Faut-il suivre sa conscience  ?

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Il y a en l’homme une faculté qui lui ordonne de se comporter d’une manière précise. L’homme tombe dans le remords quand il lui désobéit. Dans le cas contraire, il est heureux. Cette faculté s’appelle la conscience.Comment la définir et surtout, comment faire comment pour que cette influence permette l’accomplissement de l’homme selon le dessein de Dieu ?

« La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre  » affirme le concile Vatican II Gaudium et spes, n°16). Lieu d’une relation privilégiée entre Dieu et l’homme, lieu inviolable où se poursuit ainsi la Révélation, la conscience peut être définie comme « un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité mo-rale d’un acte concret qu’[elle] va poser, qu’elle est en train d’exécuter ou qu’elle a accompli  »

Distincte de la conscience « psychologique » par laquelle l’homme peut connaître ce qui l’entoure et se connaître lui-même, la conscience « morale » va bien au-delà du simple ressenti psychologique. Impérieuse, elle commande à l’homme de faire le bien et d’éviter le mal. Sa présence en chacun est indé-pendante des époques, des cultures et des religions. Son caractère universel, partagé même par les non-chrétiens, témoigne qu’il s’agit d’un don de Dieu laissant trace de ses attributs dans l’esprit de cette créature raisonnable qu’est l’homme. À ce titre, cette voix intérieure, lumière qui illumine tout homme (Jn 1,9), n’est antagoniste ni de la liberté ni de la responsabilité, autres dons que Dieu a faits à l’homme.

C’est l’intelligence et la liberté de ce dernier qui peuvent reconnaître en cette voix de la conscience un chemin de bonheur et de sainteté au-delà de la morale réductrice du per-mis-défendu.

Après avoir vu le caractère impérieux de la conscience morale, même lorsque celle-ci est erroné, nous verrons que, pour se prémunir d’éventuelles erreurs, la conscience humaine doit chercher à atteindre la vérité et s’y soumettre tout en orientant l’homme éventuellement fautif vers la miséricorde de Dieu dans une perspective de salut.

Le caractère impérieux de la conscience morale

La conscience, un jugement de la raison

Intervenant à tous les stades d’un acte, la conscience permet une cohérence et une harmonie entre l’agir et l’être de la personne. Avant un acte, elle aide à discerner ce qu’il con-vient de faire ou de ne pas faire. Pendant celui-ci, elle aide à l’orienter convenablement. Enfin, après l’acte, la conscience l’évalue, l’approuvant s’il a été bon et le désapprouvant s’il a été mauvais, laissant alors le remords comme marque de cette désapprobation. La conscience agit donc comme un témoin, un « décret de la raison  » selon les termes de Thomas d’Aquin, qui « atteste, oblige, incite, et encore accuse, donne du remords ou […] reproche  » (Thomas d’AQUIN, Somme théologique, Ia IIa).

Pour entendre et suivre la voix de sa conscience, il faut impérativement pouvoir faire silence au milieu de l’agitation du monde : « fais retour à ta conscience, interroge-la… Retournez, frères à l’intérieur et en tout ce que vous faites, regardez le Témoin, Dieu  » (Thomas d’Aquin, q. 19, a. 5).

La volonté doit toujours suivre la conscience car celle-ci oblige

Les pères conciliaires ont rappelé le caractère impératif de la conscience morale par laquelle « l’homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine ; c’est elle qu’il est tenu de suivre fidèlement en toutes ses activités, pour parvenir à sa fin qui est Dieu  » (Déclaration « Dignitatis humanae  », n°3) et ils ont ail-leurs affirmé qu’obéir à cette conscience morale est constitutif de la dignité de l’homme.

La conscience oblige donc en tant que siège d’une loi extérieure, que l’homme ne s’est pas donné et qui résonne au moment opportun dans l’intimité de son cœur. En écoutant sa conscience droite, l’homme prudent peut donc entendre Dieu lui parler directement et l’inciter à faire le bien : « Aujourd’hui, pourvu que vous obéissiez à sa voix ! Ne durcissez pas votre cœur » (Ps 94 (95), v 7-8) supplie le psalmiste. Ainsi, pour parvenir à sa fin, c’est-à-dire la pleine possession de Dieu dans la vie éternelle, l’homme est tenu de suivre les prescriptions de sa conscience, c’est-à-dire celles que Dieu lui-même lui adresse.

Il faut suivre sa conscience jusqu’au bout

Si le christianisme enseigne d’obéir aux autorités légitimes, il enjoint aussi d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Ainsi, « l’homme ne doit pas être contraint d’agir contre sa concience » (Déclaration « Dignitatis humanae  », n°3). Par une légitime objection de celle-ci, qui peut aller jusqu’au martyre, l’homme peut être amené à refuser de poser des actes qui ne seraient pas en adéquation avec ce que sa conscience lui dicte. De la même manière, l’homme ne doit pas non plus « être empêché […] d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse  » (« Dignitatis humanae  », n°3).

Même erronée, la conscience continue d’obliger

La conscience oblige malgré sa vulnérabilité

Si agir contre sa conscience entraîne toujours une action moralement mauvaise et constitue une faute et ce même quand l’acte peut sembler bon, en revanche, agir selon sa cons-cience n’entraîne pas nécessairement de le faire de façon bonne.

En effet, la conscience, qui est un acte de l’intelligence, n’est pas infaillible. L’acuité et la pertinence de son jugement peuvent en effet être altérées par de nombreuses causes : blessures liées à l’histoire de la personne, à l’influence de son entourage, à ses habitus, au péché présent dans le monde et au péché propre de la personne… Ces facteurs peuvent altérer le jugement de la conscience en indiquant à l’homme une voie fausse, trop permissive ou trop rigoriste. Ainsi, même si la conscience est la norme de l’agir de l’homme, celle-ci, à cause de sa vulnérabilité propre, ne peut cependant constituer la référence ultime en matière de morale.

La conscience oblige même si elle est erronée

« Celui qui agit selon sa conscience, même erronée, à supposer que sa volonté soit droite, obéit lui aussi à la loi de Dieu, puisqu’il agit conformément à ce précepte, le premier de tous et le seul au fond : obéis à ta conscience ».

Cette erreur, qui peut fausser la conscience, ne fait pas perdre la dignité de l’homme et peut même n’emporter aucune faute morale  : par exemple, celle faite en toute « bonne foi  » ou encore celle «  invincible » dont l’auteur ne parvient pas à comprendre les arguments qu’on lui oppose. Toutefois, même si ces erreurs exonèrent, elles restent un mal qu’il faut corriger. En revanche, cette erreur peut être coupable notamment lorsque « l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu la conscience presqu’aveugle  » (GS, n° 16).

Pour éviter les erreurs, la conscience doit chercher la vérité et s’y con-former

« Demande-toi si ta conscience dit le vrai ou le faux, et cherche, sans te lasser, à connaître la vérité  » rappelait Jean-Paul II lors d’une audience générale hebdomadaire (Allocution du 17 août 1983).

L’obligation morale porte ainsi non tant sur l’adhésion à des vérités à croire que sur cette recherche responsable de la vérité, au sein d’une conscience éclairée par la Révélation. Jean-Paul II affirme que si « l’homme est toujours tenu d’écouter et de suivre un ap-pel, même erroné, de sa conscience qui lui paraît évident […] il ne faut toutefois pas en con-clure qu’il peut persévérer impunément dans l’erreur sans chercher à atteindre la véri-té » (Jean-Paul II, Entrez dans l’espérance , Plon/Mame, 1994, p. 280).

Puisqu’elle doit toujours être soumise à la vérité, la conscience ne peut évidemment pas être elle-même à l’origine de cette vérité ! Or, une conscience mal formée, subjec-tive et autonome, risque de décider de ce qui est bon ou mauvais sans référence aucune à une loi naturelle qu’elle méconnaît ou rejette. Au nom de conceptions erronées sur la liberté ou sur l’autorité, l’homme peut en venir à estimer que ni les règles morales ni la conscience ne doivent entraver l’autonomie de sa liberté et peut en arriver à justifier des actes intrinsèquement mau-vais. Cet effondrement moral et cet obscurcissement de la conscience, qui datent de toujours même s’ils semblent s’être renforcés depuis le milieu du 20e siècle, peuvent même s’analyser comme un rejet plus ou moins conscient de Dieu.

Ainsi, pour ne pas être abandonnée à elle-même, il est impératif que la conscience soit formée. Travailler à éduquer sa conscience morale, à la confronter à la loi de Dieu, à la former au beau et au bien, à la corriger de ses erreurs est le devoir de toute une vie ; il répond au commandement du Seigneur : « Examine donc si la lumière qui est en toi n’est pas ténèbres » (Si 15, 14). L’obtention d’une conscience droite, éclairée par la foi et animée par la charité selon l’expression de Bernhard Häring, nécessite la fréquentation de la Parole de Dieu, l’assistance de l’Esprit-Saint, la vertu de prudence, le secours de l’enseignement autorisé de l’Église, maîtresse de vérité, mais aussi des médiations plus hu-maines comme le conseil de personnes avisées.

Afin que la conscience remplisse pleinement son rôle et garantisse la liberté et la paix du cœur, l’Église invite largement tous les hommes, chrétiens ou non, à chercher en-semble la vérité par fidélité à leur conscience. Cette recherche a pour finalité de conformer la conscience et donc les actes qu’elle juge à la vérité mais aussi d’inscrire la loi divine dans la cité terrestre. La conscience est en effet soumise à la loi naturelle, loi morale objective dont les hommes perçoivent aisément les grands principes moraux comme une sorte de tradition morale de l’humanité et que l’on peut retrouver dans le Décalogue, dans les livres sapientiaux… : ne pas tuer, ne pas voler, honorer ses parents, ne pas être adultère…

Dieu est plus grand que les fautes et que le remords

Malheureusement, en raison de la promptitude de l’esprit et de la faiblesse de la chair, nous savons que la volonté de l’homme est souvent défaillante à accomplir le bien qu’elle avait pourtant décidé librement, en conscience, sous la motion de l’Esprit-Saint. Elle n’est malheureusement pas plus stable lorsqu’elle prévoit, dans les mêmes conditions, d’éviter de commettre le mal, ce qu’exprime si bien le remords de l’apôtre Paul : « le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais  » (Rm 7, 19).

Si la conscience morale, siège de la responsabilité de l’homme, vient à désapprou-ver un acte bon qu’il n’a pas commis ou un acte mauvais qu’il a commis, il en résulte pour l’auteur un remords de conscience. Mais, loin de vouloir enfermer l’homme dans une culpabili-té malsaine, ce remords de conscience qui lui vient de Dieu lui-même, doit être pour lui une invitation à changer de conduite, à se convertir, à purifier son cœur de cette mauvaise cons-cience. Ce remords est donc à la fois « gage d’espérance et de miséricorde  » ; il peut aboutir à une demande de pardon sincère et, éventuellement, à la réparation du désordre causé.

Quelle que soit la nature de la faute et la force du remords, l’homme ne doit en ef-fet jamais oublier que même si son cœur le condamne, Dieu qui parle à son cœur est plus grand que ce dernier  – et, ici, comme souvent dans l’Écriture le mot « cœur » doit s’entendre par « conscience » -. L’homme ne doit ainsi se laisser tenter ni par l’endurcissement de son cœur ni par la justifica-tion orgueilleuse de l’acte fautif qui pourraient à terme fausser le jugement de sa conscience. Mais, sans jamais désespérer de la miséricorde de Dieu, l’homme doit veiller cette fois encore à obéir humblement à sa conscience, « premier de tous les vicaires du Christ  » (CEC, n°1778), qui va lui indiquer la voie à emprunter pour être libéré de ce re-mords, pour être pardonné et pour se pardonner.

L’homme doit donc, en toutes circonstances, suivre sa conscience, sanctuaire où Dieu lui parle et l’invite de manière intime à aimer le bien et à éviter le mal. Mais pour suivre cette voix qui résonne (et raisonne) en lui, l’homme doit travailler à se former une conscience droite, cherchant passionnément la vérité, désirant ardemment s’y conformer tout en restant humblement accessible à la miséricorde de Dieu. Se soumettre à sa conscience, chemin tracé par Dieu à chaque homme dans la perspective de son salut, contribue ainsi à la croissance de la personne, de son bonheur et à de sa sainteté et, plus largement, au progrès de l’humanité en-tière.

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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.