Trois dangers pour la prière catholique

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Prière fervente

Aujourd’hui, les fidèles catholiques sont pris au piège de trois dangers principaux. Ils peuvent modifier l’identité de leur prière personnelle et communautaire. Allons à leur découverte.

L’influence des traditions spirituelles non-chrétiennes

Dans notre forum « Un prêtre vous répond », nous avons reçu beaucoup de questions sur la possibilité ou non pour le chrétien de s’inspirer des spiritualités non-chrétiennes pour sa pratique spirituelle. Ces questions ne nous étonnent guère, car nous avons clairement remarqué qu’il y a une profonde influence de certaines traditions spirituelles, qui sont loin d’être chrétiennes, sur le comportement des chrétiens.

L’exemple le plus parlant, pour ne citer que le cas de l’influence de l’islam sur le christianisme, est la pratique du jeûne. En effet, dans la période du carême et du ramadan, chrétiens et musulmans sont appelés à jeûner. Or, il se fait que les contours et les objectifs du jeûne chrétien et musulman sont très différents. Pourtant, le résultat de l’influence de la pratique chez les musulmans du jeûne est tel qu’aujourd’hui, les chrétiens ont tendance à vouloir jeûner comme les musulmans.

Ceci transparaît dans les questions du genre : « À quelle heure commence le jeûne du carême et à quelle heure faut-il le rompre ? Quelle prière faut-il faire avant de rompre le jeûne ? Les questions sont parfois poussées jusqu’à l’extrême : Peut-on avaler la salive pendant qu’on jeûne ? Or, il se fait que toutes ces questions proviennent du jeûne musulman. Tout autre est la pratique et l’esprit du jeûne chez les chrétiens.

Cet exemple peut se multiplier si l’on considère l’influence des traditions spirituelles étrangères à la foi catholique. On peut, à juste titre, évoquer l’envahissement de la spiritualité orientale, avec le bouddhisme comme fer de lance. C’est ainsi que certains chrétiens pratiquant le Yoga ou le zen y trouvent une méthode de prière qu’ils ont adopté pour eux-mêmes.

Plus près de nous, dans le giron chrétien, est la prière des chrétiens dits « évangéliques ». Beaucoup de catholiques sont de plus en plus attirés par ces prières au point de demander à leurs pasteurs respectifs d’animer les séances de prières à la manière des pasteurs évangéliques. Sous ce prisme, le renouveau charismatique, bien qu’étant une chance inouïe pour l’Église, doit être vigilant pour former ses membres, sans se lasser, sur la prière chrétienne. Car il existe, en latence, une forte possibilité de se tromper sur la spécificité de la prière chrétienne catholique.

Ce constat est le premier danger au sujet duquel il convient d’avertir le chrétien sur les risques potentiels qu’il court dans sa pratique spirituelle, s’il ne prend garde d’opérer un profond discernement sur ces expériences spirituelles non-chrétiennes et ne trace les limites à ne pas franchir pour que sa pratique spirituelle garde son identité chrétienne. Le danger de la confusion vient d’un autre facteur plus profond, qui touche à la personne même du Christ.

L'absolue unicité du Christ réduite à un symbole

La foi chrétienne confesse que Jésus « est Dieu, né de Dieu…Engendré non pas créé, de même nature que le Père ». Sa divinité est donc incontestable. Mais ce même Jésus, Parole du Dieu vivant, s’est fait chair dans le sein de la Vierge Marie, est engendré dans l’histoire des hommes et a vécu tout de leur vie, à l’exception du péché. Il est mort, enseveli et ressuscité. Toutes ces affirmations reposent sur la foi reçue des Apôtres et sur les Saintes Écritures. Ce miracle de l’incarnation est absolument unique, c’est-à-dire jamais reproduit.

Dans son enseignement, Jésus dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Il n’a pas dit : « Je suis un chemin, une vérité et une vie ». L’article défini qu’il emploie le détermine précisément comme l’unique chemin, la seule vérité et l’exclusive vie, en sorte qu’il n’y a rien de semblable à lui. Il est « absolument » unique. D’ailleurs lui-même le dit si bien, comme une conclusion de la déclaration précédente : « Nul ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14, 6). Quelques versets après, il déclarera : « Si vous demandez quelque chose en mon nom, le Père vous l’accordera » (Jn 14,13). C’est exactement la même chose qu’affirment saint Pierre et les autres témoins du Christ quand ils proclamaient : « Il n’y a pas un autre nom sous le ciel qui soit donné aux hommes pour leur salut. » (Ac 4, 12). Il est donc l’unique Médiateur.

Aujourd’hui, ces vérités sur le caractère unique du Christ sont de plus en plus mises en cause. L’événement Jésus-Christ (né-mort-ressuscité) n’est plus un fait absolument unique, mais est présenté aujourd’hui comme un symbole. Quand on dit d’une personne qu’elle est un symbole, on veut exprimer par là qu’elle incarne de façon exemplaire une idée, un sentiment. Autrement dit, si l’incarnation du Christ est un symbole, cela signifie que ce qui est advenu du Christ est un exemple et que c’en est ainsi pour tout homme.

Consécutivement, le fait « Jésus comme unique chemin, vérité et vie » n’est pas unique. Du coup, il y a plusieurs chemins pour parvenir à Dieu, plusieurs vérités les unes aussi valables que les autres et plusieurs sources de vies pour parvenir à la divinité. Par suite, tout l’enseignement du Christ est perçu comme un symbole ; ce qui ouvre la porte à la validité de tous les enseignements sur la divinité.

Le visage personnel du Dieu annoncé par Jésus-Christ n’est qu’un symbole. Si Dieu se présente comme un Père aimant et miséricordieux chez les chrétiens, il n’est pas faux de le découvrir comme Connaissance et Lumière ou Providence et Nature, dans une autre tradition religieuse. Les deux se valent et devraient se respecter. Selon une telle logique, en restant dans le domaine de la prière, le chemin que le Christ nous trace pour prier n’est qu’un chemin parmi tant d’autres. On peut donc se passer de lui et emprunter d’autres chemins de spiritualités. Les conséquences sont incalculables dans le domaine de la foi. Si la double nature du Christ (Dieu et homme) n’est plus unique, s’il devient un symbole, un signe, tout ce qui est construit à partir du Christ comme « unique » s’écroule immédiatement. L’Église aussi. La prière chrétienne pareillement. Il convient de signaler un dernier danger ayant trait au bienfait attendu de la prière.

Les biens spirituels réduits aux biens terrestres

Au cours de son enseignement sur la prière, Jésus mettait en garde ses disciples sur le contenu de leur prière. Il disait : « Ne vous préoccupez pas de ce que vous allez manger ou boire, car tout cela, les païens le désirent pareillement » (Mt 6, 31). Dans la prière, il est évident que nous attendons des bienfaits de Dieu. Il importe d’en avoir le cœur net pour ne pas se tromper de contenu de prières.

En effet, de plus en plus de personnes réduisent les bienfaits attendus de la prière à la réussite, à l’obtention des biens du monde, légitimement d’ailleurs. C’est ainsi que la plupart de ceux qui nous posent des questions sur la prière veulent savoir quel Psaume réciter pour vendre au marché ou pour avoir une promotion au service. Certains sont à l’affût des prières efficaces pour avoir un enfant, pour rencontrer leur âme-sœur tandis que d’autres sont en recherche de prières pour retrouver éviter le stress du rythme effréné des longues journées de travail, etc.

À voir de près, toutes ces prières ont un objectif commun : la réalisation du bonheur terrestre. Tout se résume à l’épanouissement de soi sur la terre. La prière n’est vraie et intéressante que lorsqu’elle prend en compte les besoins terrestres, la libération des maris et femmes de nuit, l’évacuation des mauvais rêves, la réussite des projets. Du coup, dans la prière, il n’y a plus la quête du salut que Dieu désire pour l’homme, mais la quête d’un bonheur que l’homme dessine pour lui-même, le désir d’assouvir ses propres passions et rêves. On comprend alors qu’il y ait une flopée de prières qui ne correspondent pas au vouloir de Dieu et qui, par ricochet, courent le risque de ne pas parvenir à Dieu. Saint Jacques avertit justement sa communauté : « Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions » (Jc 4, 3).

Il est intéressant de constater que Jésus n’a jamais demandé un bien matériel à son Père au cours de sa prière. Ce contenu de la prière de Jésus doit modifier profondément les motivations de nos prières personnelles et communautaires. Leur sous-bassement est l’illusion que le Christ nous sauve des vicissitudes de la vie sur terre et nous pourvoit de tout bien terrestre. Ce qui est strictement erroné.

Le Christ nous oriente plutôt vers les biens à venir qui germent certes ici-bas, mais qui s’accomplissent dans le don des biens spirituels que le Père accorde à ceux qui l’en prient. C’est pour cela que, contre toute attente, Jésus dira, en conclusion à son enseignement : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6, 33). Il faut une dose de foi, pour en percevoir la profondeur.

Notre parcours nous a permis de comprendre que trois dangers sont capables de falsifier l’esprit de la prière chrétienne, tant en sa pratique et son contenu qu’en ses objectifs. Le premier la confusion dans la pratique spirituelle issue de l’influence des autres traditions religieuses. Insidieusement, elle conduit les croyants à ne plus connaître les frontières du spécifiquement chrétien en matière de prière. On est du coup prêt à aménager sa manière de prier, en prenant de chaque expérience religieuse, ce qui satisfait à ses goûts. L’autre danger est la réduction de l’unicité du Christ à un symbole ; ce qui sape le fondement même de la proposition du Christ et de son enseignement sur la prière comme unique possibilité valable pour atteindre Dieu, le Père bon et miséricordieux. Enfin, il y a le danger de l’assimilation du bonheur éternel au bonheur terrestre. Ce qui provoque une cécité des chrétiens sur l’importance des dons spirituels, qui doivent être d’abord recherchés au cœur des prières.

Ces dangers nous conduisent à prendre conscience de l’importance, pour notre vie de prière, de connaître avec précision le contenu de la foi chrétienne à propos du Christ et du salut qu’il nous apporte. Ceci permet, de fait, d’opérer le discernement sur les propositions des autres traditions religieuses, pour savoir ce qu’il faut prendre et ce qu’il faut abandonner. Pour remédier à cela, il faut que le message de la foi nourrisse la prière et que la prière exprime la foi.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 15 commentaires

  1. OROUBE Olakounle Celestin

    Merci beaucoup mon père. Que vous bénisse

  2. Guiwa

    Merci Père pour cet article sur la prière.
    La demande du Roi Salomon en est un exemple pour nous.
    Telle devrait être la prière du chrétien catholique.

    Que Dieu vous bénisse

  3. HOUNGUE Mathieu

    En vous lisant, j’ai ressenti une tristesse et j’ai même pas pu retenir les lames. Ma pauvreté spirituelle est là.
    Certainement, la Lumière a encore repoussé de de quelques centaines les ténèbres dans mon cœur .

  4. Monique Moaboulou

    Merci beaucoup pour cet éclairage sur notre vie prière ! Courage pour la suite.

  5. Roger

    Merci mon père pour le grand effort malgré vos énormes charges. Votre enseignement nous édifice encore plus et nous amène à nous corriger certaines erreurs devenues des habitudes. Vous avez été on ne plus bien clair.

  6. KODJO Davy

    Merci mon père. Cet enseignement est venu éclairer plusieurs points d’ombres en moi et fera sans doute que je devienne une meilleure personne, mieux que celle que j’étais avant cette lecture

  7. Pokam soh mirabelle

    Très riche mon père….ça m’a vraiment édifiée et j’aimerai vraiment que le seigneur dans sa grâce oriente mes prières vers l’essentiel…vers lui. Que le seigneur vous bénisse mon père et vous inspire encore plus afin que sont peuple ici bas soit nourris

  8. DOSSOU Thibaut

    Merci pour tout ce que vous faites pour l’Eglise du Christ, que lui même vous en donne davantage les capacités nécessaires aujourd’hui et à jamais pour continuer sur le bon chemin les œuvres de l’évangélisation.

    1. Stephane

      Merci père pour le travail abattu. Vous avez fait travail formidable. Que le Saint Esprit vous éclaire et vous soutienne davantage

  9. Noëllie

    Mille fois merci à vous pour les éclaircissements. Que l’Esprit Saint vous illumine d’avantage

  10. Marie

    Merci beaucoup. Demeurez béni.

  11. SABi BAGOU

    Que le seigneur nous envoie son esprit pour nous guider dans nos prières.

    Merci sincèrement pour cette explication réussite

  12. Fabrice D.

    Merci Père, vous venez de corriger quelques choses de très fondamentales.
    Merci à toute l’équipe de un prêtre vous répond.

  13. Spéro DEGBEVI

    Merci Mon Père pour la correction faite au niveau de notre croyance en Christ qui prenait une autre déviation. Ce que j’aimerais demander à cet effet,c’est comment demander ? Vous avez dis ,de demander le salut. Alors vais-je demander tout juste le salut ou bien qu’est-ce que je peux demander d’autres pour que cela ne soit forcément pas terrestres ?

  14. Charles TCHIKITI

    Merci pour tout cher Père

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