Lecture spirituelle : La Croix glorieuse
La Pâque, celle que Jésus a désiré vivre pour nous, était une passion. Et, en conséquence, à la place du bois, plantant le bois ; à la place de la main perverse qui s’était tendue autrefois dans un geste d’impiété, clouant sa propre main immaculée dans un geste de piété, il a montré en sa personne toute la vraie vie pendue. Cet arbre [la croix] m’est une plante de salut éternel ; je m’en nourris, je m’en délecte. En ses racines, je m’enracine ; par ses branches, je m’étends; sa rosée me réjouit, et son esprit, comme un vent délicieux me fertilise. À son ombre j’ai dressé ma tente, et fuyant les chaleurs excessives, j’y trouve un abri plein de rosée. Je fleuris de ses fleurs, je savoure ses fruits exquis ; ces fruits, gardés pour moi depuis le commencement du monde, je les cueille librement. Il est nourriture pour ma faim, source pour ma soif, vêtement pour ma nudité, car ses feuilles sont esprit de vie : loin de moi désormais les feuilles de figuier.
Si j’ai peur de Dieu, cet arbre est ma protection ; si je trébuche, il est mon appui ; dans la lutte, il est mon prix ; et dans la victoire, mon trophée. C’est lui mon sentier étroit, c’est lui mon chemin resserré ; voici l’échelle de Jacob et le parcours des anges, au sommet duquel se tient vraiment appuyé le Seigneur. Cet arbre, qui s’étend aussi loin que le ciel, a grandi de la terre jusqu’aux cieux, se fixant, plante immortelle, au centre du ciel et de la terre, ferme appui de toutes choses, pilier de l’univers, support de toute la terre habitée, entrelacement cosmique, comprenant en soi toute la bigarrure de la nature humaine. Rivé par les joints invisibles de l’Esprit, afin qu’ajusté au divin, il n’en soit plus détaché.
Touchant par son front le sommet des cieux, affermissant la terre de ses pieds, et, dans l’espace intermédiaire, embrassant l’atmosphère entière de ses mains incommensurables. Il était tout entier partout en toutes choses, et, à lui seul il luttait, nu, contre les puissances de l’air. Quand le combat cosmique prit fin, et que de tous côtés le Christ eut lutté victorieusement, ni exalté comme un Dieu, ni abattu comme un homme, il demeura planté sur les confins de l’univers, arborant triomphalement en sa personne un trophée de victoire contre l’ennemi.
Les cieux s’ébranlèrent, le soleil s’obscurcit pour un temps, les pierres se fendirent, le monde entier faillit périr. Mais le grand Jésus remit son divin esprit en disant : Père, entre tes mains je remets mon esprit. Alors, dans son ascension, ce divin esprit rendit vie et force à toutes choses qui tremblaient, et de nouveau l’univers entier devint stable, comme si cette divine extension et ce supplice de la croix avaient pénétré toutes choses. Ô toi qui es seul entre les seuls, et qui es tout en tout, que les cieux aient ton esprit, et le paradis ton âme: mais ton sang, qu’il soit à la terre ! L’indivisible s’est divisé, pour que tout fût sauvé, et que même le lieu inférieur ne fût pas privé de la venue de Dieu. Nous t’en prions, Seigneur Dieu, Christ éternellement et spirituellement Roi, étends tes grandes mains sur ton Église sacrée, et sur ton peuple saint, toujours tien !
Homélie sur la Pâques attribuée à saint Jean Chrysostome (344-407)
Tu as voulu, Seigneur, que tous les hommes soient sauvés par la croix de ton Fils ; permets qu’ayant connu dès ici-bas ce mystère, nous goûtions au ciel les bienfaits de la rédemption.