Peut-on vivre sa foi en étant séparé de l’Église ?

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J’ai posé cette question parce que je remarque de plus en plus une privatisation de la foi. Le confinement sanitaire a généré chez beaucoup de fidèles catholiques un confinement spirituel au point où certains ont commencé par rompre les ponts avec la fréquentation de l’Église. À côté de ce mouvement, s’observe chez nombre de chrétiens une conception réductionnelle de l’Église. Dans les réponses, certains ont répondu affirmativement. Pour eux, on peut vivre sa foi chrétienne en étant séparé de l’Église. D’autres ont répondu négativement : ceux-ci n’envisagent pas qu’on puisse vivre sa foi chrétienne dans la séparation d’avec l’Église. La troisième catégorie joue à l’équilibre, avançant les raisons pour ou contre.
Trois questions sont sous-jacentes à cette interrogation, qu’il importe de clarifier. D’abord, qu’entendons-nous par Église ? Ensuite, quand nous parlons de séparation, quelle est la nature de la séparation ? Enfin que puis-je appeler ma foi chrétienne ? Ma réponse viendra au bout de ces recherches.

Qu’est-ce que l’Église ?

L’Église a un double sens. L’Église, c’est avant toute la communauté de personnes ayant reçu le baptême ou en processus de le recevoir et qui accepte de vivre en enfants de Dieu. Ainsi perçue, l’Église s’écrit avec « E » majuscule et rassemble la grande famille des enfants de Dieu. Chaque baptisé est membre de cette famille qui le nourrit par la Parole de Dieu et les sacrements. Cette famille est à la foi visible et invisible, mystique et spirituelle, humaine et divine. Elle est le peuple de Dieu, le corps du Christ et le temple de l’Esprit. Une question se pose, si l’Église pourvoit à la croissance de ses enfants, peut-on vraiment grandir en tant qu’enfant de Dieu en se coupant de l’Église ?
 
Le second sens de l’église, qui est intrinsèquement lié au premier est le bâtiment érigé en un lieu. On l’écrit avec « e » minuscule. Ce bâtiment porte le nom d’église parce que la communauté « Église » s’y retrouve. Le bâtiment est donc le lieu de rassemblement de l’Église, famille de Dieu.
 
Dans beaucoup de réponses, j’ai constaté que plusieurs personnes limitent l’Église au bâtiment, à la paroisse, aux groupes. Et pourtant, l’Église est largement plus profonde que cela. L’Église est une réalité mystique à travers laquelle le Seigneur entretient la vie de ses enfants. Cette Église rassemble les fidèles officiellement enregistrés comme aussi ceux qui ne sont pas dans la famille visiblement mais qui vivent selon les lois de Dieu. Ils sont apparemment hors de l’Église mais dans le fond ils y sont. Quant à nous baptisés, nous vivons et grandissons dans notre vie spirituelle par les soins de l’Église. Retenons donc que l’Église est une famille par laquelle le Seigneur continue de prendre soin de ses enfants grâce au partage de la parole, à la célébration des sacrements et à la vie de témoignage.

Quelle est la nature de la séparation ?

Se séparer de l’Église ne signifie pas ne pas aller à la messe ou ne pas participer aux activités de l’Église. Il ne s’agit pas là d’une séparation mais d’un désengagement. Cette attitude relève d’un défaut de formation.
 
Être séparé de l’Église, c’est refuser de reconnaître l’Église comme capable de pourvoir à notre bien spirituel, c’est lui tourner le dos et rejeter son enseignement. Le mot technique pour parler de séparation de l’Eglise est « apostasie », une attitude qui consiste à rejeter la foi telle que l’Église la professe. Se séparer, c’est renier sa famille, marquer son désaccord avec elle et lui claquer la porte au nez. Se séparer, c’est à peu de chose près, devenir ennemi de sa famille. Alors, peut-on vraiment continuer à porter le nom de chrétien catholique si l’on rejette la famille chrétienne catholique ? Peut-on dire que l’on a la foi chrétienne catholique si l’on rejette la religion catholique ?

La foi chrétienne

Il y a aussi une méprise que je voudrais corriger à propos de ce que nous appelons notre foi. C’est vrai que la foi est un don. Tout le monde n’a pas la même foi. Les uns croient plus que les autres. Cela rappelle l’évangile du grain qui est tombé dans les différents sols et qui a connu des sorts différents. Oui on peut parler d’une foi personnelle. Mais la foi personnelle n’est jamais une foi privée, comme si on avait la possibilité de croire à ceci et de refuser cela. Notre foi personnelle est en réalité la foi de l’Église ou mieux c’est la foi de l’Église que nous devons laisser transparaître dans nos comportements quotidiens.
 
La raison est que nous ne sommes jamais baptisés sur la base d’un contenu de foi personnelle, mais sur le contenu de la foi de l’Église. Le prêtre dit en effet après la profession de la foi et avant le baptême : « Telle est notre foi, telle est la foi de l’Église que nous sommes fiers de proclamer dans le Christ Jésus notre Seigneur ». Notre foi personnelle doit donc se rapprocher autant que possible de la foi de l’Église, sans que nous ne retranchions rien et n’ajoutions rien.
 
S’il en est ainsi, peut-on dire que l’on a une foi personnelle comme un jardin privé ?

Alors, peut-on vivre sa foi chrétienne en étant séparé de l’Église ?

En considération de ce qui précède, la réponse est négative. On ne peut pas vivre sa foi en rejetant l’Église. Car la foi dont il est question est celle de l’Église. Hors de l’Église, la foi n’est plus celle de l’Église, mais une foi sur mesure, pour soi-même, selon ses propres opinions. On ne saurait vivre de la foi, telle que l’Église la professe, en marquant un désaccord avec elle. Pour le baptisé que nous, il n’y a pas de foi qui soit vivante et expressive si elle sort du corps du Christ.
 
Je voudrais qu’ensemble nous découvrions le danger d’une foi par choix personnel et privé : Je partage tel point de vue de l’Église, je ne suis pas d’accord avec tel autre : la question des contraceptifs par exemple. Quand dans la foi, l’Église nous dit que la pratique est contre la foi, tous les chrétiens doivent tenir cette décision comme s’imposant à eux tous, sans qu’il n’y ait personne qui dise : « moi, je ne suis pas d’accord ». Quand l’Église dit « Marie est au ciel avec son corps et son âme », tous les catholiques doivent l’accepter sans que personne ne dise : « cela n’est pas biblique ». C’est la foi de l’Église et elle est experte dans l’interprétation de la Bible pour nous.
 
Les groupes qui professent la foi chrétienne doivent préciser le contenu de leur foi et chaque chrétien doit être critique pour voir si le contenu de leur foi est exactement le même que le nôtre. Si c’était le même, ils ne se seraient pas séparés. Du coup, un chrétien catholique, au nom de la privation de sa foi, ne peut participer à la vie d’une autre communauté car il ne s’agit pas de la même chose. Ce n’est pas parce qu’on parle Parole de Dieu que tout ce qu’on dit est juste. On peut bien se servir de la Parole de Dieu pour faire du commerce et faire dire à cette Parole le contraire de ce qu’elle dit. Le commerçants sont aussi plus que nombreux.
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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens