Mort de Benoît XVI : héritage pour l’Afrique

Pape Benoît XVI
Pape Benoît XVI

Il a plu au Seigneur de rappeler son serviteur le pape Benoît XVI, ce samedi 31 décembre 2022, dans sa 95e année. Des 24 voyages apostoliques de son pontificat, le 265e pape de l’histoire de l’Église catholique en a fait deux en Afrique. Nous allons revenir ici sur l’essentiel de son message, en ce jour où la nouvelle de sa mort coupe le souffle au monde entier.

Benoît XVI en Afrique

Le pape Benoît XVI est venu en Afrique deux fois. La première fois, c’était conjointement au Cameroun et en Angola, du 17 au 25 mars 2009. Au Cameroun, le Saint-Père a remis l’instrument de travail du Synode spécial pour l’Afrique au évêques de ce continent. Le thème général est : « L’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix ». Ce sera le titre complet du document final qu’il signera lors de son deuxième voyage apostolique.
Après la première étape du premier voyage à Yaoundé au Cameroun, le défunt pape est allé en Angola (20 au 23 mars 2009). Pour ce pays, c’était la journée nationale de prière et de pénitence pour la réconciliation des fils et filles du pays.

Dans ses messages au Yaoundé et à Luanda, le pape théologien s’est intéressé aux problèmes de la familles et de la réconciliation. Il exhortait la communauté chrétienne du Cameroun sur l’importance de la famille en ces temps de crises familiales et à la confiance en Dieu. Chez les Angolais par contre, en restant proche de l’esprit de la journée de prière et de pénitence, le pape a invité tout le pays à la conversion, la réconciliation et l’espérance.

Benoît XVI et Africae Munus

L’objet principal de sa première visite était de donner aux évêques d’Afrique le document principal élaboré sur un travail préalable, pour nourrir les réflexions sur le thème important de la justice, de la réconciliation et de la paix en Afrique.

Deux ans après la remise de ce document, le pape fera son deuxième voyage apostolique au Bénin, terre catholique  pour signer ce document, Africae Munus, le deuxième du genre pour l’Afrique, après Ecclesia in Africa du vénéré pape saint Jean-Paul II. Il a aussi choisi le Bénin pour la double raison  du 150e anniversaire de l’évangélisation de ce pays mais aussi pour honorer la mémoire de son ami et collègue Bernardin Cardinal Gantin, qui repose pieusement dans la chapelle du premier grand séminaire sous régional de l’Afrique de l’Ouest française.

Africae Munus dont le titre complet est l’Église au service de la réconciliation, de la justice et de la paix, a été signé le 19 novembre 2011, en la Basilique mineure Immaculée Conception de Ouidah, en présence des présidents des conférences épiscopales de l’Afrique et du Madagascar. Le pape est préoccupé des questions de pauvreté, de précarité, d’injustice sociale, de l’insécurité et division en Afrique. Il a voulu engager l’Église en Afrique sur la question sociale de l’Afrique pour plus de justice, de réconciliation et de paix.

Le pape pense que l’Église en Afrique peut et doit encore être « sel et lumière » de l’Afrique si elle s’engage véritablement dans la vie sociale des Africains. Il disait : « Chère Église en Afrique, deviens toujours plus sel de la terre et lumière du monde ». Pour le pape, la mission évangélisatrice de l’Église est inséparable de son engagement pour la paix, la justice et la réconciliation. Ces trois thématiques sont d’ailleurs très chrétiennes d’autant que le Christ est venu précisément pour que, par la justice et la réconciliation, la paix advienne dans le monde. Il n’y a en effet pas de paix véritable sans la réconciliation, pas plus qu’il n’y a de réconciliation en vérité sans la justice.

Le message central du document conciliaire

Le Christ, au cœur des réalités africaines, doit être la source de réconciliation, de justice et de paix. Saint Paul lance un message qui reste actuel pour l’Afrique aujourd’hui : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 20b). Le Christ nous invite aussi à devenir des personnes justes qui travaillent à l’avènement d’un ordre social juste. Pour cela, il faut déjà vivre de la justice du Christ et promouvoir une justice sociale en faveur de tous, des pauvres en particulier. En ce qui concerne la paix, elle transite par l’amour dans la vérité, l’amour qui prend un visage concret et passe les mots et discours. De cela, l’Église doit jouer le rôle du « veilleur ».

Le pape Benoît XVI, dans son message à l’Afrique, va tracer des sentiers concrets pour que le projet de la réconciliation, de la justice et de la paix soit une réalité en Afrique. Le premier est l’attention à la personne humaine. Le salut de l’homme est au cœur de la mission de l’Église. Il insistera, dans ce premier chantier, sur la conversion véritable des cœurs et des pensées, la conversion de la culture à l’évangile, la conversion de l’individu au groupe à travers la spiritualité de communion, le ressourcement aux sacrements de réconciliation et de l’Eucharistie.

Le deuxième chantier touche au « vivre-ensemble ». Le pape n’oublie aucune dimension des acteurs de ce vivre-ensemble. Chacun doit y trouver sa place et jouer entièrement sa partition. Il s’agit de la famille, des personnes âgées, des hommes, des femmes, des jeunes et même des enfants.

Le troisième chantier à cerner est la vision africaine de la vie. Nul besoin de montrer combien l’Africain tient à la vie et à sa sauvegarde. Il faut donc valoriser tous les systèmes qui permettent à la vie de s’éclore et d’être davantage possible : l’écosystème, la bonne gouvernance, l’aide internationale et le nécessaire accueil des migrants et des déplacés de guerre.

Le dernier chantier qu’indique le premier pape allemand est le dialogue et la communion entre les chrétiens d’une part, et entre les chrétiens et les autres croyants d’autres part. Le pape invite les évêques d’Afrique et toute l’Église en Afrique à favoriser le dialogue avec nos frères séparés et à ne pas sous-estimer les nouveaux défis de l’émergence des nouveaux mouvements religieux d’inspiration chrétienne. De la même manière, il invite les chrétiens à maintenir le dialogue interreligieux avec les autres religions, en l’occurrence les religions endogènes et l’islam, pour mutualiser les efforts en faveur de la paix, de la justice et de la réconciliation en Afrique. C’est dans ce milieu que l’Église en Afrique est appelée à devenir chaque un peu plus, « sel de la terre et lumière du monde ».

Dans la deuxième partie du document synodal, le pape Benoît XVI va revenir sur les charismes particuliers dont le Seigneur a doté les différents membres de l’Église afin de leur permettre de s’engager dans les principaux champs d’apostolat qui, à terme, aideront l’Afrique à se lever de sa léthargie. Les évêques, les prêtres, les missionnaires, les diacres, les consacrés, les séminaristes, les catéchistes et les laïcs, personne n’est oublié. À chacun le pape a spécifié ce qu’il faut pour que l’on ressente partout en Afrique que l’Église manifeste la présence du Christ dans le monde tripolaire de l’éducation, de la santé, de l’information et de la communication. L’Afrique a de véritables efforts à fournir à ces trois niveaux. L’Église peut y apporter une profonde contribution.

L’Afrique peut vraiment se relever. Le Christ s’engage aux côtés de son Église pour cela. L’Afrique apparaît comme le paralytique de Bethesda que Jésus veut guérir par l’accueil de sa Parole et par la fréquentation des sacrements. L’Afrique peut bien se relever, si l’Église ose dans une nouvelle évangélisation, en manifestant davantage la lumière du Christ, en étant chaque jour un peu plus témoin du Ressuscité et en prenant le chemin de la mission, avec le Christ et à sa suite.

Conclusion

Le pape laisse un message fort à l’Afrique. Aujourd’hui qu’il rentre dans la joie de son Maître et Seigneur, l’Église de l’Afrique doit faire le point sur la réception concrète de ce document. Il faut une évaluation et une relecture. La pensée du pape est encore tout à fait traduisible en acte. Elle n’est pas dépassée.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens