Comment définir la prière dans la foi catholique ?

Vérité de relation
Vérité de relation

Nous avons tous une certaine expérience de la prière chrétienne. Mais la définir n’est pas chose aisée. Dans cet article, nous voulons nous essayer à cette tâche.

1re Partie

La prière chrétienne est la relation à Dieu

La définition de la prière, selon l’Église catholique, exige un préalable, qui est « le mystère de la foi ». Ce mystère de la foi repose sur la révélation que Dieu fait de lui-même à l’homme, pour que ce dernier le connaisse, l’aime et le serve. Dieu veut que l’homme soit en relation avec lui et, en réponse, l’homme aussi désire intensément être en relation avec Dieu. Dans le mystère de la foi catholique, la prière est « la relation vivante et personnelle » que l’homme entretient avec son Dieu. Autrement dit, quand la foi nous met en relation avec Dieu, elle produit ce que l’on peut nommer « la prière ».

Dieu est relation interne. Le Père est en relation avec le Fils et l’Esprit, tout comme le Fils l’est avec le Père et l’Esprit et ce dernier avec le Père et le Fils. Autant Dieu est relation, autant, il crée l’homme « être de relation », en sorte qu’on ne puisse penser Dieu ni l’homme, en dehors de la relation. Quand les deux relations sont « reliées », il se crée la prière. La prière personnelle est la relation d’une seule personne avec Dieu. La prière communautaire est la relation de plusieurs personnes, considérées comme une entité, avec Dieu. Il convient de le répéter, ce caractère relationnel, expression profonde de la vie du Dieu trinitaire et de l’homme créé « être relationnel » est donc la marque fondamentale de la prière chrétienne.

Ce terme « relation » est le plus petit dénominateur commun à toute expérience spirituelle. Il est donc de toute convenance de s’attarder un tant soit peu sur le contenu de cette expression. Qu’est-ce qu’une relation ?

La relation est « l’état d’une chose qui tient à une autre ». Dans ce sens, on dira que la prière, en tant que relation, met en jeu deux sujets dont l’un se rapporte à l’autre, comme si le premier ne va pas sans le second. L’exemple des parents et leurs enfants peut mieux nous éclairer. Si la relation est le rapport entre deux personnes, on ne peut strictement parler de « père » ou de « mère » sans penser au « fils » ou à la « fille » et inversement. C’est donc ce rapport qui fait advenir la liaison, l’échange, la communication entre « le parent » et son « enfant ». C’est en effet quand la relation est tenue et vécue que parents et enfants entrent en correspondance, en dialogue, en prière. Plus cette relation est profonde, plus la communication, le dialogue, la prière est vraie, vivante, vitale, nourrissante, etc.

Quand on définit la prière comme une relation, on dit donc beaucoup trop choses à la fois dans la concentration d’un seul mot, en sorte qu’affirmer que prier signifie « se rapporter à » ou « être en relation avec » est totalement vrai et absolument complet. Restent pourtant trois précisions qualificatives et significatives à défaut desquelles la relation peut être ou viciée ou faussée.

Une relation vraie, vivante et personnelle

La relation de l’homme avec Dieu est la prière. Mais la fausse relation avec Dieu n’est pas la relation. Et bien souvent, on peut penser être en relation avec Dieu, sans y être vraiment. La relation est faussée quand elle n’est pas vraie, vivante et personnelle. Du coup, on peut penser prier sincèrement, sans jamais prier. Essayons de comprendre davantage ces trois réalités.

Une relation vraie

La vérité est ce à quoi l’esprit peut et doit donner sa totale adhésion, quand il y a adéquation ou conformité entre l’objet de pensée et la réalité. Une relation est vraie quand les deux personnes concernées sont en cohérence l’une avec l’autre, dans leur expression profonde. La prière de vérité est donc celle qui vient de l’homme qui ne se masque pas devant son Dieu et qui s’adresse à lui, dans la vérité de ce qu’il est et de ce que Dieu est en lui-même.

Pour cela, prenons deux exemples : le premier s’inspirera des faits de la vie ordinaire, le second, de la Parole de Dieu. Je suis un employé dans une entreprise. Je ne porte pas du tout mon supérieur hiérarchique dans mon cœur. Mais chaque fois que je le rencontre, je lui décerne un large sourire, en lui disant : « Monsieur, vous êtes le meilleur. Je vous apprécie au-delà de tout. ». Cette déclaration n’est pas vraie, car il n’y a pas adéquation entre ce que pense réellement l’employé de son patron et la réalité de ses déclarations. Même si son patron était le meilleur, sa prière est mauvaise, car sa relation avec son patron n’est pas vraie.

L’exemple biblique du pharisien et du publicain est encore plus éloquent. Nous y reviendrons certainement plus loin. Entre les deux orants, Jésus approuve la prière du publicain et reprouve celle du pharisien. La raison est simple : la prière de l’un est bonne et celle de l’autre est mauvaise, car bien qu’ils soient tous deux en relation avec Dieu, la relation du pharisien manque de vérité alors que celle du publicain exprime son être profond dans sa relation avec Dieu : un pécheur.

Enzo Bianchi écrivait justement ceci : 

« L'attitude du publicain de la parabole évangélique (Luc 18,9-14) est exemplaire, lui qui prie en se présentant à Dieu comme il est en réalité, sans mensonge et sans masque, sans hypocrisie et sans idéalisation, et en acceptant que sa vérité soit ce que Dieu pense de lui, soit le regard de Dieu sur lui. Ce n'est qu'en étant capable d'une attitude réaliste, pauvre et humble, que l'on peut se tenir devant Dieu, en acceptant d'être connu de Dieu pour ce qu'on est véritablement »

Aucun homme n’est en effet juste devant Dieu. C’est un postulat avant toute prière.

Une relation vivante

La vie est ce qui se donne le mieux à voir. Dieu est vivant et crée l’homme comme un être vivant. En l’homme, il insuffle le souffle de vie. La prière, définie comme relation de l’homme avec Dieu est vivante, si et seulement s’il y a une constance croissante dans la relation entre Dieu et l’homme. Pour cela, il faut se convaincre de deux choses essentielles.

La première est que Dieu est vivant. Le Dieu auquel le chrétien catholique s’adresse n’est pas le produit des réflexions et des déductions logiques ou du sentiment inné de Dieu en lui. Il est loin du Dieu auquel les philosophes aboutissent au terme de leur réflexion métaphysique. Ce Dieu est trop loin de l’homme et reste la résultante de la pure réflexion. Le Dieu que le chrétien catholique prie est un Dieu vivant qui agit et interagit avec l’homme. C’est un Dieu qui écoute, qui exprime son mécontentement, sa satisfaction. C’est le Dieu auquel Abraham s’adresses longuement, celui auquel David s’adresse humblement. Notre Dieu est vivant, car il intervient dans l’histoire des hommes et donc dans notre histoire.

Ma relation avec ce Dieu doit être aussi vivante. Pour l’être, il lui faut un dynamisme constant. Toute ma vie intéresse Dieu, instant après instant, milieu après milieu. La relation est vivante quand elle n’exclut aucun aspect de ma vie : ma pensée, mes paroles, mes actes, mes peurs, mes angoisses, mes désirs, mes joies, mon bonheur. Toute notre vie, dans son extension et dans sa totalité, doit être en liaison avec Dieu.

Prenons l’exemple de deux enfants qui vivent à la maison avec leur père. L’un est toujours avec son père, lui parlant de sa journée, ses activités, ses rencontres, ses pensées, ses difficultés, etc., tandis que l’autre est recroquevillé sur lui-même. Il parle aussi peu possible avec son père. Il mène sa vie en mettant en marge son père. Il ne communique que le strict minimum. Entre les deux relations des enfants avec leur père, laquelle est pleine de vie ? Naturellement celle du premier enfant.

En revenant à la prière, il est important de garder la connexion permanente avec Dieu. Pour me servir d’un langage actuel, il faut que la connexion soit le haut débit, car plus la connexion est permanente, plus il y a de vie, plus il y a prière, et plus Dieu agit et interagit. Quand il n’y a plus de vie du tout dans la relation, c’est qu’il n’y a plus de relation : la prière n’existe plus. La prière dans l’Église catholique, suppose donc que la relation soit nourrie de vie.

Une relation personnelle.

Pour comprendre ce paragraphe, il faut d’abord s’entendre sur le contenu de l’adjectif « personnel », qui vient du nom commun « personne ». Qu’est-ce qu’une personne ? Une personne est un individu possédant des facultés comme : la raison, l’intelligence, le discernement, la conscience, la volonté, le discernement, les sentiments, l’émotion. Quand on découvre ces facultés chez un être, on le qualifie de « personne ».

Dans la foi chrétienne, c’est d’abord Dieu qui est une personne et qui crée ensuite l’homme à son image et sa ressemblance. L’homme est donc une personne, douée des facultés que nous avons distinguées ci-dessus. Ces attributs de la personne font de chaque personne un être unique dans le monde, en sorte qu’une personne n’est pas interchangeable par une autre. De la même manière, chaque personne dispose toujours d’une certaine autonomie dans la manifestation de sa personnalité. Tout ceci est vrai pour Dieu et pour l’homme.

Entretenir une relation personnelle avec Dieu, c’est le prier avec ce qui nous constitue en tant que personne et qui nous particularise au milieu de tous les autres êtres humains. Dieu connaît chacun de nous personnellement et veut que nos prières soient personnalisées. Ainsi, s’il est bon de se servir des livres de prières, il convient de les ramener à soi, pour que ces prières prennent sens pour notre histoire personnelle avec Dieu. Dieu est un Père qui aime chacun de ses enfants, d’un amour débordant, selon les particularités de son histoire et de sa personnalité. C’est moi qui te prie. JE TE prie et TU ME réponds. Voilà une prière personnelle.

Contemplons un peu le Christ dans sa prière : Il prie dans la joie : en ce moment, Jésus exulta de joie et cria : Père, je te bénis… (Lc 10, 21). Il prie dans la peine : Père, si tu peux éloigner de moi cette coupe, non pas ma volonté, mais la tienne (Lc 22, 42). Il prie pour ses disciples et demande des biens qui le préoccupent : Père, qu’ils soient un, comme toi et moi, nous sommes un (cf. Jn 17, 20-23). Il prie longuement la nuit avant de choisir ses disciples ; il présente les cinq pains et les deux poissons et prononce la bénédiction ; sur la croix, il dit :  Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Mt 27, 46). Dans ses prières, Jésus n’est jamais impersonnel. De son expérience spirituelle appuyée sur l’exemple même du Christ, voici ce que dit sainte Thérèse de l’enfant Jésus : 

« Pour moi, la prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie »

Dès lors que nos prières deviennent personnelles, elles cessent d’être des masques derrière lesquels nous nous cachons. Elles prennent un visage. Elles nous expriment, elles nous personnalisent devant Dieu. À partir de cette remarque, nous devons revisiter notre manière de prier. Désormais, nous devons faire en sorte que notre prière (notre relation à Dieu), qu’elle soit inspirée d’un livre ou provienne de notre inspiration, soit une prière qui s’enracine dans notre histoire. La prière a ainsi un rapport intrinsèque à l’histoire des hommes, pris individuellement ou collectivement ; elle est la relation à Dieu dans les événements de nos histoires.

Il me faut préciser tout de même que cette observation est aussi vraie pour les groupes. Si nous sommes une communauté en prière, notre prière sera personnelle dans la mesure où elle exprime, dans la foi, le visage de notre communauté. Dieu, en effet, connaît notre communauté, notre groupe, notre Église… et c’est au cœur de chacune de ses histoires à caractère personnel qu’il veut agir.

Nous avons entrepris de faire comprendre ce qu’est la prière dans la foi catholique. Dans le mystère de la foi, la prière est la relation vivante, vraie et personnelle que l’homme entretient avec son Dieu. Ceci étant, nous ne sommes qu’à l’ébauche de la définition. La prière est la relation à Dieu, mais elle appelle aussi une relation aux hommes, expression de l’amour que nous devons avoir, non seulement pour Dieu, mais aussi pour les hommes. Nous découvrirons succinctement cette réalité dans les paragraphes qui vont suivre.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cette publication a un commentaire

  1. Soglo Alexandre

    Merci énormément cher Père pour l’éclaircissement.

Les commentaires sont fermés.