Jésus, Roi crucifié

Couronne d'épine
Couronne d'épine

Homélie de Mgr Fidèle Agbachi à l’occasion de la fête du Christ Roi de l’Univers

Première lecture : 2S 5,1-3

Psaume responsorial : Ps 122(121)

Deuxième lecture : Col 1,12-20

Évangile : Lc 23,35-43

Jésus, le Roi crucifié

L’institution de la fête du Christ-Roi est liée à des contingences historiques précises mais le fait d’attribuer au Christ le titre de Roi est justifiable en dehors de tout contexte historique.

Jésus peut hériter de ce titre en tant que Fils de Dieu, c’est-à-dire, Fils de Celui qui est connu comme le Rois des rois. Appliqué à Dieu, ce titre n’a pas qu’une seule connotation : Dieu est roi sans plus de précision dans la bouche du Psalmiste (cf. Ps 146(145) et dans celle d’Isaïe (cf. Is 6,5), et quand précision est donnée, on nomme Dieu Roi d’Israël (cf. Nb 23,21 ; Dt 33,5 ; 1S 8,7 ; 12,12), Roi des Nations (cf. Ps 22(21),29 ; Za 14,14), ou encore Roi en vertu de sa création (cf. Ps 74(73),12).

Jésus peut être encore Roi en tant que Fils d’Homme, car la généalogie matthéenne fait de lui un descendant de David par le biais de la paternité putative de Joseph, et justement le profil royal de David nous donne une clef de lecture de la Royauté de Jésus.

Dans la première lecture de ce jour, les tribus du Nord viennent trouver David à Hébron et l’intronisent roi en ces termes : nous sommes du même sang que toi… Cette déclaration laisse entendre que la royauté consiste dans l’établissement d’une relation entre un homme et des sujets. Cette relation assigne au roi la tâche de défendre ses sujets contre l’ennemi extérieur, de promulguer des lois pour la paix intérieure et, par conséquent, de se constituer juge pour récompenser les bons et châtier les délinquants. Les droits et devoirs de part et d’autre s’accomplissent dans le contexte d’une relation de sang.

Il revient à la deuxième lecture de ce jour de souligner l’aspect relationnel de la royauté du Christ en présentant le Christ comme la tête du corps. Si l’on ne peut envisager un corps sans tête ni une tête sans corps, on comprend l’intimité du lien de sang entre Jésus Roi et ses sujets, car depuis son Incarnation, nous pouvons reprendre à notre compte les paroles d’intronisation de David et les adresser à Jésus : nous sommes de même sang que toi.

Il s’ensuit que c’est toute la carrière du Verbe Incarné qui fait de lui notre Roi. De fait, les ennemis extérieurs contre lesquels Jésus nous défend, ce ne sont ni les Amalécites ni les Philistins (ennemis jurés d’Israël), mais le péché et la mort.

De plus, à l’intérieur, il fait régner la paix en promulguant la Loi de la Nouvelle Alliance : aimer Dieu et aimer le prochain comme soi-même. Qui observe cette loi accède comme élu à la vie éternelle.

Même si ce que nous venons de dire semble calquer la Royauté du Christ sur celle de David, il reste à souligner que Jésus a une façon si originale d’être roi que pour la percevoir, il faut avoir les yeux du bon Larron. Et cela nous transporte à la fin de sa carrière, sur le Golgotha qui nous offre l’inqualifiable spectacle de trois hommes crucifiés pour mourir sans tarder. Jésus est l’un d’eux, au milieu d’eux crucifié, et c’est de cette façon qu’il règne. Drôle de roi, drôle de règne, et quelle Royauté est celle du Christ !

Du point de vue scénique, Luc excelle en narration lorsqu’il nous présente les camps constitués sur le Calvaire.

D’abord, celui des moqueurs : les chefs du peuple et les soldats du peloton d’exécution. Ce camp n’est même pas un, car pendant que les chefs se moquent de Jésus, les soldats se moquent des chefs, un peu comme en disant : « voilà que nous tuons votre roi, le Roi des Juifs, on verra ce que deviendra votre velléité d’indépendance par rapport à la domination de l’Empereur romain ». Les chefs sont des moqueurs moqués. Le drame, ce n’est pas que dans ce camp, les membres se moquent, mais qu’ils ne voient pas la Royauté du Christ. De plus, en déclarant : il a sauvé les autres, ils proclament l’innocence de Jésus, car c’est la perversité et non la justice qui fait crucifier celui qui sauve les autres.

Enfin, on lui dit : sauve-toi toi-même. L’erreur ! C’est le salut des moqueurs qui est compromis, celui de Jésus est garanti, car le Père fidèle au Fils le sortira victorieux de la tombe.

Ensuite, le camp des crucifiés. Un camp qui n’est pas un non plus, car parmi les crucifiés, il y a un moqueur : n’es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même et nous avec. Ah ! Si cette affirmation, au lieu d’être une moquerie, était une prière !

Mais la prière viendra du Bon Larron, résolument opposé à son ancien complice qu’il réprimande avant de proclamer l’innocence de Jésus : … lui, il n’a rien fait de mal.

Enfin, le camp royal que le bon Larron rejoint en implorant : Jésus, souviens-toi de moi… Et de fait, Jésus se souvient : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.

Le seul camp où règne la concorde ! Au Paradis, Jésus entre avec cette surprenante escorte. C’est le Roi de Miséricorde !

Le spectacle des trois crucifiés détermine les deux principaux camps de l’humanité : l’humanité qui s’obstine dans le péché et se perd ; l’humanité qui de son Roi obtient salut et Miséricorde et se convertit. Jésus est le Roi des convertis, et s’il fréquente les publicains et les pécheurs, ce n’est pas pour leur être complice, mais pour les convertir et les introduire dans son Règne.

Chrétien, chrétienne, voici ton Roi : pour tenue d’apparat, vêtu de sa nudité ; son trône, le bois de la croix ; d’épines est sa couronne.

De là, apprends que tu ne règneras que si, dépouillé de tout, tu sers jusqu’à mourir la cause des hommes.

De là, apprends que si ton Roi porte une couronne d’épines, tu ne pourras en porter une autre et être digne de lui et de son Règne.

Apprends ! 

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

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