Chrétiens et inflation des objets de piété

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On remarque, de plus en plus, une accumulation des sacramentaux dans la vie des fidèles chrétiens. Les commerçants en profitent pour leur proposer des objets de piété, catholiques et non. L’ignorance sur la nature et le rôle des objets de piété en la cause fondamentale. Le premier moyen à mettre en place pour endiguer ce mal est l’éducation de tous les acteurs de ce secteur.

Dans un passé encore proche, on pouvait limiter le nombre des objets de piété à une dizaine ou quinzaine. On pouvait acheter un chapelet, une statue religieuse, un livret de prière, l’huile d’olive, une croix, une médaille et l’encens, parmi les plus populaires. Force est de remarquer aujourd’hui l’inflation anarchique des sacramentaux, allant des traditionnels au plus aux nouveautés.


J’ai été surpris d’entendre parler du « parfum de saint Michel » et de l’« encens de la Vierge Marie ». J’ai même rencontre chez des marchands « l’huile de l’hysope » pour, dit-on, le pardon des péchés et la restauration financière. Il y a des objets de piété pour tous les goûts. J’ai pu constater qu’un fidèle chrétien dispose dans sa maison de tous les types de chapelets, accrochés au mur, des centaines de statues et d’images des saints et saintes. C’est un véritable panthéon de sacramentaux.

Cet attrait aux sacramentaux, au détriment des sacrements chez les fidèles, nous donne à réfléchir. Cette propension à inventer les signes sacrés, chez les vendeurs, nous préoccupe. Au fond, il s’agit d’un esprit mercantile qui profite de l’ignorance des fidèles pour prospérer. D’où l’urgence de la protection des fidèles chrétiens. Mais alors, comment y parvenir ? Il nous semble nécessaire de commencer par leur faire connaître les sacramentaux et leur action sur nous.

Sacramentaux : Définition, finalité et efficacité

L’accroissement des objets de piété est fonction d’abord d’une grande ignorance, au niveau des fidèles, de leur place dans la structure de notre foi. Ensuite on peut déplorer une influence superstitieuse des milieux du culte traditionnel, qui multiples les signes et représentations sacrées. Enfin, il faut y voir les déviations de la croissance de la piété populaire, qui pense que ces objets sont indispensables pour leur vie chrétienne. Les causes ainsi identifiées permettent de mieux résoudre le problème. Il s’agit de les former à l’usage de ces objets de piété. Alors, que sont les sacramentaux et quel est leur mode d’action dans notre vie de foi ?

Selon le catéchisme officiel de l’Église, « les sacramentaux sont des signes sacrés institués par l’Église dont le but est de préparer les hommes à recevoir le fruit des sacrements et de sanctifier les différentes circonstances de la vie ». (CEC 1677). Au risque de tomber dans la répétition, le but essentiel des sacramentaux est de préparer les chrétiens ou les catéchumènes à recevoir le fruit des sacrements et sanctifier les différentes circonstances de la vie chrétienne. Par les sacramentaux, les fidèles chrétiens expriment leur piété ou fidélité à Dieu dans le quotidien de leur vie.

Il me semble qu’il faut insister encore plus sur l’efficacité des sacramentaux pour les fidèles, surtout quand c’est à eux de faire usage du sacramental. Cette efficacité découle de la force d’intercession de l’Église et de la conversion du cœur des bénéficiaires. La bénédiction d’une personne dépend à la fois de la prière de l’Église et des dispositions de celui qui demandent cette bénédiction. Par exemple, l’eau bénite ne dépend que de la prière de l’Église, mais son utilisation dépend des dispositions du sujet. Ainsi en va-t-il de tous les sacramentaux à l’usage des fidèles.

Ceci montre clairement que la bénédiction n’a rien d’automatique. Il est nécessaire de bien le mettre en lumière afin d’éviter toute attitude superstitieuse dans l’usage des sacramentaux. Ainsi donc, des objets sacrés, des chapelets, des images saintes, de l’huile, de l’eau bénite, ou des rites et des bénédictions qui caractérisent les sacramentaux ne découlent donc d’aucune force magique. Par exemple, si un prêtre vient bénir une maison et que ceux qui l’habitent ne vivent pas en sainteté et mènent une vie de grande infidélité à Dieu, il est de toute évidence qu’ils ne jouiront pas des grâces attachées à la bénédiction de leur domicile. Les sacramentaux ne sont pas magiques et n’agissent pas ipso facto. La vie de foi est une condition sine qua non pour bénéficier de leur effet.

Moyens de protection des fidèles

Pour parvenir à réguler le phénomène lié à l’usage abusif des sacramentaux, il est indispensable d’instruire convenablement les fidèles afin que ceux-ci aient une bonne compréhension de la doctrine de l’Église en général, du rôle des sacramentaux ainsi que les effets attendus liés à leur usage en particulier. Cela pourrait être fait lors des séances de catéchèse pour les catéchumènes, des formations post catéchétiques notamment à travers des forums comme celui du groupe « un prêtre vous répond » qui a une large audience ou à travers des formations ciblées comme « la formation permanente des laïcs » qui offrent des perspectives de renforcement de la connaissance chrétienne des fidèles. Les prêtres pourront aussi, dans leur pastorale, former les vendeurs d’objets de piété afin que ceux-ci n’abusent pas de la crédulité de certains fidèles. Bien souvent, ils sont entièrement ignorants de l’enseignement de l’Église au sujet des sacramentaux. Il s’agira essentiellement de mettre l’accent sur l’éducation continuelle à la fois des acheteurs et des vendeurs.

Pourquoi protéger les fidèles ?

Il faut protéger les fidèles d’une erreur fondamentale qui consiste à réduire la vie chrétienne à l’usage des sacramentaux. On est surpris de voir combien les fidèles sont préoccupés de faire bénir quantité d’eau et de sel, combien ils peuvent avoir toutes les formes de médailles suspendues à leur cou et le peu d’engouement pour la fréquentation des sacrements. Il y a là un danger d’une foi qui se réduise à l’acquisition des objets. Et cette tendance se répand de plus en plus.

Derrière cette tendance, se trouve le problème de la résurgence d’une mentalité fétichiste qu’il faut corriger immédiatement. La foi chrétienne se vit au mieux dans l’écoute et la pratique de la Parole de Dieu, dans une vie d’amour et de communion fraternelle et dans la fréquentation des sacrements. Sans ces principes, l’usage des sacramentaux est inutile. En conséquence, il faut bien expliquer aux fidèles qu’on peut très bien se passer des objets de piété et avoir une vie chrétienne très épanouie. Mais on ne peut se passer de l’obéissance à Dieu telle que l’Église nous l’enseigne et ignorer les sacrements, en pensant que les sacramentaux peut valablement les remplacer.

En dernier ressort, il convient de dépolluer l’esprit des chrétiens sur leur rapport à Dieu et aux saints. Ledit « parfum de saint Michel » n’a aucune force pour attirer saint Michel, même si le prêtre le bénissait. Ce n’est pas le parfum qui attire, mais l’invocation du saint par le fidèle. De la même manière, l’huile de saint Charbel n’a aucun pouvoir en lui-même si celui qui s’en sert ne vit pas dans la foi. Il n’y a pas d’encens de « Marie qui défait les nœuds », pas plus qu’il n’y a pas d’encens de saint je ne sais quel nom. L’encens s’offre à Dieu. Tous ces noms marqués sur des emballages d’objet de piété ont pour but de susciter l’intérêt et de vendre. Il faut donc expliquer au fidèle le juste nécessaire pour qu’ils se débarrassent du superflu.

L’augmentation incontrôlée des objets de piété et la réduction chez beaucoup de fidèles de la vie chrétienne à l’utilisation des sacramentaux au détriment des sacrements restent pour tout chrétien un lieu de question. C’est souvent lié à l’ignorance des différentes parties. On ne peut vaincre cette tendance si on ne consent pas à une éducation sur la nature et le rôle des sacrements d’une part et sur la formation des fidèles et des marchands, d’autre part. C’est l’un des chemins, difficiles, mais aux fruits bénéfiques, à emprunter. Le bénéfice immédiat est une meilleure relation des fidèles à leur acquisition pour ne pas mettre « qui » à la place de « quo ».

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cette publication a un commentaire

  1. Jocelyne N'dri

    Merci mon père pour cet enseignement. Que Dieu vous bénisse abondamment

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