On nous demande régulièrement la différence qui existe entre l’âme et l’esprit. Pour l’instant, nous avons toujours donné une réponse courte mais nous allons aujourd’hui approfondir ces aspects de notre être et chercher une meilleure compréhension à travers les origines hébraïques et grecques, la Parole de Dieu et l‘autorité de l’Église, magistère vivant et enseignant.
Pour commencer, il faut noter que les Grecs et les Hébreux distinguent respectivement l’âme et l’esprit par des mots différents.
Âme
En grec, l’âme est connue sous le nom de « psyché » (ψυχή) qui a donné le mot « psychologie » d’où peut naître une certaine confusion entre l’âme et l’esprit. Dans le langage grec, l’âme est comprise comme un élément invisible de l’homme qui l’influence. L’âme est immortelle même après la mort du corps.
Par la suite, les Juifs qui ont été en contact avec le monde grec pendant l’exil ont traduit « âme » par nephesh «נֶ֫פֶשׁ». Le mot biblique hébreu traditionnellement traduit par « âme » (nephesh) se réfère donc à un corps conscient vivant et respirant.
Dans le judéo-christianisme, seuls les êtres humains ont des âmes immortelles (bien que l’immortalité soit contestée au sein de certains courants du judaïsme comme les pharisiens et les sadducéens). Cependant, dans le christianisme, nous croyons que l’âme humaine reste immortelle même après la mort du corps.
Dans le prolongement des philosophes grecs, saint Thomas d’Aquin attribuait une « âme » (anima en latin) à tous les organismes vivants (plantes et animaux) comme étant leur « principe de vie » mais il affirmait que seules les âmes humaines sont immortelles.
Nous pouvons donc définir l’âme comme la nature spirituelle des humains, considérée comme immortelle, séparable du corps à la mort et capable de connaître le bonheur et la paix ou la misère et la douleur dans l’au-delà.
Esprit
Les Grecs utilisent un autre mot pour « esprit », le Pneuma (πνεῦμα). Pneuma est le mot grec qui désigne le « souffle », et dans un contexte religieux, l’ « esprit ».
Il a diverses significations techniques pour les philosophes de l’Antiquité classique et il est également utilisé dans les traductions grecques du mot hébreu « ruach » רוח (le mot hébreu pour Esprit tel qu’il est vu dans la version hébraïque des Écritures).Pneuma, c’est-à-dire « air en mouvement, souffle, vent », est même l’élément primordial à l’origine de toute autre chose selon le philosophe grec Anaximène à (ἀήρ, « air »). Pour Anaximène, les deux termes (âme et esprit) sont fortement liés ; le philosophe a même écrit que tout comme notre âme (psyché / nephesh) l’air (pneuma / ruach) retient notre corps ; le souffle (pneuma / ruach) englobe donc le monde entier ; pour Anaximène, le monde matériel est suspendu à l’air – qui est l’esprit.
Après avoir examiné les deux concepts à partir de leurs dérivés étymologiques hébraïques / grecs, nous allons maintenant examiner les Écritures et considérer comment elles peuvent être appliquées à la personne humaine, soulignant ainsi les différences et leur complémentarité.
Dans l'Écriture Sainte
L’Écriture a tendance à faire la distinction entre l’âme et l’esprit.
Il est noté que saint Paul a écrit : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre ESPRIT, votre ÂME et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. » (1 Th 5,23). Nous voyons également que dans la lettre aux Hébreux 4, 12, l’auteur écrit : « Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’ÂME et de l’ESPRIT… ». À la vue de ces textes ci-dessus, il pourrait sembler que dans le corps humain résident deux entités différentes : une âme et un esprit. Cependant, ce n’est pas le cas.Pour mieux comprendre cette question, tournons-nous vers le Catéchisme de l’Église catholique. Le Catéchisme (n°367) le dit ainsi : « Parfois il se trouve que l’âme soit distinguée de l’esprit. Ainsi S. Paul prie pour que notre “être tout entier, l’esprit, l’âme et le corps” soit gardé sans reproche à l’Avènement du Seigneur (1 Th 5, 23). L’ÉGLISE ENSEIGNE QUE CETTE DISTINCTION N’INTRODUIT PAS UNE DUALITÉ DANS L’ÂME (Cc. Constantinople IV en 870 : DS 657). « Esprit » signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle (Cc. Vatican I : DS 3005 ; cf. GS 22, § 5), et que son âme est capable d’être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu (cf. Pie XII, Enc. ” Humani generis “, 1950 : DS 3891).
Pour étayer ce propos, dans le récit de la Genèse de la création de l’homme, nous en venons à comprendre que l’âme a été infusée par le souffle de Dieu lors de la création. Dans Gn 2,7, nous lisons : « Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (littéralement, le texte dit « un nephesh vivant » c’est-à-dire « une âme vivante »). Ici, Dieu a soufflé le « souffle de vie », qui selon la Bible hébraïque est le « ruach » (souffle / esprit) de Dieu, permettant la création de l’âme humaine ; ainsi, l’homme devient une âme vivante (nephesh). C’est dans cette optique que l’on dit que l’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (ayant reçu le souffle « ruach » de Dieu). C’est donc l’âme humaine qui fait de l’homme un être spirituel, c’est-à-dire qui désigne l’homme à une fin surnaturelle : « notre retour à Dieu » (cf. Ecclésiaste 12, 7).
Poursuivons la lecture du Catéchisme au n°363 « Souvent, le terme âme désigne dans l’Écriture Sainte la vie humaine (cf. Mt 16, 25-26 ; Jn 15, 13) ou toute la personne humaine (cf. Ac 2, 41). Mais il désigne aussi ce qu’il y a de plus intime en l’homme (cf. Mt 26, 38 ; Jn 12, 27) et de plus grande valeur en lui (cf. Mt 10, 28 ; 2 M 6, 30), ce par quoi il est plus particulièrement image de Dieu : “âme” signifie le principe spirituel en l’homme ». Au numéro 366 du Catéchisme « l’Église enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu (cf. Pie XII, enc. “Humani generis”, 1950 : DS 3896 ; SPF – elle n’est pas “produite” par les parents – ; elle nous apprend aussi qu’elle est immortelle (cf. Cc. Latran V en 1513 : DS 1440) : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale. ». Les deux termes « âme » et « esprit » ne sont non pas antagonistes mais bien complémentaires.
Le pape Benoît XVI, dans son encyclique « Deus caritas est », semble utiliser indifféremment « esprit » et « âme » : « Cela dépend avant tout de la constitution de l’être humain, à la fois corps et âme. L’homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l’âme se trouvent dans une profonde unité ; le défi de l’eros est vraiment surmonté lorsque cette unification est réussie. »
L’ange est un pur esprit : il n’a pas d’âme. Nous, humains (même après la mort), ne sommes pas de purs esprits ; l’expression « l’esprit, l’âme et le corps » signifie que nous avons une « âme spirituelle » avec notre corps qui constitue notre personne humaine.