi différencie-t-on un fardeau d’une croix ? Ceci revient à identifier les caractéristiques d’un fardeau et d’une croix.

1. Les caractéristiques d’un fardeau

Le fardeau est une chose qui pèse plus ou moins, soit physiquement, soit moralement, et que l’homme porte. La cause de ce fardeau peut provenir de soi-même (le refus de pardonner ou un conflit que l’on entretient) comme des autres hommes. Le sort que subissent les domestiques pour illustration.

Dans la Bible, ce mot a plusieurs sens. Il se comprend tour à tour comme une charge à porter (Jr 17, 21), une corvée (Dt 24, 5), une épreuve, un souci (Ps 55, 23 ; Ps 81, 7). On peut le définir aussi comme une servitude qu’impose l’étranger (Is 10, 27 ; 14, 25). En ce sens, il s’apparente au « joug ». Le fardeau peut bien être aussi un péché (Lm 1, 14) (l’avortement par exemple, la destruction de la dignité d’une personne) ou même une responsabilité lourde (Nb 11,11).

Avec le Nouveau Testament, on découvre un nouveau sens du fardeau : l’observation au détail près des lois divines multipliées exponentiellement par les hommes (Mt 23, 4 ou Lc 11, 46). Dans les Actes des apôtres, les interdits juifs que l’on veut imposer aux païens devenus nouveaux croyants sont perçus comme des fardeaux dont il faut les affranchir.

Jésus lui aussi parle d’un fardeau, d’un joug qu’il impose. Mais dans le cas du Christ, il est léger, par opposition au fardeau qu’imposent les hommes et les structures aux autres hommes. Le fardeau du Christ, c’est l’amour et le pardon. Le fardeau le plus lourd pour le chrétien, c’est le péché et les structures du péché. Le péché est un fardeau qui pèse sur notre conscience. La réconciliation avec Dieu et le prochain nous libèrent de ce poids inutile que nous nous faisons porter ou que les autre nous font porter.

2. Les caractéristiques de la croix

Qu’entendait Jésus quand il disait : « celui qui veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive » ? (Mt 16, 24 ; Mc 8, 34 et Lc 9, 23). Les différents contextes dans lesquels Jésus a prononcé ses paroles nous éclairent mieux.

Dans les trois références citées, Jésus s’est adressé soit aux disciples, soit aux foules et à ses disciples, dans un contexte où Pierre venait de professer que Jésus est le Messie de Dieu. Jésus annonce alors les souffrances qu’il lui faut subir jusqu’à sa mort et sa résurrection. Pierre rejette la perspective de la croix et Jésus le ramène à l’ordre. Seulement après, Jésus apprend à ses disciples que pour le suivre, il faut renoncer à soi-même et prendre sa croix. La croix du Christ, que nous comprenons comme signe de salut et de bénédiction aujourd’hui, était perçue comme un instrument de torture et de mort. Quand Jésus dit, il faut porter sa croix, il entend qu’il faut porter ce qui va provoquer la mort de nous-mêmes pour la vie en lui. Je m’explique mieux.

La croix symbolise la mort à nous-mêmes : « Celui qui veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même… ». Expérimenter la croix dans sa vie, c’est accepter de mourir à soi, à ne plus tenir à soi, mais uniquement au Christ. La croix implique que l’on est prêt à jouer le qui-perd-gagne : « Celui qui veut sauver sa vie, la perdra mais celui qui perdra sa vie à cause de moi, la sauvera » (Mt 16, 26 ; Mc 8, 35-36 et Lc 9, 24-25).

On peut voir l’image de la croix dans le désir des trois personnes qui voulaient suivre le Christ. Les réponses du Christ orientent vers la croix : « les renards ont les terriers, mais le Fils de l’homme, n’a pas où reposer sa tête ; laisse les morts enterrer leur mort ; qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas digne de moi ». Ces trois ne l’ont pas suivi car ils n’étaient pas prêts à se sacrifier pour le Christ. La vie du chrétien ne va jamais sans la croix. Jésus a annoncé qu’ils seront persécutés tout comme lui.

De manière concrète, le visage de la croix, c’est ceci : Tu suis le Christ et tu perdras une partie de tes amis. Tu devras même accepter d’eux des moqueries, voire des persécutions. Tu seras incompris de ceux avec qui tu tenais le même langage. Porter une croix, c’est prendre le risque et l’intégrer dans sa vie de tout perdre, sa famille, sa renommée et son boulot. Au fond, porter sa croix, c’est porter encore en nous le Christ, qui est persécuté. Du coup, un chrétien qui porte le Christ ne peut pas ne pas porter une croix, c’est-à-dire une mort à lui-même : « En effet, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).

Un chrétien et un non chrétien peuvent vivre les mêmes difficultés. Le chrétien porte une croix si cette difficulté est une conséquence de son choix de suivre le Christ. Dans le cas du non chrétien, ce n’est pas une croix, car il souffre certes mais pas en tant que croyant au Christ, mais pour une autre raison. La croix appelle forcément la présence du Christ en nous.

En synthèse, le fardeau est tout le poids que nous portons et qui n’est pas lié au Christ. Le fardeau, c’est le péché, les impositions des hommes. Le fardeau n’est pas la conséquence d’un choix personnel. La Croix quant à elle est toujours la cause d’une souffrance, d’une mort que l’on accepte par anticipation au choix que nous faisons de suivre le Christ. Cette croix disparaît sitôt que nous renonçons au Christ. Ce qui n’est pas le cas pour le fardeau.

Merci pour la question. Elle est très intéressante. Que le Seigneur nous donne sa force et sa grâce. Que nous puissions porter courageusement nos croix à sa suite. Qu’il nous aide à nous décharger des fardeaux qui plombent nos vies. Amen

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens