Constantin et Concile de Nicée : Étape dans l’histoire ou fondation d’une nouvelle Église ?

Credo en Anglais
Credo en Anglais

L’Église a été fondée par Jésus-Christ vers l’an 30 et le terme catholique lui a été donné très rapidement pour la désigner. Nous l’avons évoqué dans une publication récente. L’emploi de cet adjectif était déjà courant au début du 2e siècle. L’Eglise existait donc bien avant le concile de Nicée (en 325) et le règne de l’empereur Constantin. Cet argument devrait suffire à prouver que Constantin n’a pas fondé l’Église catholique comme le disent trop souvent certains protestants. Même si Constantin a facilité la promotion du christianisme dans l’Empire romain, affirmer qu’il a « fondé » l’Église catholique relève en effet de la manipulation de l’histoire.

Une Église déjà bien organisée avant le concile de Nicée

Tout d’abord, l’Église catholique trouve ses racines dans les enseignements de Jésus-Christ et dans la communauté des premiers chrétiens. Des documents historiques, tels que les écrits des Pères de l’Église (par exemple, Saint Ignace d’Antioche, Saint Justin Martyr, Saint Irénée de Lyon, etc.) témoignent de l’existence d’une Église déjà très organisée, avec une hiérarchie visible et une doctrine précise, bien avant le concile de Nicée.

D’autre part et dans le même ordre d’idée, le concile de Nicée est loin d’être le premier concile. Avant Nicée, il y avait déjà eu de nombreux conciles de moindre envergure, locaux pour la plupart (on peut citer, mais il y en a eu bien d’autres : le concile de Jérusalem, vers l’an 50 ap. J.-C., décrit en Ac 15,1-29, qui est généralement considéré comme le premier concile chrétien. Il tranche la question de la circoncision et de l’observance de la loi de Moïse pour les païens convertis au christianisme ; le concile d’Antioche, vers 268 pour lutter contre le paulinisme, une doctrine hérétique qui soutenait que Jésus-Christ n’était qu’un homme et non divin ; le concile d’Elvire, en Espagne, vers 306, a traité de questions disciplinaires et a établi plusieurs canons relatifs à la vie des clercs et des laïc ; le concile d’Arles en 314 pour résoudre le conflit entre les Donatistes et les catholiques. Le concile a condamné les enseignements donatistes et a réaffirmé l’autorité de l’évêque de Rome…) Convoquer un concile est donc une manière normale et biblique (cf. les Actes des apôtres) d’administrer l’Église.

Par ailleurs, il faut souligner que la légitimité et l’autorité de l’Église catholique proviennent directement de la succession apostolique, c’est-à-dire de la transmission ininterrompue du pouvoir et de l’autorité des apôtres de Jésus-Christ à leurs successeurs, les évêques. Cette succession apostolique a commencé dès le début de l’Église, bien avant le règne de Constantin et le concile de Nicée.

De même, et il faut le reconnaître, l’empereur Constantin a joué un rôle important dans la légalisation et la promotion du christianisme dans l’Empire romain. Cependant, même s’il a pris part au concile de Nicée, il n’a pas « fondé » l’Église catholique ni à Nicée ni à un autre moment. Le concile de Nicée n’avait d’ailleurs absolument pas pour objet de structurer l’Église mais de résoudre la controverse arienne et de clarifier la doctrine de la Trinité. Les décisions prises lors de ce concile ont contribué à l’unification de l’Église mais elles ne peuvent être considérées comme la fondation de l’Église catholique.

Enfin, l’Église catholique a sans aucune contestation possible une continuité historique évidente avec l’Église des premiers disciples. Les événements, les conciles et les développements doctrinaux qui ont eu lieu après le concile de Nicée (comme le concile de Chalcédoine en 451 ou le Grand Schisme d’Orient en 1054) font partie de l’évolution de l’Église, de l’histoire de l’Église, mais aucune de ces étapes ne constitue sa fondation. Le concile de Nicée fait partie de ces étapes d’évolution mais il n’est pas fondateur de l’Église.

Le contexte du concile de Nicée : l’hérésie d’Arius

Arius était un prêtre d’Alexandrie en Égypte, né au milieu du 3e siècle. Il professait que Jésus n’est pas Dieu mais qu’il était la première des créatures. Pour Arius et pour ses disciples, Jésus est donc inférieur à Dieu le Père. Il a été créé comme personne humaine puis a été élevé par la grâce divine au-dessus des autres hommes. Donc pour un arien, Jésus n’est pas consubstantiel à Dieu le Père ni coéternel. Cette hérésie commençait à se répandre dans une partie de la chrétienté et il devenait urgent de réagir.

Dès 320 ou 321, saint Alexandre, évêque d’Alexandrie, convoque à Alexandrie un premier concile au cours duquel plus de cent évêques d’Égypte et de Libye anathématisent (une forme très sévère d’excommunication) Arius. Malgré cela, Arius continue à officier dans son église et à recruter des fidèles. Finalement chassé, il se rend en Palestine puis à Nicomédie et échange divers courriers avec les évêques de l’époque. La querelle était désormais hors de contrôle.

Parallèlement à cette discorde, à Rome, une guerre éclate entre les deux co-empereurs Constantin, bienveillant envers les catholiques, et Licinius, continuant à persécuter les chrétiens notamment en Orient. Constantin ayant vaincu Licinius et étant devenu seul empereur, il était désireux de s’occuper du rétablissement de la paix religieuse aussi bien que de l’ordre civil à une époque où ces deux notions étaient fortement imbriquées dans la société (le monde antique avait un fonctionnement très différent de notre monde contemporain : le temporel et le spirituel étaient fortement imbriqués ; quelques années auparavant, l’empereur était encore considéré comme un dieu dans un monde romain polythéiste). Constantin adresse alors des lettres à saint Alexandre et à Arius pour demander aux adversaires de s’entendre sans délai. Visiblement, l’empereur ne saisissait pas alors la portée théologique de la controverse arienne. Hosius, évêque de Cordoue, porte la lettre impériale à Alexandrie mais échoue dans sa mission de conciliation. Voyant cela, l’empereur, sur les conseils d’Hosius, pense que la meilleure manière d’aboutir à la paix dans l’Église passe par la réunion d’un concile œcuménique, c’est-à-dire un concile où sont convoqués tous les évêques.

Avec l’accord du pape Sylvestre, l’empereur, dans des lettres très respectueuses, prie donc les évêques de tous les pays de venir à Nicée. Afin d’accélérer la réunion du concile, l’empereur met à la disposition des évêques les transports publics et les postes de l’empire ; de plus, tant que dura le concile, il pourvoira abondamment à l’entretien des membres. Le choix de Nicée était favorable au rassemblement d’un grand nombre d’évêques. Cette ville située dans l’actuelle Turquie était facilement accessible aux évêques de presque toutes les provinces, mais surtout à ceux d’Asie, de Syrie, de Palestine, d’Égypte, de Grèce et de Thrace. Le nombre exact de participants n’est pas connu avec certitude. Eusèbe parle de plus de 250 évêques ; les manuscrits arabes ultérieurs élèvent le chiffre à 2000 – une exagération évidente dans laquelle, cependant, il est impossible de découvrir le nombre total approximatif d’évêques, ainsi que des prêtres, des diacres et des acolytes dont un grand nombre étaient également présents.

Saint Athanase, membre du concile, parle de 300, et dans sa lettre « Ad Afros », il dit explicitement 318. Ce chiffre est presque universellement adopté, et il ne semble y avoir aucune bonne raison de le rejeter. La plupart des évêques présents étaient des évêques grecs ; chez les latins, on ne connaît que Hosius de Cordoue, Cécilien de Carthage, Marc de Calabre, Nicasius de Dijon, Donnus de Stridon en Pannonie, et les deux prêtres romains, Victor et Vincentius, représentant le pape. L’assemblée comptait parmi ses membres les plus célèbres saint Alexandre d’Alexandrie, Eustathe d’Antioche, Macaire de Jérusalem, Eusèbe de Nicomédie, Eusèbe de Césarée et Nicolas de Myre. Parmi les membres se trouvait un jeune diacre, Athanase d’Alexandrie qui fera parler de lui plus tard.

L’année 325 est acceptée sans hésitation comme celle du premier concile de Nicée. A priori, le concile débuta le 20 mai, l’empéreur fut présent à partir du 14 juin. Il y a prononcé un discours en latin exprimant sa volonté que la paix religieuse soit rétablie. On a attribué à Constantin en quelque sorte une présidence d’honneur mais la direction des discussions théologiques était réservée aux chefs ecclésiastiques du concile. Le président du concile semble avoir été l’évêque Hosius de Cordoue, assisté des légats du pape, Victor et Vincentius, leurs signatures précédant sur tous les documents même celles des patriarches. Le Symbole fut élaboré le 19 juin. Puis le concile se consacra à diverses questions jusqu’au 25 août, date de sa clôture.

Nous savons assez peu de choses sur la nature des débats. Rufin, un chroniqueur, nous rapporte seulement que des séances quotidiennes avaient lieu et qu’Arius était souvent convoqué devant l’assemblée ; ses opinions furent sérieusement discutées et ses arguments soigneusement examinés. La plupart des évêques se déclarèrent énergiquement contre les doctrines d’Arius. Saint Athanase affirme que les activités du concile n’étaient nullement entravées par la présence de Constantin ; il faut donc voir dans cette déclaration le fait que Constantin ne prenait pas une part active aux débats. L’empereur était de toute façon clairement sous l’influence d’Hosius. C’est à Hosius et à saint Athanase que reviennent la formulation du symbole de ce premier concile œcuménique, dont voici une traduction littérale :

Nous croyons en un seul Dieu le Père Tout-Puissant, Créateur de toutes choses visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le seul engendré du Père, c'est-à-dire de la substance [ek tes ousias] du Père, Dieu de Dieu , lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non créé, du même substance avec le Père [homoousion to patri], par qui tout a été fait dans les cieux et sur la terre ; qui est descendu pour nous les hommes et notre salut, s'est incarné et s'est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté au ciel et vient juger les vivants et les morts. Et dans le Saint-Esprit. Ceux qui disent : Il fut un temps où il n'était pas, et il n'était pas avant d'être engendré ; et qu'Il a été créé à partir de rien (ex ouk onton) ; ou qui soutiennent qu'il est d'une autre hypostase ou d'une autre substance [que le Père], ou que le Fils de Dieu est créé, ou mutable, ou sujet à changement, [les] anathématise l'Église catholique.

Le symbole de Nicée est donc d’une condamnation ferme des théories d’Arius. L’adhésion fut générale et enthousiaste. Tous les évêques sauf cinq se déclarèrent prêts à souscrire à cette formule, convaincus qu’elle contenait l’antique foi de l’Église catholique et apostolique. Les opposants furent bientôt réduits à deux, Théonas de Marmarica et Secundus de Ptolémaïs, qui furent exilés et anathématisés. Arius et ses écrits furent également marqués d’anathème, ses livres furent jetés au feu et il fut exilé en Illyrie, la côte orientale de l’Adriatique. Les listes des signataires nous sont parvenues mutilées par les fautes des copistes. Néanmoins, ces listes peuvent être considérées comme authentiques. Elles donnent respectivement 220 et 218 noms. Avec des informations provenant d’une source ou d’une autre, une liste de 232 ou 237 pères connus pour avoir été présents peut être établie.

D’autres questions traitées par ce concile étaient le choix de la bonne date pour fêter Pâques et le schisme de Meletian, évêque de Lycopolis en Égypte, déposé notamment pour avoir sacrifié aux idoles et pour son insubordination.

De tous les actes de ce concile, qui furent nombreux, seuls trois fragments nous sont parvenus dont le Symbole, donné plus haut. Mais les récits d’Eusèbe, de Socrate, de Sozomène, de Théodoret et de Rufin peuvent être considérés comme des sources très importantes d’informations historiques, ainsi que certaines données conservées par saint Athanase, et une histoire du concile de Nicée écrite en grec au cinquième siècle par Gélase de Cyzique. Ce concile a également décidé de plusieurs canons que nous possédons aujourd’hui. Parmi ceux-ci, voici un bref résumé :

Canon 1 : Sur l’admission, ou le soutien, ou l’expulsion des clercs mutilés par choix ou par la violence.

Canon 2 : Règles à observer pour l’ordination, la prévention de la hâte excessive, la déposition des coupables d’une faute grave.

Canon 3 : Interdit à tous les membres du clergé d’habiter avec une femme, à l’exception d’une mère, d’une sœur ou d’une tante.

Canon 4 : Concerne les élections épiscopales.

Canon 5 : Concerne les excommuniés.

Canon 6 : Concernant les patriarches et leur juridiction.

Canon 7 : Confirme le droit des évêques de Jérusalem à jouir de certains honneurs.

Canon 8 : Concerne les Novatiens.

Canon 9 : Certains péchés connus après l’ordination entraînent l’invalidation.

Canon 10 : Les Lapsi qui ont été ordonnés sciemment ou subrepticement doivent être exclus dès que leur irrégularité est connue.

Canon 11 : Pénitence à imposer aux apostats de la persécution de Licinius.

Canon 12 : Pénitence à imposer à ceux qui ont soutenu Licinius dans sa guerre contre les chrétiens.

Canon 13 : Indulgence à accorder aux excommuniés en danger de mort.

Canon 14 : Pénitence à imposer aux catéchumènes affaiblis par la persécution.

Canon 15 : Les évêques, les prêtres et les diacres ne doivent pas passer d’une Église à une autre.

Canon 16 : Interdit à tous les clercs de quitter leur église. Interdiction formelle aux évêques d’ordonner pour leur diocèse un clerc appartenant à un autre diocèse.

Canon 17 : Interdit aux clercs de prêter à intérêt.

Canon 18 : Rappelle aux diacres leur position subalterne à l’égard des prêtres.

Canon 19 : Règles à observer à l’égard des fidèles de Paul de Samosate qui désiraient retourner dans l’Église.

Canon 20 : Le dimanche et pendant le temps pascal, les prières doivent être récitées debout.

Les affaires du concile terminées, Constantin célèbre à Nicée le vingtième anniversaire de son avènement à l’empire. Quelques jours plus tard, l’empereur propose qu’une dernière séance ait lieu où il exhorte les évêques à travailler au maintien de la paix ; il se recommande à leurs prières avant que les Pères ne retournent dans leurs diocèses.

Une étape de l'histoire de l'Église

De tout ceci, que retenir ?

Il est totalement malhonnête de soutenir que Constantin a fondé l’Eglise catholique au concile de Nicée ou qu’il a fondé une nouvelle Église ; le propos du concile étant clairement de combattre l’hérésie d’Arius et le concile de Nicée s’analyse comme étant une étape importante de la vie de la primitive Église.

Constantin a bien joué un rôle majeur dans la reconnaissance et la promotion du christianisme dans l’Empire romain, mais il n’a même pas officiellement établi le catholicisme comme religion d’État. En 313, Constantin et l’empereur Licinius ont promulgué l’Édit de Milan, qui accordait la liberté de culte aux chrétiens et mettait fin aux persécutions contre eux. L’édit permettait aux chrétiens de pratiquer leur foi ouvertement et légalement, sans craindre de persécution.

Cependant, ce n’est qu’au cours du règne de l’empereur Théodose Ier (379-395) que le christianisme est devenu la religion officielle de l’Empire romain. Théodose a promulgué plusieurs lois et édits pour promouvoir le christianisme et réprimer les autres religions. En 380, Théodose a signé l’Édit de Thessalonique, également connu sous le nom de Cunctos populos, qui déclarait que le christianisme était la seule religion légitime de l’Empire romain.

Quant au Symbole élaboré à Nicée, il est très largement accepté aujourd’hui par les chrétiens de la plupart des confessions : chez les catholiques, il est un élément central de la foi catholique et est récité lors de la messe.

Les Églises orthodoxes, y compris l’Église orthodoxe grecque, l’Église orthodoxe russe et d’autres Églises orthodoxes nationales, acceptent également le Credo de Nicée comme une déclaration fondamentale de leur foi.

L’Église copte orthodoxe, principalement basée en Égypte, reconnaît également le Credo de Nicée.

L’Église apostolique arménienne, bien qu’elle ne fasse pas partie de la communion orthodoxe orientale ni de la communion catholique, accepte également le Credo de Nicée. De nombreuses dénominations protestantes, y compris les luthériens, les anglicans, les presbytériens et les méthodistes, reconnaissent le Credo de Nicée comme une expression importante de la foi chrétienne.

Toutefois, certaines « Églises » ont encore aujourd’hui un discours proche de l’arianisme et ne supportent donc pas les décisions du concile de Nicée.

D’autres « Églises » souvent créées au 19e ou au 20e siècle rejettent les décisions de Nicée car elles trouvent que le symbole n’est pas assez biblique selon elles, oubliant d’une part qu’au moment du concile de Nicée le canon des Écritures n’avait pas été encore arrêté (il le sera à la fin du 4esiècle au conciles d’Hippone en 393 et de Carthage en 397) et oubliant d’autre part que le Seigneur a promis de toujours assister son Église.

D’autres enfin affirment que l’Église a profondément été modifiée par le concile de Nicée sans jamais montrer en quoi il y a eu de modifications autres que la condamnation définitive de l’arianisme.

Vous aimez cet article ? Donnez lui 5 étoiles
  [Moyenne : 4.5]
Print Friendly, PDF & Email

Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.