La sainteté est l’œuvre de l’Esprit

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L’illusion commune est de penser que la sanctification soit l’œuvre de l’homme : il s’agit d’avoir un programme bien clair de croissance spirituelle et de se mettre à l’œuvre avec courage et patience pour le réaliser progressivement. Tout est là.

Malheureusement (ou heureusement !) tout n’est pas là… Qu’il faille du courage et de la patience, sans doute. Mais que la sainteté soit la réalisation d’un programme de vie que nous nous fixons, certainement pas. Nous évoquerons, entre autres, deux raisons principales. 

1. La tâche est au-delà de nos forces

Il est impossible d’accéder à la sainteté par nos seules forces. Toute l’Écriture nous enseigne qu’elle ne peut être que le fruit de la grâce de Dieu. Jésus nous dit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 15). Et saint Paul : « Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir » (Rm 7,18). Les saints eux-mêmes en témoignent. Voici comment s’explique Saint Louis Marie Grignion de Monfort, parlant de cette sanctification qui est le projet de Dieu sur nous :

Oh ! Quel ouvrage admirable : la poussière changée en lumière, l’ordure en pureté, le péché en sainteté, la créature en le Créateur et l’homme en Dieu ! Oh ! Ouvrage admirable ! Je le répète, mais ouvrage difficile en lui-même et impossible à la seule nature ; il n’ya que Dieu qui, par une grâce et une grâce abondante et extraordinaire, puisse en venir à bout ; et la création de tout l’univers n’est pas un si grand chef-d’œuvre que celui-ci

Quels que soient nos efforts chers membres du site « Un prêtre vous répond », nous ne pouvons pas nous changer nous-mêmes. Seul Dieu peut venir à bout de nos défauts, de nos limites, dans l’ordre de l’amour, lui seul a une emprise assez profonde sur nos cœurs. En être conscients nous évitera bien des combats inutiles et des découragements. Nous n’avons pas à devenir saints par nos seules forces, mais à trouver le moyen de faire en sorte que Dieu nous rende saints.

Cela demande de beaucoup d’humilité (renoncer à cette prétention orgueilleuse à vouloir nous en sortir par nous-mêmes, accepter nos pauvretés, etc.) mais, en même temps, c’est très encourageant.

En effet, si nos propres forces ont des limites, la puissance et l’amour de DIEU n’en a pas. Et nous pouvons infailliblement obtenir que cette puissance et cet amour viennent au secours de notre faiblesse. Il nous suffit de consentir paisiblement à cette dernière et de mettre en Dieu seul toute notre confiance et notre espérance. Dans le fond c’est très simple, mais comme toutes les choses simples, il nous faut des années pour le comprendre et surtout pour le vivre.

Le secret de la sainteté, c’est en quelque sorte de découvrir que nous pouvons tout obtenir de Dieu, à condition de savoir comment le prendre. C’est le secret de la petite voie de sainte Thérèse de Lisieux : Dieu a un cœur de père, et nous pouvons absolument obtenir de lui la totalité du nécessaire à la sainteté, si nous savons le prendre par le cœur.

Voici un passage d’une lettre de Thérèse qui peut nous aider à percevoir ce que cela veut dire :

Je voudrais essayer de vous faire comprendre par une comparaison bien simple combien Jésus aime les âmes, même imparfaites, qui se confient en Lui. Je suppose qu’un père ait deux enfants espiègles et désobéissants, et que venant pour les punir, il en voit un qui tremble et s’éloigne de lui avec terreur, ayant pourtant au fond du cœur le sentiment qu’il mérite d’être puni ; et que son frère, au contraire, se jette dans les bras du père en disant qu’il regrette de lui avoir fait de la peine, qu’il l’aime et que, pour le prouver, il sera sage désormais, puis si cet enfant demande à son père de le punir avec un baiser, je ne crois pas que le cœur de l’heureux père puisse résister à la confiance filiale de son enfant dont il connaît la sincérité et l’amour. Il n’ignore pas cependant que plus d’une fois son fils retombera dans les mêmes fautes, mais il est disposé à lui pardonner toujours, si toujours, son fils le prend par le cœur (…)

Je crois que cette idée que l’on peut tout obtenir de Dieu, Thérèse l’a trouvée chez celui qui a été presque son unique maître, Saint Jean de la croix. Voici ce que dit ce dernier, dans son cantique spirituel :

Grande est la puissance et l’obstination de l’amour, puisqu’il conquiert et lie Dieu lui-même. Heureuse l’âme qui aime, car elle tient son Dieu prisonnier, et rendu à tout ce qu’elle désire. Il est en effet d’une nature telle que, si on le prend par amour et par le bon côté, on lui fera faire ce que l’on veut.

Cette phrase audacieuse sur la puissance que peuvent avoir notre amour et notre confiance sur le cœur de Dieu comporte une belle et profonde vérité. Le même saint Jean de la croix l’exprime ailleurs en d’autres termes : « Ce qui touche le cœur de Dieu et en triomphe, c’est une ferme espérance ».  Et encore : « Dieu a une si haute estime de l’espérance de l’âme qui est sans cesse tournée vers lui et compte sur lui seul qu’on peut dire en vérité qu’elle obtient tout ce qu’elle espère ».

La sainteté n’est pas un programme de vie, mais elle est quelque chose qui s’obtient de Dieu, il existe même des moyens crédibles pour l’obtenir, le tout est de savoir lesquels… Nous avons tous le pouvoir de devenir saints, simplement parce que Dieu se laisse vaincre par la confiance que nous mettons en lui. Ce que nous allons dire par la suite a comme but de nous mettre sur cette bonne voie…

2. Dieu seul connaît le chemin de chacun

Voici une deuxième raison pour laquelle on ne devient pas saint en se fixant un programme : il y a autant de formes de sainteté, et donc aussi de cheminements vers la sainteté, que de personnes. Chacun est absolument unique pour Dieu. La sainteté n’est pas la réalisation d’un certain modèle de perfection qui serait identique pour tous. Elle est l’émergence d’une réalité absolument unique, que Dieu seul connaît et que lui seul sait faire éclore. Chacun ignore en quoi consiste sa propre sainteté, cela ne lui est dévoilé qu’au fur et à mesure de son cheminement, et c’est souvent bien autre chose que ce qu’on pouvait imaginer. Au point que le plus grand obstacle vers la sainteté, c’est peut-être de trop « s’accrocher »’ à l’image qu’on se fait de sa propre perfection.

La sainteté que Dieu veut est toujours différente, toujours déroutante, mais en fin de compte infiniment plus belle, car Dieu seul est capable de créer des chefs-d’œuvre absolument uniques, alors que l’homme ne sait qu’imiter.

Cela a une grande conséquence. Pour accéder à la sainteté, l’homme ne peut pas se contenter de suivre des principes généraux qui valent pour tout le monde. Il lui faut aussi comprendre ce que Dieu lui demande en particulier, et qu’il ne demande peut-être à aucun autre. Comment le reconnaître ? La réponse sera de diverses manières : à travers les événements de la vie, dans les conseils d’un père spirituel, et bien d’autres moyens encore.

Parmi ceux-ci, il en est un dont l’importance fondamentale mérite d’être expliqué. Il s’agit des inspirations de la grâce divine. En d’autres termes, il s’agit de ces sollicitations intérieures, de ces mouvements de l’Esprit Saint dans le profond de votre cœur, par lesquels Dieu nous fait connaître ce qu’il nous demande, et en même temps nous communique la force nécessaire pour l’accomplir, si du moins nous y consentons. Nous dirons plus loin comment discerner et accueillir ces inspirations.

Pour devenir saints, nous devons bien entendu nous efforcer de mettre en pratique la volonté de Dieu, telle qu’elle nous est signifiée de manière générale et valable pour tous, par l’Écriture, par les commandements, etc. Il est indispensable aussi, comme nous venons de le dire, d’aller plus loin : aspirer à connaître non seulement ce que Dieu demande à tous de manière générale, mais aussi ce qu’il attend plus spécifiquement de moi. C’est là qu’interviennent ces inspirations dont nous parlons. Mais il faut affirmer aussi que, même en ce qui concerne l’accomplissement de la volonté générale de Dieu sur nous, ces inspirations sont nécessaires.

La première raison est la suivante. Si nous aspirons à la perfection, nous avons tant de choses à pratiquer, tant de commandements et de vertus à mettre en œuvre, qu’il nous est impossible de combattre sur tous les fronts, il est donc important à un moment de notre vie de savoir quelle vertu nous devons mettre en priorité, non selon nos idées, mais selon ce que Dieu demande effectivement, ce sera infiniment plus efficace. Et ce n’est pas toujours ce que nous pensons spontanément. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus : il arrive bien souvent que nous fassions des efforts démesurés pour progresser sur un point, alors que Dieu nous demande autre chose. Par exemple faire des efforts acharnés pour corriger un défaut de caractère, alors que ce que Dieu nous demande est de l’accepter avec humilité et douceur envers nous-mêmes ! Les inspirations de la grâce sont très précieuses pour nous permettre de bien orienter nos efforts, dans la multitude des combats que nous avons à mener…Sans elles, nous risquons fort, soit de nous relâcher sur certains points, soit d’exiger de nous-mêmes plus que ce que Dieu nous demande, ce qui est tout aussi grave et plus fréquent qu’on ne croit. Dieu nous appel à la perfection, mais n’est pas perfectionniste. Et la perfection se rejoint non pas tant par la conformité extérieure à un idéal que par la fidélité intérieure à des inspirations.

Il y a une deuxième raison, que l’expérience démontre. Même la volonté et les commandements de Dieu que nous connaissons parce qu’ils sont valables pour tout le monde, nous n’avons bien souvent pas la force de les accomplir. Or chaque fois que nous sommes fidèles à répondre à une motion de l’Esprit dans le désir d’être dociles à ce que Dieu attend de nous, même à propos d’une chose en soi presque insignifiante, cette fidélité attire sur nous un surcroît de grâce et de force, qui pourra s’appliquer dans d’autres domaines et nous rendre peut-être un jour capables de pratiquer ces commandements que, jusque-là, nous n’avons pas la force de pratiquer pleinement. C’est, pourrait-on dire, une application de la promesse de Jésus dans l’Évangile : « Bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, tu seras établi sur beaucoup » (Mt 25, 10). On peut en déduire une « loi spirituelle » fondamentale : Nous obtiendrons la grâce d’être fidèles dans les choses importantes, qui nous sont pour le moment impossibles, à force d’être fidèles dans les petites choses à notre portée, surtout quand ces petites choses sont celles que le Saint-Esprit nous demande en sollicitant notre cœur par ses inspirations.

Terminons ce passage par une considération, elle aussi capable, pour nous motiver dans le désir de fidélité à ces inspirations. Si nous vous proposons de faire des efforts pour réaliser quelque progrès spirituel selon nos idées et nos critères à nous, le succès est loin de nous être assuré. Nous l’avons dit : entre ce que Dieu nous demande effectivement et ce que nous imaginons qu’il demande, il y a parfois une belle différence. Nous n’aurons pas la grâce pour faire ce que Dieu ne nous demande pas, par contre, pour ce qu’il attend de nous, sa grâce nous est assurée : Dieu donne ce qu’il ordonne. Quand Dieu inspire de faire quelque chose (si c’est vraiment lui qui est à la source de cette inspiration), il procure en même temps la capacité de le faire. Même si cela nous dépasse ou nous fait peur dans un premier moment… Toute motion divine, en même temps qu’elle est lumière pour comprendre ce que Dieu désire, est force pour l’accomplir. Lumière qui éclaire l’intelligence, et force qui anime la volonté.

3. La fidélité à la grâce attire d’autres grâces

Voici un petit récit de sœur Faustine, extrait de son journal.

Ce soir, je tâchais de faire tous mes exercices jusqu’à la bénédiction, car je me sentais plus malade qu’à l’ordinaire. Tout de suite après la bénédiction, je suis allée me coucher. Mais quand je suis entrée dans ma chambre, soudain, j’ai senti intérieurement qu’il fallait que j’aille dans la cellule de Sœur N. Car elle avait besoin d’aide. Je suis tout de suite entrée dans sa cellule, et Sœur N. m’a dit : “Oh ! comme c’est bien, ma Sœur, que Dieu vous ait amenée.’’ Et elle parlait d’une voix si basse que j’ai pu à peine l’entendre. Elle me dit : “Ma Sœur, veuillez, s’il vous plaît, m’apporter un peu de thé avec du citron, car j’ai tellement soif et je ne peux bouger, car je souffre beaucoup. » Et vraiment elle souffrait beaucoup et elle avait beaucoup de fièvre. Je l’ai placée plus commodément et avec un peu de thé, elle a apaisé sa soif. Quand je suis entrée dans ma cellule, mon âme a été pénétrée d’un grand amour de Dieu et j’ai compris qu’il faut faire très attention aux inspirations intérieures et le suivre fidèlement. Et la fidélité à une grâce en attire d’autres.

Ce texte illustre bien certaines choses dites précédemment. Il souligne un point capital : chaque fidélité à une inspiration est récompensée par des grâces plus abondantes, en particulier par des inspirations plus fréquentes et plus fortes, il y a ainsi un entraînement de l’âme vers une fidélité plus grande à Dieu, une perception plus claire de sa volonté, une facilité majeure pour l’accomplir. Saint François de Sales l’affirme, lui aussi :

Quand ont fait très bien son profit d’une inspiration que notre Seigneur donne, il en redonne une autre, et ainsi Notre Seigneur continue ses grâces à mesure que l’on en fait son profit.

Et c’est cela le dynamisme fondamental qui pourra nous conduire peu à peu à la sainteté, notre fidélité à une grâce en attirant d’autres.  Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus elle aussi témoigne de ce « dynamisme de la fidélité » qui rend de plus en plus aisé l’accomplissement de la volonté de Dieu :

La pratique de la vertu me devint douce et naturelle ; au commencement mon visage trahissait souvent le combat, mais peu à peu cette impression disparut et le renoncement me devint facile même au premier instant. Jésus l’a dit : « A celui qui possède, on donnera encore et il sera dans l’abondance. » Pour une grâce fidèlement reçue, il m’en accordait une multitude d’autres…

Ajoutons que cela s’accompagne d’une grâce de bonheur : même si obéir à l’Esprit nous coûte souvent dans un premier moment, parce que cela heurte nos peurs, nos attachements, etc.  Cette obéissance est toujours, en fin de compte, source de joie et de bonheur, elle est accompagnée d’une effusion de grâces qui dilate le cœur, qui fait que l’âme se sent libre et heureuse de cheminer dans les voies du Seigneur : « Je cours sur la voie de tes commandements, car tu as mis mon cœur au large » (Ps 119, 32). Dieu nous récompense largement, avec une générosité qui n’appartient qu’à lui. Il nous traite en Dieu… Il y a là aussi comme une loi spirituelle, que l’expérience confirme, et mérite d’être notée. Ce qui veut dire que cette voie de la docilité aux motions de l’Esprit, si elle est très exigeante, car « l’Esprit souffle où il veut » (Jn 3, 8), est une voie de liberté et de bonheur, dans laquelle l’âme chemine sans contrainte, le cœur non pas resserré, mais dilaté. Cette dilatation du cœur est comme un signe manifeste de la présence de l’Esprit.

L’Esprit Saint est à juste titre appelé « consolateur ». Les touches de cet Esprit, qui nous éclairent et nous poussent à agir, quand elles sont accueillies, outre la lumière et la force, déversent dans notre cœur comme une onction de réconfort et de paix, qui bien souvent nous comble de consolation. Quand bien même leur objet serait de peu d’importance, ces touches, comme elles procèdent de l’Esprit divin, participent de ce pouvoir qu’a Dieu de nous consoler et de nous combler.

Une seule petite goutte de l’onction du Saint-Esprit peut, à elle seule, remplir notre cœur de plus de contentement que tous les biens de la terre, car elle participe de l’infini de Dieu. « D’une onction tu me parfumes la tête et ma coupe déborde » (Ps 23). Et cette onction de l’Esprit se répand immanquablement dans l’âme de celui qui fait le bien que l’Esprit lui inspire. On retrouve cette autre grande loi de la vie spirituelle : ce qui est vraiment capable de contenter nos cœurs, ce ne sont pas tant les biens que nous recevons, que le bien inspiré par Dieu que nous pratiquons. Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.

Nous venons de montrer à quel point il est fécond d’accueillir et de suivre les motions de l’Esprit, au point de pouvoir dire avec Sœur Faustine que c’est sans conteste le moyen principal de notre sanctification. Diverses questions se posent à nous : comment reconnaitre et discerner les motions de l’Esprit ?  Tous reçoivent-ils ces motions ? Avec quelle fréquence ? Comment favoriser leur présence dans notre vie spirituelle ?

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Edmond Ghislain Adjahouisso

Je suis un laïc engagé dans le Renouveau charismatique catholique au Bénin. Membre du Service national à l’évangélisation et intercession/RCC Bénin, professionnel du graphisme, de la réalisation et de la production audiovisuelle, je suis aujourd’hui directeur de « Crazy of God production ».