Dans le domaine des loisirs, chacun a sa passion. Certaines personnes sont tellement accrochées à un type de jeu ou à une équipe de prédilection qu’ils sont capables de tout sacrifier pour les regarder. Comment apprécier cette situation, précisément dans le domaine de la foi ?
La question est tout à fait d’actualité, car aujourd’hui même commence la coupe du monde de football, Qatar 2022. Mais il est complexe de répondre. Il s’agit essentiellement d’un problème de discernement et de responsabilité. Avant toute chose, il faut se souvenir que nous devons faire instant par instant la volonté de Dieu. Donc la question se pose précisément de ce côté-là. En sacrifiant tout le temps pour les loisirs, suis-je dans la droite ligne de l’accomplissement de la volonté de Dieu ?
« Prendre des loisirs » entre tout à fait dans la volonté de Dieu, s’il s’agit par exemple de détendre son corps pour être mieux opérationnel à son service le lendemain. Mais les loisirs doivent rester en proportions raisonnables, ajustées au devoir d’état de la personne. Des loisirs en excès peuvent être un signe de paresse, de fuite de ses responsabilités… Ensuite, il faut se demander non pas si ce que je compte faire est BIEN mais si ce que je compte faire est ce qu’il y a de MIEUX pour faire progresser le Royaume de Dieu sur terre ? Formulé autrement, en quoi l’activité que je vais faire va-t-elle faire progresser le Royaume ?
Est-ce que le fait de regarder un match de football va faire progresser le Royaume ? Peut-être si je n’ai pas quelque chose de plus utile à faire auprès de ma famille, de mes enfants, des pauvres… Peut-être si j’ai besoin d’une heure de détente avant de reprendre d’autres activités… Mais est-ce que regarder quatre ou cinq matches par jour pendant un mois va faire progresser le Royaume de Dieu ? Est-ce que pendant ce temps je n’ai pas mieux à faire ? J’ai déjà la réponse… et un jour je sais que Dieu me demandera des comptes sur la manière dont j’ai occupé le temps qu’il m’a donné ? L’ai- je fait fructifié où ai-je perdu ce temps ?
Il est à souligner l’étymologie du verbe “distraction” : désunion, désaccord, discorde, éloignement… La distraction c’est ce qui éloigne ; ce qui éloigne parfois de ce qu’on doit faire.
Fin septembre dernier, il s’est tenu un colloque au Vatican sur le thème « Le sport pour tous ». Ce congrès a permis de se pencher sur les quatre dimensions de la personne : la dimension physique, psychologique, spirituelle et sociale. Quand ces quatre dimensions font une unité, alors on découvre combien toute notre personne peut être mobilisée en faveur de la fraternité, et en faveur de la charité qui doit faire « l’unité dans la perfection » (Col 3, 14), comme le dit saint Paul.
L’objectif est donc de rappeler cela et de dire aussi que quand ces finalités ne sont pas respectées, il y a des dérives terribles. Les leaders dans le monde du sport ont des droits, ils ont reçu beaucoup de gloire, beaucoup d’argent, mais ils ont aussi des devoirs car ils influencent l’humanité. Quel évènement, aujourd’hui, rassemble toute l’humanité, toutes religions confondues ? Mis à part l’enterrement de la reine d’Angleterre, ce sont les grandes compétitions sportives. Les leaders dans le monde du sport ont donc une grande responsabilité. Cette responsabilité peut être exaltante, comme, par exemple, l’image que Roger Federer et Rafael Nadal ont donnée, les yeux embués de larmes, le regard dans le vide… Ces deux adversaires qui sont des amis de toujours, c’est une belle image. Les grands champions ont donc une responsabilité considérable, qu’ils peuvent très bien utiliser… ou très mal utiliser.
Aller voir ponctuellement un match de football au stade peut être une chose saine ; suivre son équipe favorite dans tous ses déplacements, perdre l’appétit ou le sommeil quand l’équipe perd montre que quelque chose n’est pas équilibré ! Passer des heures devant son téléviseur à regarder des matches ou leur rediffusion ne l’est pas plus. Organiser toute sa vie familiale ou sociale en fonction des matches n’est pas non plus un très bon signe. Se précipiter sur les résultats sportifs et négliger les activités paroissiales pose également problème.
Donc autant la pratique sportive (prendre un ballon et aller taper dedans avec des amis) est encouragée, autant la pratique télévisuelle est susceptible de poser très rapidement des problèmes éthiques et spirituels.
La Coupe du Monde de football au Qatar est une compétition invraisemblable. Le football est devenu une idole. Pour organiser on a tout sacrifié : le respect de l’environnement, le respect des personnes. On manipule tout, au point de faire venir des supporters par avion car il n’y en a pas assez. C’est incroyable et scandaleux, car cette organisation montre que le sport est devenu désormais une finalité, un but en soi, une idole, un dieu. Alors que le sport doit impérativement rester un moyen en vue d’un bien. Là, on a du mal à y trouver le bien. Quand il devient une idole, on est capable de tout sacrifier : la santé, la vie morale, le respect de la planète et de l’environnement… Cela doit rester un moyen en vue de quelque chose de beaucoup plus grand.
L’activité sportive et la vie religieuse ne doivent pas être séparées. La vie chrétienne, c’est toute notre vie, et donc le sport en fait partie quand on est passionné. Personnellement, je pense moins on regardera cette manifestation sportive, moins on se rendra complice des turpitudes qui ont prévalu dans les préparatifs. C’est le seul moyen pour que les sponsors prennent conscience des dérives et cessent de dépenser de telles sommes alors qu’un grande partie de l’humanité n’a pas de quoi vivre décemment. Il y a là de très bonnes raisons de ne pas allumer son téléviseur pour suivre ces rencontres. Et dire qu’on annonce que les Jeux asiatiques d’hiver de 2026 se tiendront en Arabie saoudite !
Merci mon père pour cet éclairage. Nous devons nous rappeler sans cesse les paroles de l’apôtre Jean, nous défendant l’amour du monde et des choses du monde. Et pour reprendre les propos de Saint Paul, pour le chrétien,le monde est crucifié et lui, crucifié pour le monde.