Attribut divin, le pardon est la libération accordée à l’offenseur pour le tort commis. Nous devons pardonner nos frères non seulement à cause de notre foi et de la sauvegarde de l’unité, mais à cause de Dieu qui nous le demande. Pour ce faire, il importe de suivre quatre étapes principales dans l’humilité et la vérité. Mais si on s’obstine à ne pas pardonner, la blessure intérieure ne guérit pas, elle s’aggrave plutôt. Et finalement, nous restons loin de Dieu. Il est proche du cœur brisé qui pardonne et se confie à lui.
L’histoire de chaque homme est jalonnée de blessures intérieures plus ou moins profondes. Le pardon est le meilleur remède pour les soigner et les guérir entièrement.
Il est difficile de parler du pardon à un homme offensé. Pouvoir montrer que ce petit mot peut guérir ne va pas de soi. Et pourtant, il y a une forte relation entre le pardon à offrir et la guérison intérieure à opérer. Nous nous focaliserons essentiellement sur le pardon en le cernant déjà dans sa définition et dans les raisons de sa nécessité, en le décrivant dans sa relation avec notre foi et, enfin, en indiquant le chemin à prendre pour pardonner.
Qu’est-ce que le pardon ?
Avant tout, le pardon est une caractéristique divine, que nous trouvons sous le mot de miséricorde. Dans ses grandes révélations, Dieu insiste sur cet attribut de sa personne : « Notre Dieu est un Dieu miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, qui châtie jusqu’à la quatrième génération, mais qui pardonne jusqu’à la millième ». Il est impossible de dissocier le pardon de Dieu. Le fin fond de l’amour de Dieu, c’est la miséricorde. Cette définition du Seigneur comme le Dieu du pardon, qui efface les péchés nous permet de définir le pardon comme le processus qui permet à l’homme de remettre les tords qu’on lui a faits. Pardonner son frère ou sa sœur revient à libérer la personne d’une dette, d’une salissure, d’une offense. La personne devient libre et nous devenons libres en choisissant de ne plus faire cas de cette offense dans notre relation avec l’offenseur. Autrement dit, le pardon est l’annulation d’une dette, c’est renoncer à tout dédommagement pour la peine éprouvée ou la perte subie. Ce passage de l’évangile de Matthieu peut bien nous l’expliquer :
Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent). Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette. Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : « Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout. » Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mt 18, 23-27
Ce texte nous décrit le vrai visage du pardon. Nous connaissons la suite. Il devenait difficile pour celui à qui le roi a remis une dette incalculable de remettre une dette insignifiante à son frère. Ceci nous montre combien il est plus facile à Dieu de pardonner à l’homme et comment il est pratiquement comme une corvée pour l’homme de remettre les tords de ses prochains avec lui. Et pourtant, le pardon est une nécessité pour tout chrétien.
Pourquoi devons-nous pardonner ?
Je me limiterai à trois raisons pour expliquer les raisons de la nécessité pour le chrétien de pardonner.
• La première est que le Seigneur nous commande de pardonner. C’est un ordre divin. À la question de Pierre de savoir s’il devra pardonner à son frère jusqu’à sept fois, Jésus répond par ces mots : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois ». Dieu ne se limite pas à une exhortation. Il conditionne même la rémission de nos péchés à l’obligation que nous avons à notre tour de pardonner à nos frères. Dans la prière du Pater (Notre Père…), le Seigneur nous apprend à dire : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi, à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6, 12).
Comme si cela ne suffisait pas, Jésus revient sur la nécessité du pardon par des propos que nous avons intérêt à lire plusieurs fois pour les inscrire une fois pour toute dans notre esprit : « Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes » (Mt 6, 14-15). La raison fondamentale pour laquelle nous devons libérer nos prochains des fautes commises envers nous vient justement de là. Il est, in fine, à notre bénéfice de pardonner, car c’est nous qui en retour sommes pardonnés. Le pardon n’est donc pas un luxe, mais une obligation de notre vie chrétienne et de notre réconciliation avec Dieu. Certes, il peut paraître injuste, voire bête, qu’on ait entièrement raison et qu’on soit conduit à pardonner. L’instinct humain se satisferait de rendre offense pour offense. Mais, souvent, ce comportement nous fait entrer dans un engrenage de violence aux proportions parfois imprévisibles. Le pardon est nécessaire, car il détruit ce cercle de violence.
• La deuxième raison est que le pardon est un acte de foi. Nous montrons ainsi la confiance que nous faisons à Dieu comme juste Juge. Pardonner c’est simplement lui transférer le dossier et attendre patiemment son verdict. David n’a pas tué Saül. Pourtant, il en avait la possibilité.
Il arriva aux parcs à moutons qui sont en bordure de la route ; il y a là une grotte, où Saül entra pour se soulager. Or, David et ses hommes se trouvaient au fond de la grotte. Les hommes de David lui dirent : « Voici le jour dont le Seigneur t’a dit : “Je livrerai ton ennemi entre tes mains, tu en feras ce que tu voudras.” » David vint couper furtivement le pan du manteau de Saül. Alors le cœur lui battit d’avoir coupé le pan du manteau de Saül. Il dit à ses hommes : « Que le Seigneur me préserve de faire une chose pareille à mon maître, qui a reçu l’onction du Seigneur : porter la main sur lui, qui est le messie du Seigneur. » Par ses paroles, David retint ses hommes. Il leur interdit de se jeter sur Saül. Alors Saül quitta la grotte et continua sa route.
1 Sa 24, 4-8
• Le pardon est enfin un vecteur d’unité. Nous venons de divers horizons, nous avons reçus différentes éducations et sommes attachés à diverses cultures. Cette pluralité qui embellit le monde est aussi source d’incompréhensions. Le diable, agent de division, en profite pour semer les conflits d’autodestruction. Pardonner permet de prendre la hauteur, de faire preuve de tolérance et de reconnaître notre imperfection. Nous devons, par le pardon, continuer à nous supporter mutuellement : « Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même. » Col 3, 13. La grande question, après la découverte des raisons de pardonner est le chemin qu’il faut prendre pour y parvenir.
Comment pardonner ?
La capacité à pardonner varie d’une personne à une autre. Néanmoins, de manière générale, il faut suivre les étapes ci-après :
- Revivre les faits et déterminer les nœuds de profondes blessures
- Reconsidérer les faits et être plus compréhensif en se mettant à la place de l’offenseur et voir les circonstances atténuantes qui l’innocentent.
- Se confier à Jésus et lui dire clairement votre désir de pardonner à cause de lui.
- Demander la guérison de la blessure et une effusion de l’Esprit de toute consolation.
Ces quatre étapes sont bien nécessaires et il faut les vivre dans la sincérité, dans la vérité. Il conviendra de ne pas passer d’une étape à l’autre sans l’épuiser complètement. Bien souvent, les cheminements de guérison intérieure n’aboutissent pas à de meilleurs résultats pour la raison qu’on ne prend pas le temps de vivre intensément chaque étape. Certaines personnes peuvent résister à au pardon. Si pardonner guérit, le refus de pardonner peut provoquer d’autres conséquences désagréables pour la cicatrisation de la blessure intérieure.
Les conséquences du refus de pardonner
Le refus de pardonner est source de plusieurs blocages. Il rompt l’amitié avec Dieu et vous rend fragiles devant le diable. Dans cette posture, les remparts de votre vie sont vulnérables et les vents contraires vous assommeront. Dans une famille, vivent deux garçons : l’aîné et le cadet. Les deux ont un différend et se battent. L’aîné « corrige » le petit frère à tort ou raison. Il est en pleurs et rentre à la maison. Que feriez-vous si vous étiez maman ou papa ? La maman attirera le petit dans ses bras et l’examinera. Elle lui fera beaucoup de promesses pour le calmer. Pendant ce temps, le grand frère gambadera avec un air triomphant. La maman ne le pourchassera pas ; elle attendra tranquillement son retour quand il sera tenaillé par la faim ou quand il ne se souviendra plus. C’est en ce moment que la maman le « corrigera » en retour pour ce qu’il a fait à son frère et soyez-en sûr, il ne l’oubliera pas vite.
Supposons ensuite que la maman s’efforce à consoler le jeune frère et que celui-ci, en revanche, préfère une correction immédiate de son grand frère et cherche par tous les moyens à abandonner sa mère pour reprendre la dispute. La maman l’en dissuadera un moment puis le laissera faire. Dans un élan de vengeance, il repartira attaquer son grand frère qui ne ménagera aucun effort pour le molester à nouveau. Il voudra revenir en pleurs vers la mère, mais celle-ci non seulement ne l’accueillera pas. Au contraire, elle lui intimera l’ordre de se calmer au risque d’être puni.
Le petit frère par manque de patience et par désir de vengeance vient de tout perdre. C’est le même scénario lorsque nous refusons le pardon et nous tournons vers la vengeance. Il aurait pu se calmer, être dorloté, recevoir beaucoup de cadeaux (yaourt, bonbons, etc.). Lorsque nous sommes blessés et en position de faiblesse, nous avons toute l’attention de Dieu. Il nous prend comme cet enfant et nous entretien.
Rien ne vaut le pardon même quand vous avez raison.
Le pardon définit Dieu lui-même. Personne ne peut jouir de l’amitié de Dieu s’il ne pardonne à son frère. C’est pour cela que Dieu conditionne le pardon que nous attendons de lui à l’effacement des torts de nos prochains. Le chemin à prendre est celui d’une visite à Jésus pour réévaluer l’événement et tout laisser à cause de lui. Sans ce pas important, nous pouvons voir la blessure s’aggraver et notre relation avec Dieu se détériorer. L’Esprit de Dieu donne la force de pardonner, mais aussi la grâce de demander pardon.
Bonsoir et merci pour l’enseignement. Une question de compréhension. Après le pardon, est-il nécessaire de se réconcilier avec l’offenseur?