Pourquoi l’Église ne croit pas en la réincarnantion ?

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Nul doute que chacun de vous a entendu une fois dans sa vie qu’untel est mort, il y a trente ans, et qu’on l’a vu ailleurs, dans un autre pays, refaisant sa vie, avec femmes et enfants. Certaines personnes vont jusqu’à dire que des morts apparaissent, en chair et en os, aux gens de leur famille qui n’ont pas encore eu connaissance de leur décès. Ils disparaissent ordinairement l’instant avant le constat de leur trépas par leurs hôtes. D’autres affirment que la pierre est possède un esprit et que l’arbre est la condition de vie d’un esprit… Ces affirmations, si elles ne parviennent pas le trouble dans les cœurs, ont au moins de quoi laisser perplexes.

Il est curieux et peut-être interpellant pour nous de remarquer que de plus en plus de chrétiens croient en ces phénomènes et les défendent mordicus. En réalité, l’accueil qui se fait à ces croyances répond à la soif de l’homme de trouver un sens cohérent à la dimension mystérieuse de sa vie. L’enjeu de la considération du sujet se trouve précisément là : expliquer encore et encore les raisons pour lesquelles l’Église affirme l’incompatibilité de la mentalité réincarnationniste avec la foi chrétienne en la résurrection des morts. Nous allons donc aborder rapidement la position de l’Église face à ces questions, en nous situant dans notre contexte africain plutôt sensible, sinon favorable, à ces mystères.

1. Au sujet de la réincarnation

L’homme a plusieurs vies successives qui le conduisent de perfection en perfection, de perfection en imperfection, d’imperfection en perfection, etc., jusqu’à ce qu’il devienne un esprit totalement purifié libéré du corps pour atteindre le « nirvana », sommet de la béatitude spirituelle, libération des toutes les passions et contraintes de la répétition sans cesse du cycle de la mort et de la naissance. Cette affirmation n’a rien de nouveau. Elle dit pourtant l’essentiel de ce que nous appelons la réincarnation.

Pour être plus explicite, la logique de la réincarnation est telle que la vie actuelle de l’homme n’est qu’une « vie » parmi les multiples vies les unes aussi différentes des autres selon la qualité de sa vie présente, et dont l’aboutissement final est la purification totale de l’homme qui parviendra à l’étape d’un esprit parfait libéré de la chair et des différents corps auxquels l’âme aura été soumise. Ce qui n’arrive presque jamais, de sorte que l’on peut passer d’une vie délicieuse à une autre infernale, pour se retrouver dans une vie meilleure pour une autre dégradante. Du coup, pour le présent, notre vie dans la chair est une marque d’imperfection, comme si la chair ou le corps était une punition pour l’esprit assujetti à cette limite.

Ainsi perçue, la naissance de l’homme est la conséquence d’une vie d’imperfection menée antérieurement par l’esprit qui, en se faisant homme, doit mener une meilleure vie pour entrer dans une meilleure condition de perfection. Autrement, si au terme de sa vie, le bilan est négatif, son esprit se retrouverait dans une situation plus avilissante, qui l’obligerait à une plus grande souffrance. La qualité de l’esprit en l’homme dépendrait donc de sa vie précédente, et sa vie future dans une autre vie dépendra de sa qualité de vie aujourd’hui jusqu’à sa mort. Le principe à la base de tout cela s’appelle le « karma » : nous récoltons les fruits positifs ou négatifs, dans une autre vie, des actes positifs ou négatifs que nous aurons posés dans notre vie présente. C’est donc un cycle sans fin.

Ce qui conforte les défenseurs de la réincarnation, c’est le fait que l’histoire de l’homme est une affaire de responsabilité, dont il faut libérer Dieu, et que les conditions de vie dans lesquelles nous naissons et vivons sont les conséquences d’une vie antérieure. Ils disent aussi qu’il existe une mémoire génétique qui permet à l’homme d’avoir le sentiment du « déjà vécu ». Tout ceci a une limite : il procède du témoignage et de raisonnement et, en cette matière, justement, la part du vrai et du faux est très mince.

2. La Bible reconnaît-elle la réincarnation ?

Les défendeurs de la réincarnation vont jusqu’à trouver les fondements bibliques de leur pensée. Ils évoquent les miracles de la résurrection de Lazare et de la fille de Jaïre. On peut aussi parler du retour à la vie de Tabitha, etc. Mais justement, ici, il ne s’agit pas d’une réincarnation, mais d’un retour à la vie. La logique de la réincarnation veut en effet que l’esprit en l’homme, après la mort biologique, connaisse une situation de vie ascendante ou descendante, fruit de sa vie en tant qu’homme. Il ne pourra donc pas y avoir une réincarnation, sorte d’une réitération de la même condition. D’autres n’hésitent pas à prendre la pensée d’Hérode, qui, en attendant les miracles du Christ, pensait que c’est Jean-Baptiste qui est revenu à la vie. Mais alors, comment parler de réincarnation pour des personnes qui vivaient dans le même temps et le même espace ? On peut aussi appeler au secours le sondage de Jésus à Césarée de Philippe : « Pour les gens, qui suis-je ? ». Les réponses sont plus qu’étonnantes. Jésus serait la réincarnation d’un prophète d’autrefois. Heureusement qu’il y a Pierre pour une confession plus juste sur la personne du Christ. Certaines personnes, pour pousser au bout leur recherche dans la Bible, trouvent dans les paroles de Jésus à Nicodème, le fondement de cette réincarnation : « Pour entrer dans la vie éternelle, il te faut renaître de nouveau », oubliant que Jésus ne parlait pas de mort biologique, mais d’une nouvelle naissance dans son Esprit. Enfin, les derniers ont voulu établir une parallèle entre la résurrection du Christ et la réincarnation, en affirmant que finalement, la résurrection du Christ n’était qu’une forme parfaite de réincarnation. Ils oublient par là, l’unicité de l’événement Jésus-Christ et ses implications pour les chrétiens. En résumant, il faut reconnaître que la Bible n’offre pas beaucoup de pistes pour défendre la théorie de la réincarnation.

3. En quoi la foi en la résurrection est-elle différente de la vision réincarnationniste ?

Je crois personnellement que la réponse à cette question permettra aux chrétiens de comprendre les différences substantielles qu’il y a entre foi en la résurrection et la croyance en la réincarnation.

La réincarnation reconnaît une succession indéfinie de morts et de naissances de sorte que le karma peut conduire à une vie meilleure ou à une autre infernale selon le mode de vie précédent. La foi en la résurrection nous donne de croire en une seule vie terrestre que Dieu nous donne et qui se répétera pas, indéfiniment, en une autre forme de vie. La trajectoire de vie du chrétien est celle que le Christ lui montre, en tant que chemin pour aller au Père. L’homme naît, grandit, meurt et se trouve face à Dieu pour son jugement. Au contraire d’une succession de vie, l’homme n’a qu’une vie en deux étapes : celle terrestre suivie de celle éternelle, au travers de la mort, comme le Christ.

La deuxième considération est que pour la foi chrétienne, notre condition finale commence sur la terre. Le ciel, comme aussi l’enfer, pour le chrétien commence par la terre, de sorte que notre vie n’a pas un nouveau commencement, mais c’est l’unique vie commencée sur la terre qui retrouvera sa pleine expression en Dieu. Selon cette perspective, l’homme n’a pas plusieurs vies comme pourrait le laisser penser la théorie de la réincarnation mais une seule vie.
Il faut aussi donner une place importante au corps dans l’affirmation de la foi chrétienne. Nous disons : « Je crois en la résurrection de la chair ». Cette foi s’enracine dans la résurrection du Christ, qui ne change pas de corps, mais qui ressuscite avec son propre corps devenu corps spirituel. Cela signifie que le corps de l’homme, envisagé comme une punition ou une prison dans la pensée des réincarnationnistes, est une grâce promise à la même destinée que l’âme qui est immatérielle. Le corps, dans la pensée chrétienne, est promis à l’éternité. La conséquence est plus que claire : la chair n’est pas une donnée négative du constitutif humain, à la différence de la perception qu’en ont les réincarnationnistes. Mieux, nous ressusciterons avec le même corps. L’homme vivra finalement avec son corps, à l’opposé des réincarnationnistes, où l’âme passe de corps à corps au pluriel, pour vivre finalement sans aucun d’eux.

Enfin la résurrection à laquelle nous croyons n’est pas d’abord de l’ordre du mérite, comme si, par notre effort, nous sommes parvenus à l’étape de la divinité et que nous y participons de plein droit. Pour ceux qui croient en la réincarnation, les multiples morts et naissances aboutissent finalement à l’extinction de toute pesanteur en sorte que, par effort personnel, sur des millénaires, l’homme devient pur esprit, dans la perfection. Pour le chrétien, notre foi en la résurrection relève plus de l’ordre de la grâce que du mérite. C’est Dieu qui en effet donne vie par son Esprit. La résurrection est un don, non un droit.

À tous ces différents niveaux, il faut reconnaître le caractère irremplaçable du mystère de la résurrection du Christ. C’est en lui que nous comprenons mieux l’horizon final de l’homme et que nous arrivons à donner une signification totale au mystère de l’homme. C’est donc le mystère du Christ mort et ressuscité qui permet à l’homme de comprendre un tant soit peu le mystère qu’il représente lui-même. Si le Christ ne ressuscitait pas, vaine serait notre foi et (j’ajoute volontiers) notre vie .

Je voudrais finir ma réflexion en insistant sur la consistance de l’histoire de l’homme. Une lecture de l’histoire de l’homme dans la condition de réincarnation montre que la vie hier, aujourd’hui et demain, ne vaut pas la peine d’être considérée avec toute sa mesure, d’autant que la chance sera offerte de revivre la même vie. Dans une perspective de fins dernières, la vie présente n’est pas plus que la vie antérieure ni la vie future. Tel n’est pas le cas dans la pensée chrétienne. Notre vie est unique et notre histoire n’est pas répétitive. Nous ne connaîtrons qu’une seule mort. Du coup, l’existence humaine prend de la valeur et chacun se doit de prendre au sérieux sa propre vie. Ce qui appelle une bonne gestion de notre liberté dans les choix que nous sommes appelés à faire.

Il y a une grande différence entre la foi en la résurrection des morts et la croyance en la réincarnation. L’Église se fonde sur la foi en la résurrection du Christ pour éclairer la destinée finale de l’homme. Cette foi en la résurrection nous permet de croire que la vie de chaque homme suivra la trajectoire de la vie de Jésus, à savoir que nous naissons, nous grandissons et nous mourrons, une fois pour toutes, et qu’après cette vie terrestre, nous nous retrouverons face à Dieu pour notre jugement. Cela nous permet de comprendre que notre vie actuelle a une importance capitale, à cause de son caractère unique et irréitérable. Du coup, nous devons prendre conscience de notre liberté et de sa gestion. En Jésus ressuscité, notre vie s’ouvre à un avenir meilleur, un avenir de bonheur. Telle n’est pas la vision incarnationniste qui finalement plonge l’homme dans l’inconsistance d’une histoire sans fin, qui se renouvelle sans cesse, allant du mieux au pire, et du pire au bien, dans un cycle interminable. Au bout du rouleau, la promesse de bonheur passe par un processus de refus de soi, du proprement humain. Pour le chrétien, Dieu nous donne la grâce de vivre pleinement et totalement notre vie humaine. Il nous atteint pour nous faire don de la résurrection bienheureuse si nous suivons le chemin de son fils. Ce don commence déjà ici-bas. Il faut en prendre conscience et vivre en conséquence.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 5 commentaires

  1. HOUINATO Charlemagne

    Merci mon père
    Mais je veux toujours comprendre ce passage de Jésus; Matthieu 11:14<>
    Est-ce que, c’est Élie qui est revenu en personne de Jean ? Puisque,il est écrit : qui tué par l’épée,périr par l’épée ; et voyons le nombre de personnes que Élie a tué par épée, et regardons aussi la façon dont Jean Baptiste est mort par épée.

    1. Loumouangani Jérôme grâce

      Salut, mon frère ! Comment comprendre que c’est Eli qui s’était incarné en jean baptiste alors que le jour de la transfiguration de Jésus ce même Eli et Moïse apparaissent encore autour de Jésus et Hérode de son côté crois que c’est jean baptiste qui était ressuscité en entendant parlé de Jésus ? La réincarnation ne serait-elle pas une croyance juive de ce temps là ?

      1. Frère Hervé

        Jean-Baptiste n’est pas la réincarnation d’Elie….

  2. Loumouangani Jérôme grâce

    Merci mon père pour l’enseignement. Que le Seigneur, lui qui envoya ses disciples d’aller enseigner son évangiles partout sur toute la terre, vous comble de sa force et de son intelligence !

  3. Loumouangani Jérôme grâce

    Je le sais, frère. C’était une manière pour moi d’emmener Charlemagne à bien réfléchir sur sa question quand je lui ai posé ses les miennes.

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