Comment expliquer la souffrance ?

You are currently viewing Comment expliquer la souffrance ?

Comment expliquer la souffrance de l’homme en général, du chrétien en particulier ?

La souffrance est une réalité difficile à appréhender. Oser une réflexion sur cette thématique est un risque qu’on prend de ne pas convaincre. À moins de circonscription du sujet. Là encore, on n’en parle pas pour emporter l’adhésion. Car la souffrance est difficile à expliquer, plus encore à justifier, pour ne pas faire souffrir davantage. Le silence semble mieux parler de la souffrance que tout flot de paroles. Aussi, voudrais-je que mes mots soient dans cet environnement de silence, non pas pour tomber dans l’oubli, mais pour mieux se creuser dans le silence divin. Dieu seul en effet peut nous parler de la souffrance. Mon propos se repartira en quatre temps : la souffrance du peuple de Dieu à l’exil et la lecture religieuse qui s’en suit, l’étape fondamentale de la souffrance du Christ, préfigurée par l’étape de Job, et la souffrance des chrétiens après la résurrection du Christ et, en appendice, le rapport du chrétien à la souffrance. Nous espérons un éclairci après ce tâtonnement dans l’histoire du peuple d’Israël et dans l’histoire de l’Eglise. De part et d’autre, nous sommes convaincus de la mystérieuse réponse de la croix du Christ, dressée sur le monde.

1. L’exil d’Israël et la réflexion sur la souffrance

Les premières réflexions des écrivains sacrés sur le mystère du mal et de la souffrance nous viennent dans un contexte où le peuple est confronté à la souffrance. Etant dépouillés par l’ennemi de leur Dieu (le temple est saccagé et brûlé), de leur roi (la déportation de la dynastie royale) et de leur terre (en situation d’esclaves dans un pays étranger), les Israélites se posent la question sur les sources du mal et de la souffrance de l’homme. Le produit de leur génie spirituel leur fait comprendre que la souffrance, qui n’est que l’une des manifestations du mal, vient de la désobéissance de l’homme à Dieu. Dans la vérité, peuvent-il conclure, si nous souffrons aussi, chassés de notre terre, comme du « jardin d’Eden », c’est parce que nous n’avons pas obéi au Seigneur. La souffrance a donc part liée avec la désobéissance à Dieu. Lire les onze premiers chapitre de la Genèse dans cette perspective.

2. La passion du Christ et sa lumière sur la souffrance

On peut cependant rétorquer en donnant des exemples de personnes justes, qui souffrent. Pour le compte de l’Ancien Testament, prenons l’exemple de Job. Pour celui du nouveau Testament, le Messie lui-même. La souffrance de l’un et la passion de l’autre ne se justifient pas, puisque aucun des deux n’a péché. La souffrance du sage Job et surtout la passion du Christ nous donnent ainsi un angle nouveau de compréhension de la souffrance. Si l’homme souffre parfois à cause de ses propres péchés, la souffrance peut devenir un moyen pour Dieu de se glorifier de l’humilité et de l’obéissance de ceux qui croient en lui. « Vois mon serviteur Job. Il ne me désobéirait pas, quelle que soit le mal que tu lui feras », dit fièrement le Seigneur à Satan. La passion du Jésus est aussi la victoire personnelle de Dieu grâce à l’obéissance inconditionnelle du Fils.

3. L’Église persécutée dans le monde

Des considérations précédentes, on peut retenir deux leçons pour l’Eglise persécutée. Elle est persécutée comme son Seigneur, mais justement sa fidélité à son Dieu ne se négociera pas. La souffrance et le mal ne feront pas que l’Eglise se détourne du Seigneur. La souffrance et la persécution, émanations des forces du mal, ne prévaudront pas contre elle. Ce qui est vrai pour l’Église l’est pour chacun de ses enfants. Mais l’envers est que si l’Église venait à désobéir à son Dieu, elle pourrait se retrouver dans la situation du premier Israël en pénitence à cause de sa désobéissance à Dieu. Ce qui serait difficile à envisager, justement à cause de sa tête qui est le Christ, qui la renouvelle et la sanctifie constamment. Hélas, ce qu’on peut dire de l’Église dans dimension mystique, ne l’est pour ses fils et filles pris individuellement. Ils continuent de désobéir à Dieu et, par voie de conséquence, de subir la mort (le mal, la souffrance, la violence) qui est le salaire du péché.

Heureusement que d’autres souffrent, justement à cause de leur fidélité à leur identité chrétienne. En eux est plantée la croix du Christ ou, pour être juste, l’obéissance inconditionnelle du Christ à son Père.

4. Souffrir chrétiennement : quel sens ?

Souffrir chrétiennement ne peut se comprendre qu’en ce sens où l’on accepte la persécution à cause de sa foi au Christ. Du point de vue de Dieu : c’est le test d’obéissance, qui transite par l’humilité. Dieu permet des épreuves pour nous éduquer à l’humilité et à l’obéissance (Dt 8). Toute comparaison avec le non-croyant devient inconvenante. Pourquoi le chrétien souffre-t-il alors que le païen est à l’aise ? La réponse est unique : il souffre parce qu’il est croyant et sa foi lui impose une vie qui, de soi, rencontrera l’opposition du monde incrédule. Pourquoi alors le païen lui ne souffre pas ? Parce qu’il n’a pas emprunté le chemin du Christ, le chemin éprouvant de l’humilité et de l’obéissance. Mais le païen a sa souffrance, parfois très grande, souvent intérieure, que les autres ne voient pas. L’essentiel est invisible aux yeux. Et qui dit que le païen n’envie pas la sérénité du chrétien malgré sa souffrance ?

La souffrance est incompréhensible, pour le simple homme et pour le chrétien. L’expérience du peuple d’Israël nous permet de l’approcher un tant soit peu comme conséquence de la désobéissance de l’homme à Dieu. Avec le Christ, elle prend la forme d’un moyen de glorification de Dieu pour la fidélité de son serviteur. Il en est ainsi pour l’Église et pour chaque chrétien. La vraie souffrance est intérieure, comme d’ailleurs le vrai bonheur. Toute comparaison entre la souffrance des uns et le bonheur des autres n’est qu’illusion, source inutile de désespoir.

Vous aimez cet article ? Donnez lui 5 étoiles
  [Moyenne : 5]
Print Friendly, PDF & Email

Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cette publication a un commentaire

  1. Estelle Donan

    Très belle analyse. Merci pour le partage. Puisse le Seigneur soit notre réconfort dans nos moments de souffrance, Amen!

Les commentaires sont fermés.