Peut-on suivre la messe d’un prêtre visiblement pécheur ?

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Il peut arriver, hélas, que le prêtre soit un contre-exemple dans sa communauté. Voici que, pécheur, il est appelé à rendre un service sacré public. Son péché n’invalide-t-il pas l’acte sacré qu’il pose ? Ne constitue-t-il pas un frein à l’action de Dieu, en sorte que, par exemple, quand il dit la messe, rien ne se passe ? Peut-on recevoir le sacrement d’un tel prêtre ? Voilà quelques questions que les chrétiens se posent. D’autres n’hésitent pas à se donner une réponse et à éviter de participer aux célébrations liturgiques des mis en cause. Ils préfèrent aller ailleurs ou rester chez eux. Dans cet article, il sera question d’expliquer au lecteur le comportement qu’il doit avoir dans de pareilles situations. Ceci passe nécessairement par une explication. Je ferai volontiers recours à l’histoire de l’Église.

Le donatisme

Le donatisme est une hérésie qui s’est soldée en schisme dans l’Église au début du 4e siècle. Une hérésie est une « négation obstinée, après la réception du baptême, d’une vérité qui doit être crue de foi divine et catholique, ou le doute obstiné sur cette vérité ». En quoi le donatisme est-il une hérésie ? C’est une hérésie parce que les partisans de Donat s’obstinaient contre une position de l’Église,. Que rejetaient-ils ? L’histoire nous le dira.

Une double ordination épiscopale pour un même siège est l’évènement déclencheur du donatisme. Mensurius était évêque de Carthage. On le taxait de « traditor », du groupe des évêques perçus comme ayant vendu la foi catholique. Cet évêque a ordonné prêtre l’abbé Cécilien. Puisqu’il était considéré comme apostat, on ne reconnut pas Cécilien comme un vrai prêtre. En clair, un évêque apostat n’a pas la grâce de célébrer un sacrement valide. Du coup, Cécilien est un faux prêtre. Or, à la mort de Mensirius, évêque de Carthage, en 311-312, le prêtre Cécilien fut nommé évêque pour lui succéder. Celui-ci n’a pas attendu qu’arrivent les évêques de Numidie pour se faire consacrer évêque. Il se fait que, parmi les évêques qui l’ont consacré, se trouvait Félix d’Aptonge, qu’on accusait, lui aussi, de renier la foi catholique.

Du coup, les soixante-dix évêques, qui devraient arriver de Numidie pour la consécration de Cécilien, ont déclaré que son ordination épiscopale n’était pas valide, donc qu’il n’était pas évêque, car un pécheur l’a consacré. Sous la direction de Donat, ces soixante-dix évêques ont consacré contre Cécilien un autre évêque concurrent du nom de Majorinus. Un concile a été rapidement organisé en 313 qui condamnait Donat et les autres évêques dissidents. Mais ils ont persisté dans leur obstination, refusant de reconnaître l’ordination épiscopale de Cécilien, du fait qu’il a été ordonné par un évêque qui a failli au niveau de sa foi. Il y eut un second concile au Latran qui a confirmé la validité de l’ordination de Cécilien. Voici la raison qui fut donnée : si c’est le Christ qui agit à travers les sacrements et non le prêtre, alors tout sacrement est valide quelle que soit la vie de celui qui l’administre. Donat et son groupe, appelés désormais « donastistes », ne l’entendent pas de cette oreille et font appel à l’empereur Constantin qui s’engagea à fond dans la résolution de cette crise. Au bout d’un autre concile à Arles, on accusait les donastistes. Mais alors, quel est le problème central que touche la crise donatiste ? C’est que nous allons voir.

Le mode d’action des sacrements

Donat et les siens conditionnent la validité du sacrement à la sainteté du célébrant. S’il est un pécheur, le sacrement est invalide. Par exemple, si un prêtre commet un péché et, malgré cela, fait un baptême, cela signifie, pour les donatistes, que le baptême est invalide. Si un évêque a commis un péché et donne la confirmation à des fidèles, cette confirmation est nulle, ils n’ont pas reçu l’Esprit Saint, du moins, selon le point de vue des donatistes. De cette manière, on allait vers une Église sélective, faite de purs. On oublie alors que l’Église est une communauté mystique pure mais remplie de pécheurs. Et qui peut prétendre être sans péché dans l’administration et dans la réception des sacrements ? La position donatiste risquait d’ébranler tout ce qui concerne le culte en général, l’administration des sacrements en particulier.

Cette remarque a poussé l’Église à affirmer que la validité du sacrement n’a rien à voir avec la sainteté du célébrant. La raison est simple et elle vient de saint Augustin : à travers le sacrement, ce n’est pas le ministre qui agit, c’est le Christ lui-même qui agit. L’état de grâce ou non du ministre du sacrement ne saurait être un handicap au Christ pour qu’il agisse à travers les sacrements dans son Église. Les sacrements, lorsqu’ils sont célébrés par un ministre validement ordonné, sont valides et accordent la grâce sanctifiante attachée à leur célébration par le fait même de leur validité. Il a fallu un saint Augustin pour aider à résoudre cette crise.

Pour répondre à la question

Ce retour dans l’histoire nous montre que ces questions, auxquelles nous sommes confrontées aujourd’hui, se sont posées aussi aux premiers chrétiens. L’Église a un enseignement qui apaise tous les esprits. On peut bien participer à la messe d’un prêtre pécheur, se confesser chez lui, faire baptiser ses enfants auprès de lui. En effet, ce n’est pas lui qui dit la messe, mais le Christ. Ce n’est pas lui qui baptise, mais le Christ ; ce n’est pas lui qui confesse, mais le Christ. À travers les sacrements, c’est le Christ qui agit en sorte que le ministre n’est qu’un instrument dont il se sert pour continuer son œuvre de salut dans la vie des hommes. La vie du ministre n’influence en rien l’efficacité de la grâce. Autrement, personne ne recevra jamais la grâce divine, puisque tous les hommes sont pécheurs.

Ce qui importe, c’est de prier instamment le Seigneur pour qu’il donne à son Église beaucoup de saints prêtres. Ce n’est pas parce que la sainteté ou l’impiété du prêtre n’a rien à voir avec l’efficacité du sacrement qu’il faut se complaire dans la vie d’infidélité. C’est notre rôle à nous chrétiens de prier pour eux, de les soutenir et de leur donner de bons conseils.

Cet article nous a permis de nous replonger dans l’histoire de l’Eglise pour nous instruire, à partir de la gestion de la crise donatiste, sur l’attitude juste qu’il convient d’avoir vis-à-vis des sacrements célébrés par les ministres pécheurs. Les sacrements ne sont ni invalides, ni souillés, car c’est le Christ qui agit en eux. On peut donc les recevoir d’eux dans la confiance en priant pour eux et en les soutenant sur le chemin de la sainteté.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 11 commentaires

  1. Lamien

    Très bon enseignement celà nous permettra d éviter beaucoup d erreurs

  2. KABORE Jean

    Refuser d’assister à la messe d’un prêtre sous prétexte [qu’il est pêcheurs], c’est le juger. Le Maître nous demande de ne pas juger. Si le Christ l’a voulu ainsi, qui suis-je pour aller à son encontre ?

    1. KETOGLO Antoine

      Lorsque nous refusons et croyons invalide un sacrement administré par un prêtre “pécheur” , c’est comme nous disons qu’il n’est plus prêtre…
      Or il est écrit : “Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du roi Melkisedek
      Le prêtre agit toujours in persona Christi.

  3. Hounsou

    Merci beaucoup cher Père pour cet article très intéressant qui nous permettra de ne plus juger un prêtre jusqu’à détester la messe qu’il célèbre mais de beaucoup prier pour lui car ce n’est pas lui qui dit la messe mais c’est le Christ. Soyez bénis et union de prières.

  4. OUSSOU-KICHO Jacques

    Lorsqu’on juge son frère de pêcheur, par quel terme s’apprécie -t -on soi-même ?
    Merci Père pour cet article

  5. COMLAN Sèlomè Elvie

    Merci beaucoup cher Père pour cet article. C’est très intéressant et enseignant. Dieu vous bénisse abondamment

  6. Yanick AKOHA

    Merci Père pour l’article. Très édifiant. Dieu vous bénisse.

  7. Ida Pascaline AHOKPE

    Ne jugez point afin de ne pas être vous aussi jugés. Merci mon père pour le texte. Merci à Dieu pour tes merveilles .

  8. KAKPETE DASSI Fabrice

    Moi j’ai une question après lecture. Mensiruis est apostat RT pourquoi l’ordination de cecilien doit être validé ???

  9. Rosaline

    C’est claire
    Que Dieu veille sur nous

  10. Hortense Gninakpo

    Je suis très heureuse d’avoir intégré ce groupe. C’est maintenant que je suis entrain de comprendre que mon église catholique est la meilleure. je ne trouve pas de mots pour exprimer ma satisfaction. Nous ne devons pas juger les prêtres car ils sont des hommes de Dieu et non Dieu. Merci beaucoup pour vos enseignements

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