Moïse et la prière comme médiation

Le prophète Moïse
Le prophète Moïse

Moïse est un grand homme de prière. Cette dernière se développe sur deux plans : la contemplation et l’intercession. Découvrons mieux dans cet article.

De sa naissance à sa mort, Moïse est choisi par Dieu pour être l’instrument à travers lequel le Seigneur accomplira le projet de salut de son peuple Israël. On ne peut raconter l’histoire d’Israël sans évoquer le nom de Moïse. Nous allons le découvrir sous l’angle de la prière. Il apparaît à la fois comme un contemplatif du Seigneur et comme un intercesseur pour son peuple.

Moïse le contemplatif

Une parfaite mise en présence du Seigneur

La prière est un dialogue avec le Seigneur. Il est l’un des grands contemplatifs. Dans l’Ancien Testament, il ne se trouve aucune personne comparable à Moïse, dans la qualité de son échange avec le Seigneur. Il est l’homme qui va jusqu’à discuter avec le Seigneur, s’accrochant à lui de toute sa force et ne renonçant jamais à son peuple malgré ses folles désobéissances. La manifestation divine à travers le buisson ardent est la première rencontre décisive de Moïse avec Dieu. Malgré ses multiples interrogations à Dieu, Moïse apparaît comme l’homme de la prière contemplative. Il parle avec le Seigneur qui en prend l’initiative depuis le buisson ardent ; il parle avec le Seigneur, des jours durant, dans la montagne ; il parle avec lui, longuement, dans la Tente de la rencontre : « Dieu parlait à Moïse, face à face, comme un homme parle à son ami » (Ex 33, 11).

Personne n’avait auparavant une telle amitié particulière avec le Seigneur. Il était si intime au Seigneur que ce dernier le distinguait parmi les autres hommes :

« Écoutez bien ce que je vais vous dire ! Quand il y a un prophète parmi vous, moi, le Seigneur, je me fais connaître à lui en visions et je lui parle en rêves. Avec mon serviteur Moïse, c’est différent. Lui, il s’occupe fidèlement de tout mon peuple. Je lui parle directement, et non de façon cachée. Je me montre à lui et il voit quelque chose de moi, le Seigneur. Alors, comment osez-vous critiquer mon serviteur Moïse ? »

La prière contemplative de Moïse le transfigure : son visage devenait rayonnant et insupportable, car il s’illuminait d’une lumière insoutenable (cf. Ex 34, 29-35). La contemplation du Seigneur l’immergeait tellement dans la lumière divine qu’il en revenait complètement illuminé. Nous nous souvenons certainement du Seigneur Jésus Christ qui, sur la montagne, alors qu’il priait, fut transfiguré devant ses disciples, éblouis.

La prière de contemplation nous met en présence du Seigneur, dans un dialogue d’amour, dans un cœur à cœur, au point où nous sommes unis à Dieu. Un chrétien qui développe la prière de contemplation transforme sa vie. Il devient comme une glace transparente qui laisse entrevoir à travers elle cette part lumineuse du Seigneur. Dieu est lumière. Son Fils dira : « Je suis la lumière du monde » (Jn 8, 12). Celui qui contemple le Seigneur porte une parole qui éclaire. Son sourire, son regard, ses faits et gestes, tout en lui devient émanation de cette lumière.

L’humilité, condition pour contempler Dieu

Si Moïse a eu la grâce de se rapprocher du Seigneur à ce point, c’est parce qu’il était l’homme le plus humble que la terre ait porté en ce moment (cf. Nb 12, 3). Plus nous ne nous prévalons de rien, plus Dieu nous comble de tout ; plus, nous nous abaissons sous son regard, plus il nous élève à lui ; plus nous nous vidons de nous-mêmes, plus il nous remplit de lui. Cette humilité de Moïse transparaît dans le contenu de sa prière : il ne priait, non pas pour lui-même, mais pour les autres ou s’il lui arrive de prier Dieu pour lui-même, c’est pour le bien des autres (Ex 34, 29-35).

Il se tient toujours devant Dieu pour l’implorer et le prier pour le peuple, pour que Dieu accomplisse sa mission à laquelle il a daigné l’associer. Dans la contemplation, il comprenait mieux la portée de sa vocation et pouvait mieux accomplir la mission que Dieu lui confie pour le salut du peuple. Comme sa prière est toute tournée vers le bien des autres, Dieu le comble de tout, pour qu’il soit à même de la continuer courageusement. En ce sens, la prière contemplative est ordonnée à la fidélité à notre mission sur la terre. Un vrai contemplatif est fidèle à Dieu. Cette fidélité est donc un critère important de discernement de la vraie et de la fausse contemplation.

La prière de contemplation est avant tout une prière d’intimité avec Dieu pour mieux comprendre son projet d’amour et s’abandonner à lui. Si elle est d’une grande consolation pour l’âme, c’est en raison de la communion qu’elle crée entre le contemplatif et Dieu. L’amour intense pour Dieu est la source de la vraie contemplation : « Je le contemple parce que je l’aime » ou mieux « Je le contemple, car il m’aime » ; « Il m’avise et je l’avise », disait le paysan d’Ars à son curé. Cette contemplation du Seigneur permettait aussi à Moïse d’intercéder en faveur du peuple.

Moïse l’intercesseur

Moïse solidaire de son peuple

Moïse était accroché à son Seigneur ; cependant, il ne renonçait nullement à son peuple. Il ne sacrifiait pas les intérêts de Dieu ni ceux de son peuple. Il appartient autant à Dieu qu’au peuple. Il était le trait d’union entre les deux pôles. Il était conscient d’être le pasteur propre, le « père » des fils d’Israël. C’est sa raison d’être, au point où Moïse demande au Seigneur, d’effacer son nom du livre de la vie, s’il lui arrivait de rejeter le peuple.

Plus d’une fois, on a vu le prophète Moïse supplier le Seigneur en faveur du peuple. L’événement de la lutte contre les Amalécites (Ex 17, 8-13), du veau d’or (Ex 32) et de la lèpre de Myriam (Nb 12, 13-14), sont autant d’occasions pour Moïse d’intercéder auprès de Dieu. Moïse avait pitié des égarements de son peuple. Que demande-t-il à Dieu ? Sa pitié. Bien souvent, si le Seigneur renonce à punir le peuple, c’est en raison de l’intercession puissante de Moïse : « À l’Horeb, ils ont façonné un veau d’or … Dieu décida de les exterminer, mais Moïse, son élu, se tenant sur la brèche devant lui, détourna sa fureur destructrice » (Ps 106, 19-23).

Notre responsabilité en tant que chef de familles, de groupes, de mouvements ou d’associations nous met dans une position de solidarité avec le peuple, quand tout va bien comme au moment où tout tombe à l’eau. Les périodes de fidélités comme celles d’infidélité sont de multiples occasions pour prier : ici pour rendre grâce, là pour supplier. Moïse était sur tous ces fronts. Il suppliait constamment le Seigneur pour le peuple qu’il s’est choisi. Il était un grand médiateur entre Dieu et ce peuple.

La structure de l’intercession de Moïse

Voici à peu de choses près le schéma des arguments que Moïse avance devant Dieu pour calmer sa colère envers son peuple.

• Appel à l’amour de Dieu : cette nation est ton peuple (Ex 33,1 ; 32, 11 ; Nb 11, 12)

• Appel à sa justice et à sa fidélité : qu’on te reconnaisse ; rappelle-toi tes actions passées.

• Considération de la gloire de Dieu : que diront les autres si tu nous abandonnes ? (Ex 32, 11-14)

C’est d’ailleurs la structure de toute prière d’intercession et de supplication. On remarque aisément que les arguments dont se sert Moïse touchent à Dieu lui-même : son amour (sa compassion) pour son peuple, sa fidélité à sa promesse et sa gloire. Dieu est la raison de la supplication de Moïse. Si le peuple est épargné de l’extermination de Dieu, c’est bien plus à cause de Dieu lui-même que du peuple. Le catéchisme de l’Église catholique renchérit en disant : « Dieu est amour, il est donc juste et fidèle ; il ne peut se contredire, il doit se souvenir de ses actions merveilleuses, sa Gloire est en jeu, il ne peut abandonner ce peuple qui porte son Nom ». C’est son peuple et il ne peut le renier, pour sa propre gloire.

Quand nous offensons Dieu, la bonne manière d’implorer son pardon est de confesser son amour, sa fidélité et sa gloire, dans l’humilité et le repentir : Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? (Ps 129) Et si nous revisitions nos désirs d’intercession à la lumière de la présentation que la Parole de Dieu en fait ici ! Une prière d’intercession qui reconnaît les péchés sans condamner le pécheur, une prière d’intercession qui surfe sur l’amour, la fidélité, la justice, la miséricorde et la gloire de Dieu ! Nous pouvons y parvenir.

La prière dans les événements de l’histoire de Moïse nous a permis de découvrir l’intimité profonde de Moïse avec son Dieu, lui qui était en charge de former ce peuple à vivre selon la volonté de Dieu. Il est celui qui se tient entre le Seigneur et le peuple, pour implorer, supplier, intercéder, mais aussi pour contempler et grandir dans la fidélité à la mission. Après la période de la traversée du désert, le peuple va retrouver la terre promise. Une nouvelle grande figure va émerger dans la personne du roi David.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 2 commentaires

  1. Charles TCHIKITI

    Infiniment merci, très cher Père.

  2. Gangan

    Merci padre

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