Foi et sous-développement en Afrique

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Pauvreté
Foi catholique, Sous-développement, Afrique

Apparemment, la foi chrétienne est la cible de gens (se disant panafricanistes, africanistes, bossonnistes, kamits etc.) qui se plaignent, sans fondement scientifique, ni réflexions approfondies concernant le retard et le sous-développement des pays africains après 60 ans d’auto-gestion. A tous ceux-là, je viens demander une fois de plus de changer de vision, d’approche et de stratégie. Les Chrétiens africains ne vont pas abandonner leur foi à cause de leurs affirmations redondantes aux allures de jérémiades de gens désemparées par leur propre incapacité à s’orienter et à se gouverner, face aux grands changements du monde moderne et post-moderne.

Le problème du sous-développement n'est pas dans la foi

Le problème du sous-développement, du retard chronique et presque que sans véritable solution, se trouve dans le manque de leadership, dans la vision myope et obtuse, dans le manque de transparence dans la gestion politique, dans le manque d’honnêteté intellectuelle et morale de l’élite, dans l’abrutissement des populations par la distribution de « bonbons électoraux », dans le clientélisme et dans l’achat de conscience, dans l’exploitation des fibres ethnoculturelles et religieuses au cours des discours politiques (tenants du pouvoir et partis d’opposition).

Il est temps que nous nous remettions en cause, que nous nous regardions dans un miroir, avec une autocritique sans complaisance, nous aidant ainsi à soigner le visage hideux et exécrable de nos limites à la dimension de nos égoïsmes et de l’absence d’éthique. Nous n’allons pas, à force de nous plaindre, changer le cours de l’histoire. Les brûlures et les chocs des civilisations ne se guérissent pas par de sempiternels ressentiments.

La foi chrétienne, qu’en font les Africains qui la proclament et qui la pratiquent ? Fondamentalement, la Personne du Christ et son Message sont les chemins de libération profonde de l’âme et de l’esprit humains de tout ce qui l’enferme dans la misère. Jésus est le Libérateur de l’Homme, de tout homme et de tout l’homme.

L’Europe s’est développée tout au long des siècles à partir du message chrétien que Saint Benoit a su traduire de façon pragmatique par « Ora et Labora » (prie et travaille). L’Afrique peut se développer à partir du message chrétien qui prône l’amour, la cohésion sociale, l’honnêteté, l’option préférentielle pour les laissés-pour-compte des systèmes politico-économiques et sociaux.

Le problème du sous-développement est dans l'homme

Pour ce qui concerne l’Afrique, je ne pense pas que nos pays soient gouvernés avec des versets bibliques, ni avec le droit canonique, encore moins avec des cérémonies liturgiques. Alors pourquoi s’en prendre tout le temps à l’Église catholique, au Vatican, aux Prêtres, aux Évêques ? Quand on sait ce qui suit :

1/ On n’est pas capable de respecter les textes de lois qu’on s’est soi-même choisis. Chacun y va de son interprétation selon ses intérêts. Nous avons l’exemple encore très actuel de la Cote d’Ivoire et de la Guinée.

2/ Ceux qui sont allés à l’école et qui prétendent avoir fait de grandes études, ne se montrent pas compétitifs, ni concurrentiels sur le terrain du savoir-faire. Construire des infrastructures qui ne tiennent pas après une petite saison de pluies n’est pas le fait de la pratique religieuse. On continue de faire appel à l’expertise étrangère quand ce sont ces mêmes étranger qui nous « font crédit » malgré l’abondance des richesses naturelles. A part les matières premières dont nous sommes si fiers comme si cela venait de nous, tout part de l’étranger et retourne à l’étranger. Les intellectuels, africains et tous ceux qui cherchent à respecter les paradigmes nouveaux pour un vrai développement et qui veulent changer l’ordre des choses se voient taxés de « compliqués » « d’avoir une mentalité de blanc », « de ne pas comprendre la culture africaine », de « bounty », etc. Ces derniers sont en conflit avec l’environnement établi ; ou bien ils s’alignent pour survivre, ou bien ils s’en vont vendre leur savoir-faire ailleurs, et l’on s’étonne de la fuite des cerveaux.

3/ Ceux qui ont une parcelle de pouvoir se moquent royalement et impunément des populations par des détournements du bien commun et par une gabegie sans pareil. Les populations paysannes qui font l’essentiel de l’économie dans les pays africains sont considérées comme des bêtes de sommes, les oubliés de l’embryon de développement ratatiné : pas d’eau courante, pas d’électricité, pas d’école, pas d’hôpital, pas de route pour ces populations. Elles continuent de vivre dans l’héritage de la lignée des « damnés de la terre ».

4/ L’argent du contribuable sert à l’unique confort d’une minorité qui a réussi à se hisser par des stratagèmes opaques au sommet de l’État. Aucun système d’épargne ni d’investissement n’est mis en place pour un développement de type endogène, au profit de tous. On « bouffe l’argent » : voitures de luxe, grosses villas, voyages en avions 1st classe, etc. Aux pauvres populations qui gardent les yeux rivés sur les trésoriers de la cagnotte commune, on les saupoudre avec quelques miettes en billets de banque lors des mariages, des funérailles, des fêtes traditionnelles et modernes.

5/ Les gouvernants se rendent complices de passations de marché de gré à gré avec des compagnies étrangères qui exploitent de façon abusive les fameuses ressources naturelles.

6/ les Gouvernants, les membres de leur famille et ceux de leur clan, créent des sociétés écran dans leurs seuls intérêts, dans des délits d’initiés, des abus de bien sociaux, avec la complicité d’organismes internationaux et de chancelleries étrangères. Quand ils ne sont plus au pouvoir (un renversement de régime est passé par là) ou quand ils meurent, ces mêmes chancelleries, ces organismes internationaux viennent occuper leurs grosses résidences car leurs familles, désormais appauvries, ne peuvent les entretenir. L’argent qu’ils ont détourné et qu’ils ont transféré dans les banques étrangères reste perdu à jamais.

7/ le système éducatif est l’enfant pauvre dans toute la stratégie (encore s’il y en a) de développement. Grèves et années académiques sans consistance. L’école fabrique des masses de chômeurs-consommateurs, qui n’ont aucune capacité ni de créativité ni de production. Tous les produits, même les plus élémentaires viennent l’ailleurs. Aujourd’hui tout vient de la chine et de l’Inde. Nous avons un système éducatif qui fabrique des diplômés sans expertise. On parle aujourd’hui de système LMD, (Licence, Master, Doctorat) pour faire joli et pour obéir à la Convention de Bologne imposée par les fameux bailleurs de fonds ; mais avec quel débouché sur le monde du travail ?

8/ les jeunes diplômés jusqu’à l’âge de 45 ans n’ont pas encore accès à un premier emploi et réduits à gérer les détails de produits des sociétés multinationales telles que Orange, MTN etc. Les autres sont tentés de prendre le risque de la traversée périlleuse des mers méditerranéennes.

9/ les médias n’ont pour seuls programmes que les divertissements qui ne restent qu’au bas de ceinture. Les fameux télé-novelas qui contribuent à enfermer l’esprit des femmes et des jeunes filles dans des rêveries ; des émissions qui n’exploitent que les émotions et les rêveries de la jeunesse. Tout ce qui était considéré dans nos sociétés traditionnelles comme motif de honte est désormais reconnu comme motif de fierté. Dans certaines émissions promotrices de vices, on est même heureux de « faire des confessions publique» sous l’applaudissement de tous. 90% des programmes sont fait de danses. Il y a plus de chaînes de TV dédiée à la danse et aux commérages car cela attire les annonceurs. On tourne en rond sans se projeter dans l’avenir.

10/ L’utilisation de la jeunesse dans les campagnes politiques avec les promesses fallacieuses ; ces jeunes sont oubliés dès que les campagnes électorales finissent. Comment peut-on chômer dans les pays où tout est à bâtir et à construire ? Ceux qui portent des projets novateurs sont regardés avec condescendance par les tenants du pouvoir. En effet que peuvent attendre les nouveaux riches des inventeurs africains si, même leurs baguettes de pain quotidien ainsi que leurs bouteilles d’eau arrivent tous les jours par DHL de Paris ou de Londres ?

11/ Ne sachant pas à qui s’en remettre, les populations abandonnées à leur sort, finissent par suivre toutes sortes de gourous, de voyants, de prophètes, de pasteurs, de guérisseurs, de diseurs d’avenir etc. pour trouver des solutions miraculeuses aux problèmes qu’une bonne politique aurait pu résoudre ou tout simplement éviter en amont.

Conclusion

Si nous arrivions à trouver le chemin idoine pour nous orienter et nous gouverner, nous ne serions pas réduits à accuser l’Église catholique qui, d’ailleurs, joue un rôle subsidiaire en nous construisant des écoles, des hôpitaux, des centres sociaux, des centres d’encadrements etc. en faveur des populations abandonnées par les systèmes de gouvernance sous les tropiques.

Il serait bon pour les nouveaux défenseurs de l’Afrique de chercher encore et encore les causes de notre retard sans remède par un effort de raisonnement plus approfondi. Les religions dites importées qu’ils montrent du doigt, ne vont pas quitter le continent, tout comme le soleil continuera de se lever tous les jours à l’Est et poursuivra sa course vers l’Ouest, au bénéfice de ceux qui savent lire les signes des temps.

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Ernest Kouacou

Prêtre diocésain engagé dans la pastorale des moyens de communications sociales.

Cette publication a un commentaire

  1. Grégoire DIMEKOI

    Merci beaucoup mon père
    Bien clair

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