Quand nous aurons gardé notre âme en toute vigilance, – disposé des montées dans notre cœur, – défriché en nous de nouvelles jachères et semé en vue de la justice, suivant les avis de Salomon, de David et de Jérémie, allumons en nous-mêmes la lumière de la connaissance, et alors proclamons la sagesse du mystère de Dieu, celle qui est demeurée cachée, brillons aussi devant les autres. Mais jusque-là purifions-nous et initions préalablement au Verbe, afin de nous faire le plus de bien possible à nous-mêmes en nous rendant semblables à Dieu et en accueillant le Verbe qui vient, et non seulement en l’accueillant, mais en le retenant et en le manifestant aux autres.
Ma langue et ma pensée frissonnent lorsque je parle de Dieu ; et puissiez-vous éprouver ces mêmes sentiments louables et heureux ! Quand je dis “Dieu”, soyez frappés par l’éclat d’une lumière unique et de trois lumières : trois en ce qui concerne les personnes ; mais cette lumière est une si l’on parle de la divinité. Pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu : le Père, de qui tout vient, et un seul Seigneur Jésus-Christ, par qui tout existe, et un seul Esprit saint, en qui tout subsiste.
Puisqu’il en est ainsi de ces réalités ou de cette réalité, il fallait que l’adoration ne fût pas limitée aux êtres célestes seulement, mais qu’il y eût ici-bas aussi des adorateurs, afin que tout fût rempli de la gloire de Dieu, puisque tout est à Dieu ; pour cette raison est créé l’homme, qui a l’honneur d’être formé par la main de Dieu et à son image. Mais si la jalousie du diable et le goût amer du péché amenèrent l’homme à se séparer misérablement de son Créateur et à le mépriser, cela n’est pas imputable à Dieu. Qu’arrive-t-il et quel est le grand mystère qui nous concerne ? Les natures subissent une innovation : Dieu devient homme ; celui qui est monté sur le ciel du ciel au levant de sa propre gloire et de sa propre splendeur est glorifié au couchant de notre indignité et de notre bassesse. Le Fils de Dieu accepte de devenir aussi Fils de l’homme et d’en recevoir le nom, il ne change pas ce qu’il était – car il est immuable –, mais il assume ce qu’il n’était pas — car il est ami de l’homme –, afin que celui qui est insaisissable devienne saisissable par l’intermédiaire de la chair, séjournant parmi nous comme enveloppé d’un voile.
Sermon de saint Grégoire de Naziance
Orat. 39, 10.11.12.13 : PG 35, 898.899
Grégoire de Naziance, né en 329 en Cappadoce et mort en 390, est un théologien et un docteur de l’Église. Il fait partie avec Basile de Césarée et Grégoire de Nysse des « Pères cappadociens ».