Prier comme David

La harpe de David
La harpe de David

Le peuple de Dieu s’est établi dans la terre de Canaan. Il commence par s’organiser sous les Juges et les rois. Les figures de Samuel, de David et de Salomon vont très vite se distinguer parmi bien d’autres. Chacune d’elles nous révèle un peu plus sur la prière. Avec le prophète Samuel, la prière est une tenue devant le Seigneur et un apprentissage à répondre à son appel par l’écoute : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute » (1S 3, 9). Le roi Salomon, quant à lui, prie le Seigneur pour lui-même, pour son peuple et pour les générations futures (1R 8, 11-12). Il nous montre déjà que la maison de Dieu est « maison de prière », lieu de la présence divine. Cependant, c’est la prière du roi David qui va retenir un peu plus notre attention.

Le roi David se fait connaître, depuis sa tendre enfance comme un berger, mais aussi comme un homme sensible à la musique. Deux événements spécifiques de sa vie nous intéressent : sa joie devant l’Arche de l’alliance et sa prière après son péché. Ils sont suffisamment éclairants pour la vie spirituelle du roi David.

La prière d’action de grâce de David

Nous découvrons un roi qui se réjouit devant l’Arche du Seigneur. Il danse de tout son corps, dans la joie de la présence du Seigneur au milieu de son peuple. L’Arche est le symbole de cette présence. Il est important ici de noter la place de la prière d’action de grâce et pareillement la nécessité du corps dans la manifestation de cette action de grâce.

Rendre grâce

Rendre grâce au Seigneur, c’est savoir être reconnaissant envers lui pour sa présence au milieu de nous, en nous et pour ses multiples bienfaits en notre faveur. L’action de grâce provient d’un cœur qui n’est pas vaniteux et qui ne pense pas qu’on lui doive tout. Il rend grâce plus spontanément, celui qui se sait entièrement redevable du Seigneur. Le roi David n’a certainement pas oublié comment le Seigneur l’a choisi, l’a protégé et délivré des mains de ses nombreux ennemis. Il n’est pas amnésique.

D’une manière fondamentale, l’action de grâce découle du devoir de mémoire. Le plus grand reproche que Dieu fait à ce peuple qui n’a de cesse de murmurer et de récriminer, c’est de souvent oublier très facilement leur Dieu pour se focaliser sur leur peine et leur souffrance. Ils ont oublié que la main puissante de Dieu les a sortis d’Égypte et les conduit à travers le désert. Et cet oubli assèche en eux la nécessité de rendre grâce. C’est pratiquement le même étonnement que manifeste le Christ devant le Samaritain purifié qui, voyant l’action du Seigneur, est le seul à lui rendre grâce. Si David danse, c’est parce qu’il se souvient. Si nous manquons de confiance en Dieu, c’est parce que nous ne nous souvenons plus de ses hauts faits : « Avez-vous oublié ? » était la question répétitive du Christ à ses disciples, inquiets de n’avoir pas fait le ravitaillement (Mc 8, 19).

Alors que de plus en plus de chrétiens ne prient que pour demander, voire réclamer des choses à Dieu, David nous apprend que l’action de grâce est la prière primordiale du croyant. Le premier cri du croyant au réveil est de dire : « Mon Dieu, je te bénis ». L’action de grâce commence par là. Pour ce faire, gardons-nous d’oublier les merveilles du Seigneur pour nous et pour le monde autour de nous.

David rend grâce avec son corps

David nous enseigne aussi la dimension corporelle de l’action de grâce. La joie de David n’est pas seulement intérieure. Elle se donne à voir, à travers la danse. Dieu a créé l’homme, corps et âme. C’est toute la personne qui s’adresse à Dieu. Ceci explique que le gestuel soit d’une importance capitale dans la prière. Tout en évitant le folklore et la théâtralisation, on peut à juste titre faire participer le corps à l’action de grâce. Le Seigneur Jésus, lors de la multiplication des cinq pains et deux poissons, lève les yeux aux cieux et il rend grâce au Père. Que nous soyons dans la joie ou dans la peine, dans la méditation silencieuse ou dans l’écoute attentive de la Parole, le geste exprime les dispositions intérieures de la personne qui prie.

Se mettre à genoux est le signe de l’humilité mais aussi de la soumission à un plus grand que soit. C’est la reconnaissance de son indignité à se tenir debout devant un plus grand que soi. Lever les mains aussi, c’est appeler le secours divin ou bénir le Seigneur pour ses œuvres. C’est le signe de celui qui s’en remet à Dieu ou lui manifeste sa gratitude. La position assise est la posture de celui qui veut écouter, qui veut se laisser enseigner, comme Marie assise au pied du Seigneur, savourant ces paroles de grâce. Être debout simplement, c’est le signe de la vie, de la résurrection, signe de la victoire sur la mort. Le corps lui aussi, temple de l’Esprit, est donc appelé à participer à la prière. David nous l’apprend dans son action de grâce comme dans ses prières de supplication.

La supplication de David

David vient de commettre un double péché : il est à la fois adultère et homicide. Lui le berger devant protéger son peuple, il en devient le loup vorace. Le Seigneur envoie le prophète Nathan lui montrer son péché et la sentence du Seigneur à propos du fils adultérin. Aussitôt qu’il prend conscience de la gravité de son forfait et des peines qu’il encourt, David se met en prière : il s’abstient de manger, entre dans le deuil et les larmes et adresse une longue prière de demande de pardon à Dieu. Le Psaume 50, attribué à David, nous livre un peu le contenu de cette prière : « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi » (Ps 50, 3-5)

Le roi David ne regarde pas à ses privilèges royaux. Il reconnaît automatiquement sa faute et en demande pardon au Seigneur d’une manière très forte : jeûne, deuil, supplications. Cet événement difficile de sa vie ne l’empêche pas de s’en remettre à son Dieu. La prière de demande de pardon commence par la reconnaissance de la gravite de sa faute. Le péché, en effet, nous éloigne de Dieu, en nous faisant perdre sa grâce. Tout péché est donc dangereux pour notre vie spirituelle, que ce soit un péché dit véniel ou mortel. Car l’accumulation des péchés véniels peut nous plonger dans leur banalisation au point où ils peuvent devenir mortels pour notre relation avec Dieu. David pleure donc amèrement son péché, en refusant de manger, en prenant le deuil et en suppliant la miséricorde divine.

Le roi David jeûne

Le jeûne est une forme de prière que le croyant fait quand il perd la grâce divine. On ne jeûne pas pour demander un boulot à Dieu ni pour avoir la grâce de la conception. On se prive de joies humaines (repas, loisirs, etc.) quand on sait que l’on a perdu l’amitié avec Dieu. C’est pour cette raison que Jésus défendra ses disciples contre le ritualisme juif selon lequel il faut jeûner parce que les autres jeûnent et à exactement à leur manière. Le jeûne s’observe quand l’époux est enlevé, c’est-à-dire quand l’état de grâce est perdu.

Aujourd’hui plus que jamais, le jeûne fait partie des ordonnances que les nouveaux maîtres spirituels proposent pour que les prières soient exaucées. Dans la Bible, la nécessité de jeûner est plus souvent liée à l’éloignement de Dieu, à la perte de sa grâce et d’une certaine manière au combat spirituel. Une mauvaise présentation des finalités du jeûne peut conduire plusieurs personnes à manquer de confiance en Dieu, manque de confiance qui se traduit par des paroles du genre : « J’ai jeûné plusieurs fois et le Seigneur ne m’a pas donné ce que je demandais. ». Le jeûne se fait pour améliorer sa relation avec Dieu et pour avoir la force de résister au péché. S’il est bon de jeûner, il est davantage meilleur de soumettre son désir de jeûner à un accompagnateur spirituel pour se laisser éclairer par son discernement. L’avis de Jésus sur le jeûne des disciples des pharisiens et ceux de Jean-Baptiste nous conforte dans cette position : on peut jeûner longtemps et souvent, alors que ce n’est pas le désir de Dieu. Il faut une appréciation extérieure pour nous guider.

David prend le deuil

Le péché en effet produit la mort de l’âme devant Dieu. Chaque fois que nous commettons un péché grave, nous sommes bel et bien comme des « cadavres ambulants », jusqu’à ce que, par la confession sacramentelle et l’absolution, nous soyons libérés de ce manteau mortifère pour retrouver la joie des ressuscités. En cela, David nous donne une grande leçon : ne pas avoir de quiétude tant que la miséricorde divine ne nous a pardonné nos péchés.

En ce moment où notre monde perd le sens du péché, un monde où le mal et le bien sont relatifs, il y a nécessité de s’interroger sur l’état de la conscience humaine en ce qui concerne la faute et le péché. Le péché inquiète si peu de personnes qu’on se demande si elles en mesurent les drastiques conséquences pour leur vie après la mort. David pour sa part, en prenant le deuil, manifeste clairement les abîmes dans lesquelles le péché peut plonger et l’incapacité de l’homme à s’en défaire par lui-même totalement. Quand le péché nous atteint, seuil Dieu peut nous laver. C’est comme une assiette salie. Elle ne peut se laver elle-même, même plongée dans l’eau. C’est une personne qui procédera à sa purification. Dans l’ordre du péché, nous sommes des cuvettes impropres devant le Seigneur et seule sa compassion peut nous laver.

David implore la miséricorde divine

Nous contemplons un roi qui supplie la miséricorde de Dieu, de jour et de nuit : « Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère. Purifie-moi avec l’hysope et je serai pur, lave-moi et je serai plus blanc que la neige » (Ps 50, 7.9). Quelle humilité ! Quelle profonde d’humanité de montrer son incapacité et son indigence ! Cette prière de demande de pardon est devenue le modèle de toute personne contrite qui recourt au pardon de Dieu. Les mots sont si bien choisis. Quand le repentir est sincère, les mots qui l’expriment sont forts en même temps qu’ils traduisent la vérité de nos sentiments. Nos prières seront plus vraies si nous faisons la lumière sur nous-mêmes dans notre relation avec le Seigneur et avec nos frères.

David et sa prière pour le peuple

Il reste un dernier aspect de la prière du roi David qu’il nous semble précieux à élucider : le contenu de sa prière dans ses fonctions royales. Il se manifeste particulièrement comme le pasteur qui porte son peuple au cœur de sa prière. Il suffit de reprendre les longues prières de David, les unes à la suite des autres, pour constater que le peuple que le Seigneur lui a confié est au cœur de ses oraisons.

David préoccupé par la paix de son peuple

Dans ces prières, il offre des sacrifices et des holocaustes pour la paix de son peuple. Il bénit le peuple au nom du Seigneur de l’univers (2S 6, 17-18). Il supplie le Seigneur de tenir ses promesses envers lui et de faire davantage connaître sa gloire parmi les nations : « Que ton nom soit magnifié à jamais et qu’on dise : le Seigneur de l’univers est le Dieu d’Israël. Et que la maison de ton serviteur David reste ferme en ta présence » (2S 7, 26).

Le roi se préoccupe de la paix du peuple. Dans un contexte où les ennemis sont multiples et où il doit aller en guerre de manière constante pour protéger son peuple, le roi David sait que la vraie paix vient du Grand Roi, le véritable Roi d’Israël. Il prend conscience que la paix politique est une paix fragile, éphémère. Seul le Seigneur peut construire la paix dans les murs d’Israël. Comme David, le responsable de communauté doit lui aussi travailler à la paix et plus que cela, il doit demander pour sa communauté la paix.

Sans exagérer, toute la célébration eucharistique, la prière par excellence de l’Église, est une recherche de paix. Il suffit de scruter les moments où l’on invoque la paix et le nombre de fois au cours d’une messe pour se rendre à l’évidence de sa nécessité pour toute communauté. Quand David offre des sacrifices pour la paix, ne pose-t-il pas, comme en préfiguration, un geste qui renvoie au Christ qui sera l’holocauste de paix, entre les nations et les cœurs jadis divisés ? Dans le prolongement de cette méditation, les responsables de communauté, les chefs de familles, les parents devront avoir le souci de faire célébrer l’eucharistie pour la paix de leur maison et de ceux dont ils ont la responsabilité. Ils ne devront ménager aucun effort, au prix de tous les sacrifices, pour la sauvegarde de la paix.

Un roi qui veut maintenir le peuple en présence de son Dieu

L’autre pan de la prière de David pour son peuple est le souci de garder ce peuple « ferme » dans la présence de Dieu. Le roi sait que la corruption du peuple est toujours possible, d’autant qu’il est entouré de nations païennes. Il n’ignore pas que les heures d’infidélité peuvent subvenir comme ils l’ont connu par le passé avec le veau d’or, au désert. Aussi implore-t-il le Seigneur de garder son peuple dans la fidélité à son Nom. Voilà un point central de la prière de David.

Son désir de voir le peuple dont il est le roi attacher à son Seigneur touche aussi tous les responsables, ceux chrétiens en l’occurrence. Ils doivent être préoccupés de n’égarer aucun de ceux que le Seigneur leur a confiés. Mieux, ils ont le devoir de les affermir dans l’attachement au Seigneur. Nous nous rappelons sans doute la longue prière du Christ, la veille de sa mort, pour ses disciples : « Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie. » (Jn 17, 12). L’esprit mauvais est à l’œuvre pour distraire les hommes et les éloigner autant que possible de la présence de Dieu. Le pasteur (et tout responsable) de la communauté de foi doit porter dans sa prière quotidienne le souci de garder le troupeau de Dieu en sa présence. Pour cet avènement, il faut s’ouvrir à la grâce de l’Esprit du Christ.

David : un modèle de prière

De la prière du roi David, le catéchisme de l’Église catholique dit qu’elle « est un modèle pour la prière du peuple, parce qu’elle est adhésion à la promesse divine et confiance remplie d’amour pour Celui qui est le seul Roi et le seul Seigneur ». Sur la personne du grand roi David, nous voulons laisser ce beau passage de la catéchèse du pape François sur la prière :

« Regardons David, pensons à David. Saint et pécheur, persécuté et persécuteur, victime et bourreau. David a été tout cela. Et nous aussi, nous enregistrons dans notre vie des traits souvent opposés ; dans la trame de la vie, tous les hommes pèchent souvent d'incohérence. Il n'y a qu'un fil rouge, dans la vie de David, qui donne une unité à tout ce qui arrive : sa prière. Elle est la voix qui ne s'éteint jamais. David saint, prie ; David pécheur, prie ; David persécuté, prie ; David persécuteur, prie. David bourreau, prie-lui aussi. C'est le fil rouge de sa vie. Un homme de prière. C'est la voix qui ne s'éteint jamais : qu'elle prenne le ton de la joie, ou celui de la plainte, c'est toujours la même prière, seule la mélodie change. Et en agissant ainsi, David nous enseigne à tout faire entrer dans le dialogue avec Dieu : la joie comme la faute, l'amour comme la souffrance, l'amitié comme la maladie. Tout peut devenir une parole adressée au “Toi” qui nous écoute toujours ».

Si pécheur, nous prions, si joyeux, nous prions, si nous parvenons à prier dans tous les états de notre vie, nous deviendrons des orants selon le cœur de Dieu.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 9 commentaires

  1. Douyon Michel

    Merci Père
    Une très bonne manière pour nous de nous intéresser à la vie des anciens rois et patriarches pour solidifier notre foi et la nourrir. Merci

  2. KODONOU

    Merci beaucoup père Jean pour avoir choisir de éclairer sur comment prier

  3. AMOUSSOU Dodjivi Emmanuel Clet

    J’ai lu de fond en comble cet enseignement riche qui m’a permis de d’enrichir ma foi. Si je pouvais avoir la version numérique de ce texte, je pourrais le partager avec mes catéchumènes. Je suis catéchistes sur la chapelle Saint Gérard Marjella de Ahossougbéta/ Abomey-Calavi, paroisse Saint Albert le Grand de Aïtchédji. Merci bien.

    1. Frère Hervé

      Vous pouvez éditer le document au format PDF.
      Le lien est en bas de page, sous l’article.

      1. Régina DIDAVI DAKIN

        Merci Père pour tout cet enseignement qui nous permet d’approfondir notre foi.

  4. Dauphin Mudiambwa

    Merci beaucoup mon père pour cet enseignement sur la prière de David

  5. AGBEKPONOU Thibaut

    Merci beaucoup à vous mon père pour l’éclaircissement. je voudrais aussi demander comment avoir accès à la littérature patristique.y a t’il une piste pour nous aider ?

  6. TODEGO Mèdé Hervé

    Enseignement très riche
    En un mot, prions en toutes situations sans relâche,le seigneur agira
    Merci infiniment
    Que Dieu vous fortifie

  7. KUESSI Roland

    Merci père

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