Peut-on être chrétien sans la Bible ?

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À la naissance de l’Église, n’existait pas la Bible, mais l’enseignement des Apôtres. Ils interprétaient les écrits de l’Ancien Testament à la lumière du mystère pascal du Christ. C’est l’enseignement des Apôtres qui forme, en l’homme, l’identité chrétienne. La Bible est nécessaire, mais il est indispensable d’en recevoir l’interprétation de l’Eglise. À défaut, elle peut ne plus servir. On peut bien avoir la Bible sans être chrétien. L’Eglise, tout en s’éclairant de la Parole de Dieu, est l’unique interprète avisée de la Bible. C’est en écoutant l’enseignement de l’Eglise qu’on devient chrétien. Et c’est à cette condition que la Bible peut servir à former l’identité chrétienne en nous.

Nul ne peut imaginer un véritable chrétien qui ne connaisse pas la Bible. Il faut faire un tour sur les réseaux sociaux, surtout quand il s’agit des débats entre chrétiens catholiques et les autres mouvements chrétiens issus de la Reforme protestante pour se rendre à l’évidence que n’est chrétien que le biblique. C’est ainsi qu’on peut voir les évangélico-protestants reprocher aux catholiques d’avoir des pratiques qui non fondées sur la Bible. La conséquence pour eux est que les chrétiens « catholiques » n’ont rien de « chrétien » car leurs pratiques ne viennent pas de la Bible. On est donc en droit de se poser finalement cette question : peut-on être chrétiens sans la Bible ? Autrement dit, la Bible est-elle l’élément unique qui détermine la vie chrétienne ? Nous allons répondre à cette interrogation courageusement pour éclairer les chrétiens qui commencent à s’en préoccuper. Il est cependant hors de tout propos d’attendre que nous évacuons la Bible de la vie du chrétien. Notre objectif est de la situer dans la structure de sa formation chrétienne en recueillant les leçons de l’histoire.

L’histoire de la Bible

Nous ne voudrions pas aborder systématiquement l’histoire de la formation et de la fixation des livres de la Bible. Nous voulons plutôt découvrir la place de la Bible dans la vie des chrétiens jusqu’à l’avènement de l’imprimerie et même au-delà. Jésus, au cours de son ministère public, a formé une communauté autour de lui, que nous identifions dans les douze apôtres. À ceux-ci, il confie la mission d’enseigner toutes les nations en leur faisant connaître tout ce qu’il leur a enseigné. Le jour de la Pentecôte, Pierre et les autres apôtres vont commencer à mettre en pratique cet ordre du Christ : ils enseignent ce qui concerne Jésus de Nazareth. Une communauté se forme autour d’eux : la première communauté chrétienne de Jérusalem.

Le livre des Actes des Apôtres nous fera connaître la vie de cette première communauté en quatre points essentiels. La communauté de ceux qui avaient adhéré à la foi « étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et à la prière » (Ac 2, 42). Les premiers chrétiens n’avaient pas une Bible à lire. Cela peut paraître exagérer de le dire. Mais il s’agit là d’une vérité historique. Tout au plus, ils lisaient les livres de l’Ancien Testament que les Apôtres prenaient le soins de leur expliquer à partir de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus. Pour autant, sans posséder la Bible, n’étaient-ils pas chrétiens ? Il ne viendrait à l’esprit de personne de leur dénier l’identité chrétienne. Le chrétien n’est pas tant celui qui possède la Bible que celui qui écoute l’enseignement des apôtres, vit dans une communauté de frères, est fidèle à l’Eucharistie et à la prière.

L’enseignement des Apôtres est toute la catéchèse qu’ils dispensaient à partir du message reçu du Christ lui-même. La première communauté chrétienne et les communautés qui ont succédé n’ont jamais connu la Bible jusqu’au 4e siècle commençant. Et pourtant, ils étaient des chrétiens, pleinement. On peut pousser plus loin le constat historique, au sujet précisément de l’ancrage de la Bible dans la vie des chrétiens avant la réforme protestante et même après. La raison est toute simple : la Bible n’était pas connue, malgré son existence.

En effet, la Bible était connue des monastères et des écoles théologiques. La grande masse des chrétiens, les 99% ne connaissaient pas la Bible. Jusqu’aux 16e siècle, la Bible était largement inconnue. Les chrétiens vivaient toujours dans le même style des premières communautés chrétiennes : ils vivent de l’enseignement des successeurs des Apôtres, eux-mêmes l’ayant reçu de leurs prédécesseurs. L’enseignement du Christ transmis par les Apôtres a été conservé de génération en génération en sorte que pendant seize siècles, les chrétiens vivaient de cet enseignement. Nous prévenons une question qui sera posée : pourquoi la Bible existe-t-elle alors depuis le 4ème siècle et pourquoi les autorités de l’Église l’ont-ils cachée aux fidèles ? La réponse est simple à donner pour ceux qui se laissent instruire par l’histoire.

Jusqu’au 15e siècle commençant, l’imprimerie n’existait pas encore. Les écrits étaient copiés sur des parchemins. La copie de la Bible n’a pas dérogé à cette règle. On peut se poser une question toute simple : combien de Bibles devrait-on copier pour que les milliers de fidèles les possèdent dans leur maison. Il sera humainement utopique de s’engager dans une telle œuvre. Les progrès techniques ne l’autorisaient pas. Il faut attendre l’avènement de l’imprimerie pour voir l’édition des premières bibles.

Bible et invention de l'imprimerie

L’imprimerie est arrivée au 15e siècle (1454) par Johannes Gutenberg, son inventeur. On avait alors la possibilité de passer sous presse les écrits. Le premier livre imprimé sera la Bible, la Vulgate, en 1456, soit deux après l’invention de l’imprimerie. Cette bible sera imprimée en deux tomes, à 150 exemplaires. C’était une révolution technique qui servira dans une moindre mesure à la grande partie des chrétiens. L’analphabétisme sera un grand frein. Bien que le désir soit immense de diffuser la Bible, l’instruction était réservée à une catégorie de personnes, les plus chanceux de la vie.

Il est aujourd’hui facile de lire et d’écrire. Dans un passé encore récent, dans la majeure partie des pays du monde, à moins deux cent ans de notre génération, plus de 95% des hommes ne savaient ni lire ni écrire, comme on le voit chez nous en Afrique où jusqu’à aujourd’hui, plus de 50% de la population ne sait ni lire ni écrire. Que sert-il de donner des Bibles à des personnes qui ne l’ouvriront jamais, non pas par leur faute, mais simplement parce que n’étant pas formées à cela ? Nonobstant cette situation, peut-on dire que ces centaines de générations, qui ont reçu le baptême et suivi le Christ, n’étaient pas chrétiennes parce que ne possédant pas la Bible ? La réponse est simple à donner : Non. Ils sont chrétiens même s’ils ne possédaient pas la Bible. S’ils le sont sans la Bible, qu’est-ce qui leur a imprimé un tel caractère ?

Il faut reconnaître que la grande diffusion de la Bible est venue du côté protestant. À chacun sa Bible, pourrait-on dire, avec cette consigne : votre seul guide est l’Esprit-Saint, non pas le pape et l’autorité de l’Église. Les chrétiens n’ont reçu comme seul guide pour la compréhension de la Bible que le Saint-Esprit. Chacun pouvait compter sur l’Esprit-Saint pour faire dire à la Bible ce qu’il veut. On a vite fait d’oublier que c’est aux disciples (les douze) que Jésus a promis l’Esprit qui leur fera se souvenir de ses paroles ; c’est sur eux qu’il a soufflé son Esprit en ouvrant leur esprit à l’intelligence des Ecritures ; c’est à eux qu’il ordonna d’enseigner et de faire connaître aux nations tout ce qu’il leur a enseigné. C’est eux qui ont reçu la charge propre d’enseigner la Parole de Dieu. Il suffit de considérer l’exemple de l’énuque éthiopien qui ne comprenait rien à ce qu’il lisait de la Parole. Il a fallu l’apôtre Philippe pour l’aider à comprendre le sens des Ecritures.

Cet oubli du ministère propre des Apôtres, comme interprètes avisés de la Parole de Dieu, a créé, du côté protestant, le dérapage. On n’est donc pas étonné de voir les lieux de culte poussés comme des champignons. Chacun se croit suffisamment investi de l’Esprit pour expliquer la Parole. Ce qui garde l’Église catholique stable, solidement enracinée et inébranlable, est ce que nous désignons sous le nom de Tradition, que le Magistère interprète et communique pour chaque génération de chrétiens.

Bible, Tradition et Magistère

Il faut faire justice à deux instances de la foi chrétienne sans laquelle il n’y aurait certainement pas de chrétiens dans le monde aujourd’hui. Il s’agit de la Tradition de l’Église et de son Magistère. La tradition est l’ensemble du patrimoine des pratiques, des us et coutumes transmis de génération en génération au sein d’une communauté. Au sens proprement ecclésial, la Tradition est plus qu’une transmission de type intellectuel. C’est l’ensemble de tout ce que, sur la base des enseignements du Christ et de l’assistance de l’Esprit, les apôtres ont légué comme héritage à leurs successeurs et à toute la communauté des chrétiens. Cette Tradition est gardée comme un dépôt de la foi, de sorte que dans l’Église, Ecriture et Tradition sont les deux ailes de la seule Parole de Dieu. On ne peut dire Parole de Dieu dans l’Église sans conjuguer à la fois Ecriture et Tradition. Il n’y a pas d’Ecriture sans Tradition comme il n’y a pas de Tradition qui ne s’enracine dans la Parole du Christ. Pour le chrétien, la Parole de Dieu ne se limite pas seulement à la Bible. Elle est constituée de tout l’enseignement des Apôtres.

L’Église est l’interprète de la Parole authentique de Dieu, telle que nous venons de le voir. Cette fonction enseignante de l’Église est exercée par les successeurs des apôtres qui sont les papes et les évêques. Le pape, en communion avec les évêques, puise dans la Parole de Dieu (Ecriture et Tradition) l’enseignement qu’il faut pour éclairer les fidèles dans leur vie de foi. On peut le dire d’ailleurs, avant que le texte biblique soit disponible, ce Magistère était en exercice. Nous en avons un écho dans les Actes de Apôtres (Ac 15). Face au problème de la circoncision, les apôtres, avec quelques anciens, se réunissent sous l’inspiration de l’Esprit Saint pour tirer cette affaire au clair. Il s’agit là de l’exercice du Magistère qui enseigne sur la conduite à tenir.

Entre la Bible et l’Église, à qui obéir ?

Le chemin parcouru jusqu’ici permet de donner une réponse. Il faut obéir à l’Église. Ce faisant, on obéit certainement à la Parole de Dieu. C’est l’Église qui, mère et éducatrice, forme en nous de manière juste la vie chrétienne. Car, elle est la seule instance capable de nous faire comprendre avec justesse la Parole de Dieu. La Bible ne devient « Parole de Dieu » que par l’intermédiaire de l’interprétation de l’Eglise. S’il est vrai que chaque fidèle doive avoir sa Bible, il est tout autant vrai que chaque fidèle doit faire effort de connaître le sens que l’Église donne au contenu de la Bible. Ceci a l’avantage de ne pas se fier à son inspiration comme une source suprême et infaillible d’interprétation de la Parole de Dieu. Bien souvent d’ailleurs, on fait plus d’erreurs à interpréter seul la Parole de Dieu. 

Prenons l’exemple du Psaume 82, 2 qui dit ceci : « Dans l’assemblée divine, Dieu préside ; entouré des dieux, il juge ». Le fidèle qui se fie à sa seule inspiration peut conclure que Dieu n’est pas unique, qu’il y en a plusieurs, même s’il reconnaît une suprématie au Dieu d’Israël. Ce seul texte peut être source de déviations pour une personne si elle ne sait pas que « dieux » ne désigne pas les idoles et d’autres dieux. C’est à l’Église de lui faire comprendre cela. On peut multiplier les exemples du genre.  En conséquence, le fidèle chrétien ne suivra mieux sa Bible, sans risque de se tromper, que s’il se soumet à la compréhension qu’à l’Église de cette Bible.

Dans la vie du chrétien, l’Église passe avant la Bible, quand bien même l’Église incite tous les fidèles à mettre la Parole de Dieu au centre de leur vie. Dans l’histoire de l’Église, la Tradition, conservée et transmise par le Magistère de l’Église, a formé les chrétiens au cours des siècles. Si l’on peut le dire, la Bible est le produit de la Tradition, bien que la Tradition s’enracine fortement dans la Bible. S’il est donc nécessaire que chaque fidèle ait sa Bible, il faut défendre avec la même énergie que chaque fidèle doit s’appliquer à comprendre la Bible à la manière dont l’Église la comprend. C’est l’unique moyen de ne pas se tromper et de garder le corps uni.

Les déviations évangélico-protestantes, leur division et leur multiplication proviennent de la négation de l’histoire, du rejet de la vérité qu’avant même que la bible ne vienne au jour au 4ème siècle, l’Église ne vivait que de tradition, qui est l’enseignement constant des Apôtres. Ces mouvements protestants ne cesseront de se diviser à propos de la Bible tant que l’interprétation de la Parole sera unipersonnelle. Comment croire au Christ si tous les jours on se divise à son sujet et si, tous les jours, chacun crée son église ?

Il faut lire par deux fois cette déclaration du Christ à ces disciples lorsqu’il les envoyait en mission pour comprendre le lien intrinsèque qu’il y a entre la Parole du Christ et celle de ses disciples : « Celui qui vous écoute m’écoute ; celui qui vous rejette me rejette ; et celui qui me rejette, rejette celui qui m’a envoyé. » (Lc 10, 16). Ecouter le Christ aujourd’hui se fera par l’écoute de ceux qu’il a choisis et auxquels il a confié une mission. Cette charge qui consiste à parler au nom du Christ est dévolue aux successeurs des disciples que sont aujourd’hui les évêques et, de manière particulière, au pape à qui le Seigneur a confié le pouvoir des clés : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16, 18-19).

La vie chrétienne est bâtie sur la Parole de Dieu telle que les Apôtres la comprennent. Ce sont eux qui enseignaient à partir de ce qu’ils ont gardé de la vie et de l’enseignement de Jésus. C’est dire donc que c’est l’enseignement des successeurs des Apôtres qui forment en nous l’identité chrétienne. Un chrétien ne peut comprendre la Bible tout seul et y trouver une source nourrissante si l’Église ne lui en donne pas la juste interprétation. L’histoire de l’énuque éthiopien qui lisait la Parole de Dieu dans son char en est un exemple digne de considération. De la même manière, l’explication que le Seigneur donne en particulier de ses enseignements à ses disciples est révélatrice de sens. C’est l’Église qui, à la manière du Christ, explique aujourd’hui la Parole. Bien que la Bible soit nécessaire dans la vie du chrétien, elle sera utile si et seulement si le chrétien se tient dans l’obéissance à l’Église. S’il faut choisir entre la Bible et l’Église pour la formation de sa vie chrétienne, il faut sans hésiter choisir l’Église, car elle travaille à faire comprendre cette parole. C’est l’importance de sa mission prophétique.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 9 commentaires

  1. KONDAGA

    Père soyez infiniment béni . Merci d’avoir nous intruit davantage . j’avoue que je suis profondément ému par cet enseignement.

    1. TAMOU

      Merci mon père pour cet enseignement
      Il est temps que nous évitons les pièges de ces faux prophètes.
      Le peuple périt faute de connaissance.
      Une fois encore merci d’avoir affermir ma foi

  2. Tiburce

    Merci Abbé, que l’Esprit Saint vous inspire davantage. Amen
    Malheureusement c’est seulement ceux qui veulent comprendre qui comprendront.

  3. KONE Oscar

    Rien à dire sauf merci pour ces éclaircissements. Je suis à présent convaincu et outillé. C’est l’Eglise qui a autorité sur la Bible et c’est elle qui est la colonne de vérité 1 Timothée 3 15.

    Merci padre.

  4. Sourou ADJABO

    Une richesse incontournable. Merci cher père. C’est bien utile et important votre enseignement.

  5. Fanouko Sidoine

    Vraiment merci beaucoup padre de m’avoir édifié. Je comprends désormais la source de provenance réelle de la Bible.

  6. AHOVISSI Davy

    Merci. Seule la connaissance nous sortira de l’ignorance. Paix et grâce.

  7. Ndouke romaric

    Merci beaucoup padre pour ces eclairages. Je dispose actuelle des bonnes armes pour vivre ma vie de chretien. Je corrobore avec vous . Je reste fidele a l’enseignement de mon eglise catholique.

  8. DÉNONKPON

    Si je comprends bien donc quelque soit l’écrit, sa vraie compréhension nécessite l’apport de l’écrivain. Je dirai bien que les mots ont plusieurs sens de telle sorte qu’on peut les comprendre de différents manière.

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