Les catholiques et les protestants, nous l’avons vu, ont entre eux quelques différences sur lesquelles nous dialoguons sans cesse. Cela n’empêche pas que nous soyons frères, car nous avons le même baptême. Nous avons aussi la même Bible, pour l’essentiel, même si les protestants ont rejeté certains livres comme ne venant pas de Dieu. Nous récitons pratiquement le même « Je crois en Dieu », nous avons le même « Notre Père ». De part et d’autres, le Christ est le centre de notre foi. Nous prêchons le même amour et la même espérance. Les divergences doctrinales ne devraient pas être des critères de division absolue entre nous.
Le vrai problème entre catholiques et protestants, après toute analyse, se trouve dans la définition de l’Église et la place de l’Église dans la vie du croyant. Qu’est-ce que l’Église ? Quelle est son importance dans la vie du baptisé ? Voilà la question fondamentale qui provoque tant de séparations.
Les protestants n’ont pas une grande considération pour l’Église (je parle de catholique). Quand nous parlons de l’Église protestante et de l’Église catholique, nous n’entendons pas la même réalité. La force de l’Église dans la vie du catholique n’est pas la même chez le protestant. Chez ce dernier, l’Église signifie une assemblée, qui n’est pas aussi structurée ou hiérarchique comme on le voit chez le catholique. L’Église n’a pas une autorité décisionnelle dans leur vie. Les décisions des autorités protestantes n’ont pas valeur contraignante pour eux. La seule autorité, c’est la Parole de Dieu. Le seul guide, c’est l’Esprit-Saint. Cet Esprit habite chaque croyant et peut le conduire à la vérité de la Parole de Dieu. On comprend alors la raison des multiples interprétations de la même Parole de Dieu chez les protestants. Chez le lui, chacun interprète la Parole de Dieu comme l’Esprit le lui donne de comprendre et cette interprétation est vraie pour lui.
Au contraire, chez les catholiques, l’Église a un vrai pouvoir, une vraie autorité, qui lui vient du pouvoir et de l’autorité que le Christ a donnés à ses « apôtres » et que ces derniers ont transmis à leurs successeurs jusqu’à nous. Donc, pour les catholiques, les évêques, successeurs des apôtres, détiennent un pouvoir qui leur donne l’autorité d’interpréter la Parole de Dieu pour les fidèles, de les sanctifier à travers les sacrements et de les guider sur le chemin du salut. Cette autorité est concentrée d’une manière particulière dans les mains du pape, successeur de saint Pierre et dans le collège des évêques, quand ceux-ci se réunissent pour exercer le pouvoir reçu des apôtres. C’est pour cela que dans le « Je crois en Dieu », nous affirmons que nous croyons en l’Église « apostolique », c’est-à-dire qui se rattache aux apôtres et est fondée sur eux.
Par rapport à la Parole de Dieu, dans l’Église catholique, chacun ne l’interprète pas comme il l’entend. C’est l’Église qui, grâce à l’assistance de l’Esprit, fait ce travail et l’explique au peuple de Dieu. Comme nous pouvons le voir dans la première communauté chrétienne, le peuple des croyants, bien qu’étant baptisé et ayant reçu le Saint-Esprit, était assidu à l’écoute de la Parole de Dieu et à l’enseignement des apôtres : « Ils (ceux qui sont devenus croyants) étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2, 42). Ce sont eux, les apôtres, qui expliquaient le sens des évènements. On a vu l’apôtre Pierre prendre plusieurs fois la Parole pour expliquer au peuple ceux qui concernait Jésus, à partir des Écritures. Chacun des membres de la première communauté chrétienne (l’Église primitive) n’avait pas son interprétation de la Bible. Cette tradition reste encore jusqu’à aujourd’hui. La juste interprétation de la Parole de Dieu est une tâche qui revient à l’Église.
L’unité de compréhension de la Parole de Dieu sauve l’unité de la communauté. La divergence dans la compréhension facilite l’éclatement de la communauté. On comprend alors pourquoi il y a si tant de mouvements évangéliques à la dénomination alléchante. Chacun crée son groupe et lui donne un nom selon la compréhension qu’il a de la Parole de Dieu. À la naissance donc du mouvement protestant, il y a déjà le principe de division. Chacun a la lumière suffisante pour interpréter la Parole. L’une des questions que j’ai à poser est celle-ci : si chacun peut interpréter la Parole de Dieu comme il l’entend, pourquoi les pasteurs prêchent-ils leur point de vue ? Pourquoi trouvent-ils la nécessité d’expliquer la Parole, puisque l’Esprit assiste tout le monde ? L’autre question se formule ainsi : si chacun peut interpréter la Parole de Dieu, pourquoi certaines personnes, bien que baptisées et ayant reçu le Saint-Esprit, disent ne rien comprendre à la Parole de Dieu ? Ce sont des questions élémentaires que je me pose.
Je crois que, en regroupant autour de lui le groupe des douze apôtres pour les former plus intensément (comme une formation des futurs formateurs), en soufflant sur eux pour leur ouvrir l’esprit à l’intelligence des Écritures, en donnant à saint Pierre de nourrir son peuple et de le guider, Jésus conférait un réel pouvoir distinctif à ses apôtres et à ceux à qui ils ont transmis ce pouvoir. Je crois à l’enseignement des apôtres que les évêques d’aujourd’hui continuent de dispenser au nom du même Christ qui leur donne ce pouvoir. Je crois en la juste interprétation de la Parole de Dieu par l’Église, Corps du Christ que l’Esprit assiste en permanence.
C’est à cette foi que je vous invite, chers amis. Cette foi repose sur le principe de la fidélité de l’Église à l’enseignement du Christ, ainsi que nous le disons dans l’acte de foi : « Mon Dieu, je crois fermement tout ce que la Sainte Église enseigne et ordonne de croire, parce que c’est Toi qui l’as révélé et que tu ne peux ni te tromper ni nous tromper. Amen ». Cette prière est spécifiquement catholique. Vous ne la verrez nulle part ailleurs que chez les catholiques. Cette foi en l’Église, animée par l’Esprit, est l’une des forces de l’unité et de la solidité de l’Église dans l’histoire de ce monde. Qu’il en soit ainsi. Amen.
