Le chrétien peut-il manger le mouton de la Tabaski ?

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Mouton

Cette question est une étude de cas pour illustrer l’article sur : « Le chrétien peut-il consommer la viande offerte aux idoles ? ». Nous avons constaté une avalanche de réactions par rapport à la réponse négative donnée à cette question dans un forum de discussion. Nous ferons mention, dans cet article, de quelques arguments qu’évoquent les chrétiens pour s’autoriser à manger la viande du mouton partagée par les musulmans lors de la fête de la Tabaski. Dans un deuxième mouvement, nous ferons une argumentation de la réponse négative que l’Église donne à cette préoccupation des fidèles.

Les partisans pour la consommation de la viande de la Tabaski

Certaines personnes ne trouvent pas d’inconvénient à consommer la viande du mouton partagée lors de la fête de la Tabaski.

  • Pour eux, indépendamment du cadre religieux proprement musulman, dans certaines cultures africaines, au moment des cérémonies traditionnelles ou non, le partage du repas est chose courante. Les anniversaires de naissance, de mariage ou même de décès, sont des occasions pour partager le repas. Ce partage habituel favorise en effet le vivre-ensemble et la bonne amitié. 
     
  • La deuxième raison se situe au niveau de l’identité du dieu Allah chez les chrétiens. Allah ne serait pas à mettre au rang des idoles. Il serait un Dieu, le même que celui des chrétiens, d’autant que la foi musulmane tire ses racines de l’Ancien Testament. Il sera donc impropre de classer Allah au rang des divinités et des idoles. En conséquence, le mouton sacrifié le jour de la Tabaski n’est pas une viande offerte aux idoles. Il y a donc, chez ceux qui acceptent de manger la viande du mouton sacrifié à Allah, une distinction à faire entre les fétiches et Allah. Alors qu’on ne saurait manger les poulets offerts aux fétiches (les divinités des forêts, des eaux, des roches, du vent), on peut bien consommer, sans scrupule, la viande du mouton de la Tabaski.  
     
  • Enfin, le dernier argument repose sur l’intention de celui qui envoie la viande de mouton. Cette dernière ne serait pas la viande du sacrifice. Il faut donc éviter d’assimiler cette viande partagée au mouton sacrifié et ne pas la traiter comme un produit du sacrifice. Le musulman qui l’envoie fait un don de repas festif et non un don de viande sacrée.

Pour oser une conclusion, nous dirons que la nécessité de sauvegarder la bonne entente entre les hommes, la différence entre le dieu Allah et les idoles/fétiches et l’intention du donateur sont les motifs qui justifient la possibilité pour le chrétien de manger la viande de mouton partagée lors de la fête musulmane de la Tabaski.

Le chrétien ne peut consommer la viande de la Tabaski.

Le discernement devant permettre d’apprécier l’attitude juste par rapport à la viande de mouton de la fête de Tabaski nous contraint à nous référer à la signification originelle et toujours actuelle de cette fête musulmane. On ne peut en effet dissocier le repas du contexte religieux qui le porte, car c’est bien ce contexte qui donne un sens au partage des portions de moutons. 

Tabaski (Aïd el Kébir) est une démarche éminemment religieuse. 

Contrairement à la mentalité de plus en plus répandue, Tabaski n’est en effet pas un simple repas entre voisins même si, à beaucoup d’endroits, il en donne l’air. Ce n’est pas une fête de quartier ou de village. Tabaski est d’abord et avant tout une fête religieuse. Tabaski est un vrai culte rendu à un dieu autre que le Dieu révélé par Jésus-Christ. 

Plus concrètement :

  • Primo, Tabaski (ou la fête de l’Aïd el Kébir ou encore Aïd al Adha) est une fête religieuse où le musulman sacrifie à Allah un mouton en mémoire de la soumission d’Ibrahim prêt à sacrifier son fils Ismaël. Notons que cette tradition et ces récits sont différents des traditions juives et chrétiennes, reçues dans le livre de la Genèse. 
  • Secundo, en souvenir de cette acceptation, de cette soumission d’Ibrahim, le musulman doit sacrifier chaque année un animal : mouton de six mois, chèvre de deux ans, bovin de deux ans ou chameau de cinq ans. 
  • Tertio, il s’agit bien d’un sacrifice. Un « haddith » prescrit de manger la viande du sacrifice, d’en offrir aux pauvres, aux proches, aux voisins, aux collègues. Le texte ne comporte aucune ambiguïté d’interprétation. C’est un sacrifice et rien d’autre qu’un sacrifice. Il n’y a aucune autre dimension à cette mise à mort de la bête égorgée.

Donc, puisque sacrifice il y a, il faut se poser la question de savoir à qui, pour quoi ou pour qui cet animal a été sacrifié ? Est-ce pour le Dieu de Jésus que nous confessons dans le Credo ? Non assurément pas…

Ceux qui sont en faveur de la consommation du mouton de la Tabaski affirment que le musulman ne sacrifie pas aux idoles sans montrer en revanche pourquoi et au nom de quoi (ou de qui) il a égorgé cet animal ? Pourtant c’est la réponse à cette question qui est fondamentale. S’il ne s’agit pas d’une nourriture du sacrifice, qu’est-elle alors ?

À côté de l’aspect social, il faut bien considérer la portée religieuse. De la même manière, la nécessité du vivre-ensemble ne permet pas d’escamoter la dimension spirituelle propre à cette fête. Toutes choses que refusent de considérer ceux qui sont pour la consommation de la viande du monde de l’Aïd el Kébir.

Justement, du point de vue religieux et spirituel, il faut tenir que pour le chrétien, l’islam n’est pas la religion que Jésus a fondée et, en conséquence, le dieu Allah n’est pas le vrai Dieu. 

S’il ne l’est pas, le mouton offert en sacrifice à Allah est un sacrifice à une divinité qui ne vient pas de Dieu. Or, nous savons que ce qui n’est pas avec Dieu est contre Dieu. Qui est contre Dieu sinon le démon ? Alors, il faut bien obéir à la Parole de Dieu qui demande aux chrétiens de s’abstenir de la viande offerte à Allah, aussi vrai qu’Allah n’est pas la Sainte Trinité, et que celle-ci n’a envoyé ni Mohammed, ni le Coran, ni commandé de renier Jésus-Christ. 

En revanche, si l’Islam était la vraie religion et adorait le vrai Dieu, il faudrait immédiatement demander aux chrétiens de se convertir à l’islam. 

Il n’y a pas, à ce sujet de demi-mesure. La vérité reste la vérité et il ne saurait y avoir deux vérités opposées sur la même réalité : on enfreindrait le principe logique de non contradiction. Il y a des mots qui ne sont peut-être pas politiquement corrects mais qu’on se doit d’employer à un moment si on ne veut pas tomber dans le relativisme.

Ne pas rompre la fraternité

La restriction que nous essayons de marquer se situe uniquement au niveau du religieux. 

En ce qui concerne la vie de foi, comme le collège des apôtres, des anciens et saint Paul nous le recommandent (Ac 15 ; 1Co 8 ; 10), le chrétien ne doit pas consommer la viande offerte en sacrifice aux idoles. De la même manière, les fidèles des autres traditions religieuses ne sont pas autorisés à consommer nos aliments spirituels.

Néanmoins, cette opposition au niveau des certitudes religieuses ne doit pas se transformer en une opposition entre les frères. Il est parfaitement possible de dîner chez un musulman, tant que possible. En effet, chrétiens, musulmans, animistes, bouddhistes, athées, nous sommes avant tout des hommes, des créatures humaines appelées à vivre-ensemble. Bien que l’on doive du respect aux principes religieux différenciant chaque communauté, il n’est pas juste de refuser l’amitié des frères des autres religions.

Il faut donc aimer nos frères musulmans, en sachant que les aimer n’est pas une raison pour prendre part à leur culte, même si celui-ci revêt la forme d’un repas alléchant. 

Eux qui, globalement, sont plus cohérents que nous, refuseront de partager le repas de Noël et de Pâques. 

Pas plus que nous prenons part au Céder juif, nous ne devons prendre part à la Tabaski. Nous ne mangeons pas la viande de Tabaski. Manger l’agneau n’est pas neutre pour nous catholiques : l’agneau immolé, c’est le Christ Jésus et seulement lui.

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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.

Cet article a 22 commentaires

  1. TCHAO

    Merci

  2. MIBLO

    Merci Frère Hervé !
    Eux (musulmans) ils disent offert à Allah (Dieu) ainsi par votre développement je comprends que Allah n’est pas notre Dieu de credo, alors les premiers chrétiens Arabe ont appelé notre Dieu de credo, par quel nom car chaque langue a son appellation.

      1. Agassoussi Eric

        Que dites-vous de ceci ?

        La Déclaration de l’Eglise catholique sur l’Islam

        ” La religion musulmane

        L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre [5], qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes après les avoir ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne.

        Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté”.

        Le Concile Vatican II: Décret Notra Aetate: Décret sur les relations entre catholiques et les non chrétiens.

        1. Frère Hervé

          Que disons-nous de ceci ?

          Il ne faut pas tout mélanger, pas tout amalgamer !
          Nostra Aetate, déclaration du concile Vatican II, parle-t-elle de Tabaski ?
          Quand on cite un texte, il faut le lire, le comprendre, en analyser la portée.
          En quoi le fait de refuser de prendre part à un sacrifice musulman contrevient-il à la “compréhension mutuelle”, à la “justice sociale, aux valeurs morales et à la liberté” ?
          Seule une mauvaise compréhension de ce qu’est Tabaski, c’est à dire un sacrifice d’immolation au dieu des musulmans, aboutit à permettre, voire pire à inciter les catholiques à consommer le sacrifice en question.

  3. Franck TOSSOUGBO HINSON

    Merci beaucoup pour ce beau travail, mais je m’attendais à voir les conséquences sur la vie spirituelle du chrétien consommateur.

    En plus dans 1 cor8 l’interdiction est conditionnée par le fait de ne pas détourner les nouveaux nés dans la foi. Je n’ai pas vu aussi le développement de ce aspect.

  4. Hervé TODEGO

    Merci beaucoup frère pour le partage.
    J’étais dans l’ombre mais j’ai reçu la lumière maintenant
    Infini merci..
    Dieu vous comble

    1. SAWADOGO Justin

      Merci à vous cher Frère Hervé. Soyez béni

  5. Bienvenu AHANDESSI

    Bonsoir cher frère pour le partage. Mais qu’en -est-il de nos prêtres qui participent à leur fête ?

    1. Frère Hervé

      Ils se trompent mais sans doute n’ont-ils pas pris le soin de comprendre réellement ce qu’est tabaski dans le culte musulman.
      Ils croient bien faire au nom du “vivre ensemble” quitte à s’accommoder de certaines règles.

  6. Amour T.

    Merci beaucoup, frère Hervé pour cet enseignement. Ça m’a beaucoup instruit.

  7. MIGNANWANDE PROSPER

    L’article est très instructif en effet. Seulement, moi j’aimerais bien savoir si c’est la manière dont nous avons adoré Dieu qui nous permet d’accéder à la Félicité éternelle ou si ce sont nos œuvres qui nous le permettent comme Jacques l’a bien souligné dans son épître.

    Le vrai Dieu et le Dieu des idoles ! Si les chrétiens arabes appellent Dieu Allah et les musulmans le désignent par le même nom, comment savons nous que ce Dieu que nous désignons n’est pas le même ?

    Et si c’était seulement à nos yeux d’humains que se trouvait ces considérations sans demi mesure ?
    Est-ce que en allant à l’invitation d’un frère musulman sans participer au culte mais en mangeant la viande préparée serait un péché ?

    Et en revenant au résumé des dix commandements par Jésus, la plus grande loi c’est l’amour, couplé avec les principes de l’oecuménisme, pourquoi ces considérations qui frisent le rejet de nos frères, quoique votre article semble ne pas traiter la chose sous cet angle.
    Merci de nous éclairer davantage.

    Prosper MIGNANWANDE

    1. GANGBE Débora Immaculée

      Bonjour Monsieur,
      Si je puis me permettre, je pense que tout a déjà été dit..
      Je pense qu’il est temps que le chrétien catholique se contente d’écouter ses pasteurs sans vouloir toujours trouver des contradictions… Cette attitude est aussi à l’origine de l’instabilité des chrétiens catholiques…

    2. ADJOUNE

      Depuis notre enfance, étant chrétiens, nous vivons en harmonie et en amour avec nos frères ou nos parents animistes. Nous ne partageons jamais les mêmes repas sacrifiés aux idoles. Cela n’a jamais été un signe de rejet. Tout est permis, mais tout n’édifie pas. Paul l’a dit : si vous mangez, serait comme si vous faites les mêmes choses….

  8. DINANGOSS Kopa

    Cet article traite d’un sujet communautaire qui donne l’avis d’un frère, un religieux. Parce que moi en tant que Laïc, je pourrais donner l’avis contraire en évoquant l’Oecuménisme de charité et le dialogue interréligieux entre Chrétiens Catholiques et l’Islam. Mais que dit l’Église Catholique à ce propos ? Quel est l’avis du pape sur la question ? A mon humble avis, ce sont ces avis qu’il faut considérer. Et comme l’Église est en dialogue interréligieux avec l’Islam, partager un repas avec un frère musulman ne fait aucun mal.

  9. Emmanuel kory Diouf

    pere hevre j’espere que il y’a beaucoup de chose a eclairer . moi je ne suis pas pour avec votre raisonnement

  10. Fabrice Roméo Mboula

    Merci pour cet éclaircissement. Je constate avec amertume que le catholique est le plus ignorant de sa religion, des saintes écritures et de l’histoire de son Église. Heureusement que Christ a promis de ne jamais nous abandonner si nous faisons sa volonté et celle de son père notre Dieu.

  11. Abbé Josué POGNON

    Belle argumentation!. J’en épouse d’ailleurs la conclusion. Sauf que le frère a été très radical en affirmant que *le dieu Allah n’est pas le vrai Dieu*.
    Ce serait du fanatisme que d’affirmer cela à mon humble avis. A moins qu’il y ait d’autres pères pour m’éclairer.
    En effet, *Allah* est le mot arabe qui désigne *Dieu* en français, en l’occurrence, *le Dieu unique*. Même si les musulmans ne vouent pas le même culte à ce Dieu que les catholiques, ou encore s’ils n’ont pas la même perception de ce Dieu que les catholiques, est-ce à dire qu’il ne recourent pas au vrai Dieu?
    Je pense qu’il ne faut pas tenir compte des pratiques obscures et occultes de plusieurs musulmans ainsi que de leur fanatisme pour affirmer sans ambages que les musulmans n’adorent pas le vrai Dieu, même si nous, catholiques, nous avons cette certitude que le vrai Dieu est Celui révélé par Jésus-Christ.
    De plus, les prénoms arabes disent très souvent toujours quelque chose de ce *Allah* que nous considérons comme des attributs divins du Dieu unique.
    Nous pouvons aussi prendre l’exemple de la relation entre Orthodoxe et Catholique : comme chez les catholiques, les orthodoxes ont aussi l’Eucharistie, mais a priori, un catholiques ne peut consommer l’Eucharistie chez les orthodoxes et vis-versa. Mais ce n’est pas pour autant, que nous allons dire que nous n’adorons pas le même Dieu.
    *En conclusion, je pense, avec toute proportion gardée, que les vrais musulmans adorent le vrai Dieu comme les catholiques. Ce pendant, les manières de percevoir ce Dieu et de l’approcher sont différentes.*

    Je suis ouverte à toutes remarques et précisions.
    Merci bien.

    *Abbé Josué POGNON*

    1. Frère Hervé

      Cher Monsieur l’Abbé,

      Votre remarque est intéressante… ; je dirai même qu’elle est centrale pour une bonne compréhension.
      Aujourd’hui beaucoup de chrétiens pensent que le dieu des musulmans et le dieu des chrétiens est le même à cause de l’unicité de Dieu que nous proclamons dans le Credo.
      La réalité est toutefois plus complexe car, même si l’islam a effectué de nombreux emprunts au corpus biblique, ce qu’il met en scène dans le Coran est souvent très éloigné du récit biblique.
      Je vous invite à lire cette contribution d’un professeur de théologie :

      CHRÉTIENS ET MUSULMANS ONT-ILS LE MÊME DIEU ?

      L’affirmation que le Dieu des chrétiens est le même que celui des musulmans est extrêmement répandue. Cette formulation est pourtant très équivoque et sert souvent à un relativisme qui affirme que toutes les religions se valent. Quelques éléments pour clarifier cette question.
      Il est courant d’entendre, de la part de chrétiens souvent peu formés et aussi de musulmans qui tiennent à favoriser les liens amicaux avec les autres religions, que les trois religions monothéistes croient dans le même Dieu. A l’appui de cette affirmation, de rapides raisonnements sont avancés. D’abord, si chaque religion croit en un Dieu qui est unique, il s’agit forcément du même Dieu. Ensuite, on retrouve dans chacune de ces trois religions des points communs, comme le péché originel, le Dieu miséricordieux, ainsi que de nombreux personnages communs, tels qu’Adam, Noé, Abraham, Lot, Isaac, Ismaël, Jacob, Moïse, David, Salomon, Elie, Zacharie, Jean-Baptiste, Marie et Jésus. Ces arguments suffisent généralement à nos contemporains pour affirmer que les trois religions ont le même Dieu.

      Un vocabulaire équivoque

      Une telle affirmation fait cependant réagir tout chrétien qui a quelque peu cherché à approfondir sa foi. S’il y a quelques points communs entre l’islam et le christianisme, combien y a-t-il de divergences ? Affirmer que l’on prie le même Dieu que les musulmans va à l’encontre du dogme de l’unicité de la Révélation divine, qui affirme que Dieu a parlé par l’Ecriture et la Tradition, et non par les textes des autres religions. Comment parler de manière juste de ce point commun aux trois religions monothéistes, à savoir la foi en un Dieu unique, et en même temps de grandes divergences ?

      Pour cela, il est nécessaire d’approfondir le sens du terme « même » dans l’expression « même Dieu ». Il peut vouloir dire deux choses. D’abord, il peut signifier l’unicité. Dans ce sens, on dit que des frères et sœurs ont les mêmes parents ou que deux personnes regardent dans la même direction. Mais cela peut aussi signifier l’identité. Dans ce sens, on dit que deux personnes ont reçu la même éducation ou que l’on a les mêmes chaussures que son ami.
      Appliqué à notre question, on peut dire dans le premier sens – unique – que les chrétiens et les musulmans ont le même Dieu, dans le sens que nous croyons tous en un Dieu unique numériquement. Mais dans le second sens – identique – il est absolument impossible de dire que nous croyons au même Dieu que les musulmans. Il suffit de demander à un musulman s’il croit que Dieu est Trinité, qu’il est en lui-même une relation d’amour de trois personnes distinctes mais possédant la même nature. Il suffit de demander à un musulman s’il croit que Dieu est tellement amoureux de l’homme qu’il a envoyé l’un des Trois, son Fils, pour assumer la nature humaine et racheter l’homme du péché.

      Comment répondre ?

      Le Catéchisme de l’Eglise Catholique reprend sur ce point l’enseignement du concile Vatican II, qui a voulu aller le plus loin possible dans une présentation positive des autres religions. Il affirme que « le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui professent la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, juge des hommes au dernier jour ». (1) C’est à cette formulation qu’il faut, nous semble-t-il, nous en tenir. Plutôt que de dire que les chrétiens et les musulmans croient dans le même Dieu, il faut préférer la formulation suivante : les musulmans, comme les chrétiens, croient en un Dieu unique, créateur et rémunérateur. On affirme ainsi l’unicité du Dieu auquel nous croyons sans tomber dans le relativisme qui affirme que les deux visions de Dieu sont les mêmes.
      Une bonne image permet d’illustrer cela. Deux personnes regardent au loin le même objet et ont pour cela chacun une paire de jumelles différentes. Le premier possède des jumelles de haute précision, en parfait état de marche, qui lui permettent de grossir cent fois l’objectif. Le second en possède une paire vieille et déréglée qui ne grossit que cinq fois et dont les lentilles sont opaques. On pourra dire qu’ils voient un unique objet, mais qu’ils ne voient pas la même chose. L’un voit parfaitement l’objet, l’autre le voit de manière déformée. Ils voient le même objet dans le premier sens du mot « même », mais pas dans le second sens. Il en va de même pour la foi en Dieu chez un chrétien et chez un musulman. A travers la Bible, tout ce que le chrétien dit sur Dieu est vrai. A travers le Coran, la vision que le musulman se fait est partiellement vraie, mais mêlée à de nombreuses erreurs.

      Un tronc commun entre Bible et Coran ?

      Il reste à répondre au deuxième argument avancé pour affirmer que les musulmans et les chrétiens ont le même Dieu, à savoir les points communs aux deux révélations. En effet, entend-on souvent, les chrétiens ont en commun avec les musulmans un même ancêtre en la personne d’Abraham, figure que l’on retrouve dans la Bible et le Coran. Un auteur chrétien comme H. Sanson peut affirmer : « Nous sommes non seulement des croyants de Dieu, mais des croyants de la même famille monothéiste à titre, si l’on veut, de cousins germains les uns à l’égard des autres ». (2) Pourtant, il ne s’agit pas là encore du même personnage. Nous avons relevé la doctrine du Catéchisme de l’Eglise Catholique, qui dit bien des musulmans qu’ils « déclarent professer la foi d’Abraham ». La première version du Catéchisme, en 1992, disait que les musulmans professent la foi d’Abraham, ce qui a été corrigé dans la deuxième et définitive version, soulignant bien que le lien que les musulmans disent avoir avec Abraham est différent de celui des chrétiens et les Juifs.
      Les musulmans disent en effet accepter la Bible et l’Evangile, qui étaient des préparations au Coran. Mais quand ils parlent de la Bible et de l’Evangile, ils ne font pas référence à l’Ancien-Testament et aux Evangiles du Nouveau Testament. Il s’agit pour eux de livres donnés par Dieu et que les Juifs et les Chrétiens ont pervertis. Si l’Islam était vraiment biblique, il y aurait véritablement un tronc commun, comme il y a le tronc commun de l’Ancien Testament entre le christianisme et le judaïsme. Mais l’islam récuse la Bible comme falsifiée, et pour lui, le vrai message biblique et évangélique est celui dont parle le Coran. Ainsi, le Coran parle bien de la vraie histoire d’Abraham et affirme, par exemple, qu’il est passé à la Mecque où il a reçu du ciel un livre.

      On voit donc qu’il faut aller derrière les simples noms. Ce n’est pas parce qu’il y a des noms (Abraham, Jésus, Marie…) communs entre la Bible et le Coran qu’il s’agit de personnes identiques. Ce n’est pas parce qu’il y a des concepts communs (Dieu miséricordieux, enfer, péché originel…) entre les deux religions qu’il s’agit de concepts identiques.
      Il est donc nécessaire, pour éviter toute équivoque qui dénature forcément le dialogue entre chrétiens et musulmans, de s’en tenir à une formulation précise, à savoir celle que nous donne l’Eglise dans le Catéchisme. Nous pouvons affirmer que les musulmans croient comme les chrétiens en un Dieu unique, créateur, qui récompense les bons et punit les mauvais. Mais il faut éviter absolument de dire que nous avons le même Dieu et que nous avons les mêmes figures révélées. Dissoudre ces différences au nom d’un prétendu dialogue est non seulement contraire à la foi chrétienne, mais c’est aussi un manque de respect des musulmans, en voulant leur faire dire ce que leur foi ne dit pas (3)

      Abbé Jean-Raphaël Dubrule,
      Professeur de théologie
      Supérieur des Missionnaires de la Miséricorde divine

      (1) Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 841
      (2) H. Sanson, L’Islam au miroir du christianisme, Ed. Fidélité/Salvador, Paris, 2001, p. 108.
      (3) Pour aller plus loin sur cette question, nous recommandons deux ouvrages du père François Jourdan : Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans. Des repères pour comprendre, Ed. de l’œuvre, Paris, 2011 et La Bible face au Coran, L’œuvre, Paris, 2011.

  12. Edmond OUEDRAOGO

    Bonjour mon frère
    Si le DIEU Musulmans n’est pas celui des chrétiens hérité des Juifs,
    +Le Dieu chrétien est-il celui des juifs ?, De Jésus un vrai juif ?
    +Le Dieu des juifs et des musulmans est-il le même ?
    +Apparemment le DIEU des chrétiens et des musulmans est différent selon vous. Vous allez contre le second cercle de la conception du “peuple de Dieu” que prône Vatican II dans Ecceliam suam. Il s’agit là de Dieu et non d’idole Allah, je précise. Si ” ES 83 – Le dialogue est donc un moyen d’exercer la mission apostolique ; c’est un art de communication spirituelle” comment devrons-nous restreindre le cercle de la communion spirituelle aux Chrétiens ?
    D’ailleurs combien de chrétiens maintiennent la conception catholique de Dieu?
    En clair, nous lisons:Ecclésial Suam 111 – Puis, autour de nous nous voyons se dessiner un autre cercle immense, lui aussi, mais moins éloigné de nous : c’est avant tout celui des hommes qui adorent le Dieu unique et souverain, celui que nous adorons nous aussi ; Nous faisons allusion aux fils, dignes de Notre affectueux respect, du peuple hébreu, fidèles à la religion que Nous nommons de l’Ancien Testament ; puis aux adorateurs de Dieu selon la conception de la religion monothéiste – musulmane en particulier – qui méritent admiration pour ce qu’il y a de vrai et de bon dans leur culte de Dieu ; et puis encore aux fidèles des grandes religions afro-asiatiques.
    +Bref, pensez-vous qu’il existerait deux ou trois ou quatre de Dieu créateur, d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, révélé par Jésus Christ ?
    Il n’y a qu’un Seul Dieu capable d’inspirer le bien et de mener l’âme au Ciel.
    Il ”ya de salut en dehors du Christ ne contradit pas que d’autres religions soit inspirée différemment et que Dieu trouve la manière qui lui plaise de les sauver par la grâce salutaire unique, universelle et essentielle du Christ non?

  13. ganava gedeon

    Bien merci, dont un chretien ne doit pas le manger si je comprend bien ?

    1. Frère Hervé

      Tout à fait : un catholique ne consomme pas la viande du sacrifie musulman.

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