La prière : don, alliance et communion

relation d'alliance
Prière, une relation d'alliance

Introduction

Nous avons essayé de définir la prière comme une relation du croyant à Dieu. Dans ce sens, tant que nous nous maintenons dans cette relation, nous sommes des hommes de prière. Si nous faisons de notre vie une relation vivante, vraie et personnelle avec Dieu, alors notre vie devient prière et la prière devient notre mode de vie.

De la même manière que nous avons souligné que la prière est certes une relation vraie, vivante et personnelle, nous découvrirons qu’elle est une relation de don, d’alliance et de communion.

La prière est un don de Dieu

La prière : une initiative divine

Avant que l’homme ne se mette à prier, c’est Dieu qui suscite en lui le désir d’entrer en relation avec lui. La prière de l’homme ne vient donc pas spontanément de l’idée innée que l’homme aurait de Dieu, mais d’une disposition absolument gratuite de Dieu qui précède l’élan de cœur de l’homme.

Prenons l’image d’une mère et de son nourrisson. C’est bien souvent la mère qui entre en communication avec son bébé. C’est elle qui engage le dialogue, provoque le sourire de l’enfant, le conduit à ses premiers gémissements. C’est donc la mère qui éveille l’enfant à sa présence. Il en va de même pour Dieu vis-à-vis de l’homme. C’est lui qui suscite en l’homme le désir se mettre en relation avec lui. Et c’est de cette manière que la prière est avant tout un don de Dieu.

Pour recevoir ce don, il faut un prérequis : l’humilité. Pour obtenir, il faut au préalable reconnaître son manque, sa dépendance, sa faiblesse. Dieu résiste aux orgueilleux tandis qu’il pourvoit de biens le cœur humble. C’est en ce sens que la parabole du pharisien et du publicain nous interpelle. Deux attitudes de prière se donnent à voir très clairement : le pharisien se gargarise de ses performances et se décerne la palme d’or alors même que le publicain clame son indigence de la miséricorde de Dieu. Celui qui désire recevoir le don de la prière doit d’abord commencer à reconnaître qu’il ne sait nullement prier.

Quel que soit notre degré de vie spirituelle, nous serons toujours des ignorants de la prière véritable. C’est un don que l’homme reçoit dans la mesure de son humilité. Plus il est humble, plus Dieu le comble. Plus il reconnaît sa pauvreté, mieux il prie de manière authentique. Le cri de l’homme ne monte au plus haut des cieux que lorsqu’il provient de son anéantissement devant le Seigneur. Et alors, il devient une prière simple, courte, immédiate et sincère.

Souvenons-nous de la prière de saint Pierre alors qu’il s’enfonçait dans les eaux houleuses : « Seigneur, sauve-moi ». C’est une prière que Dieu exauce spontanément. Raison pour laquelle on dit souvent que Dieu ne ferme jamais son oreille au cri du pauvre. L’humilité est la manifestation de cette pauvreté en besoin d’enrichissement de la part de Dieu.

Si l’on veut donc trouver le fondement de la prière chrétienne, il convient tout de suite de parler de l’humilité. Le cri de l’homme, sa prière, sa supplication ou son action de grâce ne devient vraiment audible que lorsqu’il éprouve sa faiblesse et se convertit en mendiant de la grâce de la prière. Alors seulement, Dieu lui accorde l’Esprit de prière. Saint Paul le dit si bien :

« Nous ne savons que demander pour prier comme il faut, mais l’Esprit vient au secours de notre faiblesse et il intercède pour nous en des gémissements ineffables »

La prière : une écoute humaine

La prière est un don de Dieu, mais elle est aussi une réponse de l’homme à ce don. Dieu donne et l’homme reçoit. Il y a donc une double dimension de la prière comme appel de Dieu et réponse de l’homme. Pour caricaturer, nous reprenons encore l’image de la mère et de son petit. C’est elle qui sourit à l’enfant en premier, et l’enfant lui sourit en retour. Le sourire de l’enfant n’est pas primordial. Il est un sourire en réponse à un sourire initial. Ainsi en va-t-il pour la prière.

Toute prière de l’homme est réponse de Dieu. Qu’elle soit une prière d’action de grâce ou de demandes, la prière de l’homme est une réponse à Dieu. La mère a besoin du sourire de son enfant et le provoque. Dieu a besoin que l’homme ait besoin de lui, et il provoque en l’homme ce désir de sa personne. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la prière est la rencontre du besoin de l’homme par Dieu et du besoin de Dieu par l’homme. Deux désirs se rencontrent (don et réponse) pour produire la prière. C’est dans cette logique qu’il faut relire chaque page du Cantique des cantiques, comme un dialogue d’amour où chaque partie exprime, selon sa nature dans la relation, son désir d’être comblée par l’autre partie.

Cette réponse que l’homme donne en priant est l’expression de son amour pour Dieu et de sa confiance en lui. En tablant sur sa faiblesse, l’homme met toute sa confiance en Dieu dont il est conscient de dépendre. Celui qui prie n’est plus le centre. Il se vide de tout pour se laisser remplir de Dieu. Il s’abandonne par amour pour Dieu et se laisse inonder de cet amour.

En conséquence, la prière est « chrétienne » quand l’amour devient son inspirateur. Et alors, le contenu de la prière ne peut jamais désirer le malheur des autres, car l’amour ne veut le mal de personne. La prière devient patience, car l’amour est patient. « L’amour rend service » pour « la prière rend service ». Désormais, l’hymne à l’amour de saint Paul devient un critère d’appréciation de la prière chrétienne. Il suffit pour cela de remplacer par « Prière », l’expression « Amour », pour saisir les dimensions de la prière chrétienne : sa longue, sa largeur et sa profondeur.

« L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout »

La prière chrétienne est une relation de don divin et de réponse humaine à ce don. Pour cela, elle appelle de la part de l’homme l’humilité comme son fondement et l’amour comme le lieu de son authenticité. C’est précisément l’humilité et l’amour qui la font découvrir comme une alliance de Dieu avec l’homme.

La prière est une alliance de Dieu avec l’homme

Pour mieux saisir comment la prière est une alliance avec l’homme, il va falloir d’une part comprendre ce qu’est une alliance et, d’autre part, l’importance du cœur dans l’alliance.

Que comprendre par « alliance » ?

L’alliance est avant tout l’expression de la volonté de Dieu d’amener tous les hommes à une vie bienheureuse avec lui. Elle consiste en un contrat entre Dieu et l’homme, contrat de droits et de devoirs réciproques, où Dieu s’engage à combler de ses bienfaits celui qui respecte les termes du contrat. La rupture du contrat par un partenaire était assortie de malheur pour la personne ou le groupe. On peut relire toute l’histoire d’Israël à partir du thème de l’alliance.

Les conditions que l’homme doit respecter pour jouir des faveurs de Dieu concernent prioritairement l’adoration de Dieu seul, la fuite de toute idolâtrie. Cela signifie que le peuple d’Israël doit éviter tout compromis et toute compromission avec les nations païennes : pas d’alliance avec eux, pas de fréquentation de leurs cultes. Pareillement, en même temps qu’il y a la prescription de l’adoration de l’unique Dieu et la proscription de l’idolâtrie, le peuple d’Israël, en entrant en alliance avec Dieu, doit accepter d’obéir à tous ses commandements. Ces lois divines sont longuement exposées dans les Saintes Écritures. Entrer en alliance avec Dieu, c’est s’engager à vivre conformément à ces clauses. C’est à ce point précis que le cœur de l’homme entre en jeu.

Le cœur humain dans son rapport à l’alliance

Le cœur humain est le lieu secret et inviolable où Dieu rejoint l’homme. C’est dans son cœur que Dieu transcrit toutes ses lois. Le cœur, sous ce rapport, est le centre le plus intime où Dieu lui parle à l’homme en lui rappelant la conduite à tenir devant les faits concrets de la vie. C’est le lieu de la méditation de la loi du Seigneur. À partir du cœur de l’homme, se prennent les décisions pour ou contre les commandements de Dieu. C’est encore de ce même cœur que jaillit la prière.

Parler de la prière comme relation d’alliance revient donc à reconnaître que la prière est à la fois l’œuvre de Dieu et l’œuvre des hommes, ainsi que le manifeste la liturgie eucharistique. Dans la prière, l’homme accepte de se soumettre à la volonté de Dieu telle qu’exprimée dans sa Parole et Dieu, en retour, accepte de l’arroser de bénédictions. Dans la prière, l’Esprit-Saint s’associe à notre esprit et nous pouvons dès lors, appeler Dieu « Abba ».

La qualité du cœur pour la qualité de la prière

Si le cœur est à la fois le creuset de la prière et le réceptacle des lois divines, il est nécessaire de tirer une conclusion simple : une personne qui prie Dieu, mais dont le cœur est loin de sa loi est une personne qui adresse une prière sans contenu à Dieu. C’est exactement ce que dit le Catéchisme de l’Église catholique par ces termes : « C’est le cœur qui prie. S’il est loin de Dieu, l’expression de la prière est vaine. » (CEC 2562).

Car Dieu ne fait abonder sa grâce dans la vie d’une personne que lorsque son cœur obéit à ses commandements. Ce n’est pas pour rien que le psalmiste dit : « Dirige ton chemin vers le Seigneur, fais-lui confiance, et lui, il agira. » (Ps 36, 5). Il y a en effet une relation de cause à effet, dans la pratique des commandements de Dieu et la qualité de nos prières. La qualité de la prière dépend ainsi de la qualité du cœur. Plus le cœur de l’homme est fidèle à Dieu, mieux il est disposé à bénéficier des bienfaits de Dieu. Plus il s’engouffre dans le péché, moins sa prière correspondra à la volonté de Dieu.

L’exemple achevé de la soumission de la volonté humaine à la volonté divine se trouve en Jésus, lui qui fait, de la volonté de son Père, sa nourriture. Si Jésus se soumet entièrement à la volonté du Père, on comprend alors pourquoi ses prières sont toujours exaucées : « Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » (Jn 11, 41-2), dira le Seigneur devant les dépouilles de Lazare. Dans le Christ, dans l’imitation de son obéissance au Père, que nous trouverons le meilleur moyen d’adresser des prières qui plaisent au Père.

On comprend dès lors qu’il convient de se maintenir dans l’alliance en évitant toute forme d’idolâtrie moderne et tout accommodement avec l’esprit du monde. L’idole est tout ce qui tente de prendre la place de Dieu dans notre vie et tout ce qui risque de remplir notre vide en n’y laissant aucune place à Dieu. Les compromis sont toutes les tolérances que nous nous permettons et qui sont venimeuses pour la vie de prière. C’est dans la mesure de la fidélité de notre cœur à l’alliance avec le Seigneur que notre prière, aussi simple et fragile soit-elle, sera consistante sous son regard.

La prière est une communion avec Dieu

Une communion dans le Christ

La prière nous met en communion avec Dieu. Dans la vérité, celui qui prie exprime par ce fait son désir de réaliser dès maintenant avec Dieu le genre de relation qu’il aura avec lui quand il sera au paradis. Ainsi perçue, la prière nous nous met en communion avec le Royaume des cieux. Par la prière, nous nous adaptons, par anticipation, au milieu divin qui, nous le croyons, sera finalement notre destination future, où Dieu sera tout en tous et en chacun de nous.

Cette communion crée un lien vital entre celui qui prie et toute la sainte Trinité. Par la prière, nous sommes vraiment des fils et des filles pour le Père, des frères et sœurs du Christ et des demeures de l’Esprit. Par la prière, Dieu établit sa demeure en nous et nous fait vivre en lui.
Cette communion avec Dieu, qui se réalise par la prière, transite par la personne du Christ. C’est dans la communion au Fils de Dieu que le chrétien, par la prière, réalise sa communion avec le Père dans l’Esprit. Le chrétien est donc appelé à faire toute la place au Christ dans sa vie. Il doit pouvoir dire, à la suite de saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).

À travers le sacrement du baptême, nous devenons « un » avec le Christ, car il fait de nous ses membres. Mais cette unité peut être rompue si nous ne vivons pas des grâces baptismales. Tant que le chrétien vit pleinement selon les engagements de son baptême, sa configuration au Christ s’intensifie. Conséquemment, sa communion au Père par l’Esprit s’approfondit puisqu’il fait un avec le Christ qui est en profonde communion avec son Père : « Mon Père et moi, nous sommes un » (Jn 10, 30).

Si nous ne sommes pas en communion avec le Christ, nous ne le sommes pas non plus avec le Père et l’Esprit. Dans le cadre de la prière, cela signifie que si notre prière n’est pas en communion avec la prière du Fils, il sera impossible qu’elle nous mette en communion avec les autres personnes de la sainte Trinité. Nos prières doivent donc se purifier davantage pour épouser, chaque jour un peu plus, l’esprit de la prière de Jésus. Ainsi, pour reprendre autrement saint Paul, nous pouvons dire : « Je prie, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui prie en moi ». Plus nous sommes en communion au Christ, plus nous le sommes avec Dieu. Plus notre prière est en communion avec celle du Christ, mieux elle nous met en communion avec la volonté du Père.

L’amour pour l'authentification de la communion

Il existe un lieu de vérification de l’authenticité de cette communion. C’est le témoignage de l’amour dans notre vie ordinaire comme dans notre prière. On ne peut pas être en communion avec le Christ et avoir en horreur l’Église qui est son Corps. Être en communion avec le Christ signifie être en communion avec son Église. Puisque cette dernière est le Corps du Christ, sa prière est celle du Christ.

On pourrait dire que l’Église, à travers sa prière, continue la prière et l’oblation du Fils au Père « Regarde, nous t’en prions, l’oblation de ton Église, et daigne y reconnaître ton Fils qui, selon ta volonté, s’est offert en sacrifice pour nous réconcilier avec toi » (Prière eucharistique 3). Du coup, la prière du chrétien trouvera dans la prière de l’Église un modèle et un lieu d’entraînement. Il faut apprendre à prier à la manière de l’Église.

Dans cette logique, toute prière du chrétien a une dimension ecclésiale. Refuser à nos prières leur ouverture sur le monde et sur la communauté des hommes, c’est le vider de l’amour qui est l’essence même de nos prières. Chaque chrétien, dans sa prière, doit se décentrer de lui-même pour s’ouvrir aux cris et aux désirs des autres hommes, à leur action de grâce et à leurs désirs les plus profonds. La prière du chrétien prend alors une dimension catholique, c’est-à-dire universelle, car elle communie, dans le Christ, à la sainte Trinité d’une part, et aux hommes dans leur différent visage, d’autre part.

Conclusion

Nous avons découvert que la prière est une relation vraie, vivante et personnelle avec Dieu, que la foi nous permet de créer. Cette relation entre Dieu et l’homme apparaît d’abord comme un don, un désir de prier, que Dieu accorde à celui qui fait de l’humilité le fondement de sa relation avec lui. Mais en même temps, il est aussi un acte de l’homme qui, en réponse à ce don, s’exclame ou supplie.

Cette relation est ensuite une alliance à travers laquelle Dieu et l’homme s’engagent l’un envers l’autre. L’homme accepte de vivre selon les clauses de l’alliance et Dieu, en retour, penchera son oreille vers sa prière. C’est ici que le cœur devient l’instance où se jouent la fidélité ou non à l’alliance et, par ricochet, la vanité ou non de nos prières.

Cette relation est enfin une communion à Dieu dans le Christ. Tant que nous sommes étroitement unis au Christ, alors notre prière devient celle du Christ et conforme au vouloir du Père. Si l’amour nous décentre de nous-mêmes pour nous ouvrir au Christ, nous découvrons que notre prière ne peut devenir que catholique, car elle réalise la communion avec Dieu, une communion qui se vérifie à travers l’ouverture de notre prière à la peine et à la joie de l’Église et de l’humanité.

Nous venons de tracer rapidement les contours de la prière chrétienne. Nous allons essayer, dans les paragraphes à venir, de voir la manière dont la prière se déploie dans la Bible. Quelques grandes figures de l’histoire du salut retiendront notre attention. Nous nous arrêterons sur la personne du Maître par excellence de la prière, pour le contempler dans sa relation avec son Père. Ce chemin nous permettra de retenir quelques points importants de la prière du Seigneur pour purifier notre propre manière de prier.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cette publication a un commentaire

  1. Alfred Sarambé

    Merci à vous on s’accrochera d’avantage à la prière avec la Sainte Trinité

Les commentaires sont fermés.