La Bible est-elle l’absolu du chrétien ? Ou en dehors d’elle, doit-on associer aussi la parole venant des hommes ?
Mon frère William, tu poses sans doute une question précieuse qui me permettra de tracer la ligne de démarcation entre les chrétiens protestants et catholiques. Comme nous le remarquons dans le groupe, les avis sur certains sujets divergent. Et pour peu qu’on soit attentif, on remarque déjà les bords religieux de chacun. Certains dans le groupe mettent en doute l’Assomption de Marie, sa virginité perpétuelle, son Immaculée conception, l’existence du purgatoire, le fait que nous chrétiens reconnaissons que Pierre et Paul sont morts martyrs à Rome, le sacrement de mariage.
Certains demandent même de fournir des références bibliques.
Ces insistances ne sont pas innocentes et sont révélatrices des points de rupture entre catholiques et protestants. Je te remercie donc pour cette question qui est le cœur de tous nos désaccords sur des sujets pointus, objets de foi chez les catholiques et superficiels ou infondés chez les protestants.
Avant d’entrer de plein pied dans le sujet, je voudrais te dire que la Bible, c’est la Parole de Dieu transmise par des hommes. La Bible n’est pas un livre venu du Ciel, comme si Dieu l’avait écrit et parachuté sur terre. C’est la parole des hommes qui rendent compte de la volonté de Dieu. Quand tu demandes si la Bible est l’absolu du chrétien ou doit-on associer la parole venant des hommes, tu sembles opposer la Parole de Dieu et la parole des hommes. La Bible, c’est la parole de Dieu transmise aux hommes par la parole des hommes. C’est une manière mécanique de dire la chose. Mais c’est bien cela la vérité.
Revenons au cœur de notre préoccupation. Les chrétiens protestants et catholiques n’ont pas exactement la même idée de la Parole de Dieu. La Parole de Dieu se limite-t-elle seulement à la Bible ou bien déborde-t-elle ce qui est écrit dans la Bible ? La révélation de Dieu se limite-t-elle au contenu de la Bible ou déborde-t-elle ce contenu ? C’est toute la question de la définition de la révélation.
Pour nos frères protestants, la Bible seule suffit pour contenir toute la révélation. Ils s’appuient sur la parole de saint Paul dans 2 Tim 3, 16-17 : « Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne ». C’est de là qu’est sortie l’expression latine « sola scriptura » qui signifie littéralement « l’Écriture seule ».
En clair, pour les protestants, la Bible, qui contient la Parole écrite de Dieu, est la seule autorité suprême en matière de doctrine, car elle est infaillible et sans erreur. Tout ce qui concerne la foi et la vie se trouve dans la Bible. Du coup, les protestants balaient du revers de la main l’enseignement des apôtres et des premiers chrétiens témoins oculaires du Christ ou successeurs immédiats des apôtres, ce que nous catholiques appelons la Tradition. Ils rejettent par le même souffle l’enseignement de l’Église, cet enseignement que nous recevons par les conciles, les décrets, la formulation des dogmes et l’enseignement des papes et des évêques. Nous appelons cela le Magistère.
Pour répondre donc brièvement à ta question, pour nous catholiques, la Parole de Dieu est contenue dans la Bible, comme autorité suprême, mais cette Parole continue dans l’histoire des hommes sous l’assistance de l’Esprit Saint, qui nous conduit à la vérité entière, de sorte que les enseignements des apôtres, des pères de l’Église, la tradition orale, le sens de la foi des chrétiens, la tradition de l’Église à travers les conciles et le magistère ont une autorité forte pour nous préciser cette Parole en matière de ce que nous devons croire et vivre dans les conditions actuelles de notre temps. Nous tenons pour la Parole de Dieu la Traditions des apôtres, sans nier l’autorité incomparable de la Bible comme leur référence. Bible et Tradition sont les deux ailes d’une même Parole, celle de Dieu.
Il y a encore quatre autres points de divergence entre catholiques et protestants.
• Soli Deo gloria : Dieu est le seul qu’il faut adorer et prier (On comprend immédiatement le débat sur les images et les statues dans l’Église catholique) ;
• Sola gratia : le salut ne résulte pas de nos efforts ou de nos mérites mais de la grâce seule (on voit nettement le conflit à propos des œuvres accomplies par les hommes) ;
• Solus Christus : Jésus Christ est le seul médiateur entre Dieu et les hommes (on comprend aussi la polémique au sujet de la prière catholique pour les morts mais aussi le recours à l’intercession de Marie, des saints et des anges pour nous) ;
• Sola Fide : le salut n’est pas donné par les sacrements ou la religion mais par la foi seule (On comprend pourquoi les protestants s’émiettent car le lien à la communauté n’est pas étanche. On comprend qu’il n’y pratiquement pas de sacrements chez les protestants. On peut passer en discussion la parole du Christ qui dit : Qui sera croira et sera baptisé sera sauvé. Croire et recevoir le baptême).
Je voudrais faire un retour pour expliquer pourquoi la révélation divine ne se limite pas seulement au contenu de la Bible pour nous catholiques.
Si pour les protestants la révélation divine s’arrête à la Bible, pour nous chrétiens, la révélation dépasse le cadre de la Bible et se déploie dans toute l’histoire des hommes. Au commencement, ce n’était pas la Bible, mais l’Église. C’est l’Église qui, a un moment donné de l’histoire, a retenu certains écrits, parmi plusieurs autres, qu’ils ont considérés comme étant la Parole de Dieu. La Bible que tout le monde utilise aujourd’hui a été l’œuvre de l’Église alors unifiée entre le troisième et le quatrième siècles. Les livres ont été retenus suivant des critères bien définis. Il faut bien retenir cela. Mais avant que la Bible n’existe, c’est l’Église qui vivait l’expérience du salut apporté par le Christ sur la base du témoignage des témoins oculaires, jusqu’à nous. C’est ce que nous appelons, nous catholique, la tradition. Je m’explique.
Aux apôtres, Jésus a donné l’ordre de prêcher la bonne nouvelle du salut. Les apôtres étaient donc des prédicateurs itinérants, de communautés chrétiennes en communautés chrétiennes. C’est bien après que leurs disciples vont mettre par écrit, sous leur autorité, leur témoignage, que nous retrouvons dans les évangiles et les actes des apôtres. Il faut retenir ici donc que l’enseignement du Christ et celui des apôtres était oral, sans qu’ils préoccupent d’écrire un texte.
C’est donc clair que le Nouveau Testament ne comporte pas tout ce que Jésus a dit et fait et saint Jean, l’évangéliste dit si bien : « Jésus fit encore bien d’autres choses qui ne sont pas écrites dans ce livre (évangile selon saint Jean). Si on les racontait toutes, le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres qu’on écriait » (Jn 21, 25). Tout ce qui n’est pas écrit relève de la Tradition, donc de la parole de Dieu, de la parole de Jésus, transmise par les apôtres et parvenu à nous aujourd’hui.
L’Église considère que la Bible et la Tradition apostolique sont deux aspects très importants de la Parole de Dieu. Les conciles et le Magistère de l’Église nous aident à mieux comprendre cette parole et à en vivre.
Je vais m’en arrêter là aujourd’hui, puisque le texte est déjà long. Je continuerai les explications avec le temps. Ce thème est trop important pour qu’on l’épuise en deux pages. Si vous avez des questions, elles sont bienvenues.
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Merci mon père pour l’enseignement.
Merci pour cet enseignement.
Je suis chrétiens catholique et je suis du chemin neocathecumenal.
J’ai quelques question à vous poser sur la bible.
D’où est venu l’idée de créer une bible?
Quel en sont les auteurs?
Il faudra peut être faire un article là-dessus.
Pour faire simple, l’auteur principal est Dieu lui-même qui a inspiré un certain nombre d’auteurs humains.
L’idée de déterminer quels livres étaient inspirés et quels livres ne l’étaient pas est le fruit d’un processus assez long de l’Eglise primitive. Disons qu’en 397, au Concile de Carthage, on a fini par se mettre d’accord sur les 73 livres (un temps, il a même été question de ne pas utiliser les livres de ce que nous appelons aujourd’hui l’Ancien Testament). La liste était arrêtée et la Bible était née. Mais ensuite, il a fallu l’invention de l’imprimerie pour que le texte sorte des abbayes et des sacristies ; jusqu’alors il s’agissait de livres manuscrits.
Merci pour cette réponse très précise.