D’où vient notre conscience ?

You are currently viewing D’où vient notre conscience ?
Parler au creux de l'oreille

 Quelle est la provenance de la voix intérieure qui nous commande de faire le bien et d’éviter le mal ? Cet article envisage montrer comment cette voix est la traduction fidèle de l’injonction d’un législateur supérieur qui est Dieu.

Dans toute la création, Dieu a laissé toutes sortes de signes qui pointent vers lui. Certains de ces indices se trouvent juste sous notre nez dans le monde qui nous entoure, tandis que d’autres se trouvent au plus profond de nous. Parmi ces signes intérieurs se trouve la conscience qui indique l’existence non seulement d’un Dieu, mais d’un Dieu personnel.

Dans son « Essai à l’appui d’une grammaire de l’assentiment », saint John Henry Newman se propose de démontrer comment nous arrivons à « assentir » à la réalité de Dieu. Newman le fait en faisant appel à la conscience humaine, en démontrant la signification de cette mystérieuse faculté intérieure et en montrant comment sa présence et son effet sur nous suggèrent la réalité d’un législateur moral divin. Il écrit :

La conscience est une loi de l’esprit… [La conscience] est un messager de celui qui, à la fois dans la nature et dans la grâce, nous parle derrière un voile, et nous enseigne et nous gouverne par ses représentants. La conscience est le vicaire aborigène du Christ (Lettre au duc de Norfolk).

Mais d’où vient notre conscience ?

La conscience dans le Catéchisme

Le Catéchisme de l’Église catholique nous dit que la conscience est « un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret » (CEC n°1796 ). C’est une faculté humaine, convient le cardinal Newman, comme la mémoire, la raison et le sens du beau, mais c’est une faculté qui a aussi une souveraineté morale sur nous. Nous nous retrouvons souvent à aller là où nous ne voulons pas aller, à faire ce que nous ne voulons pas faire ou à dire ce que nous ne voulons pas dire ; notre conscience nous en informe.

« Il arrive un moment où l’on doit prendre une position qui n’est ni sûre, ni politique, ni populaire mais il faut la prendre parce que la conscience lui dit que c’est juste » a affirmé Martin Luther King, Jr. dans un célèbre discours. En vérité, la conscience exige une obéissance, un respect et une loyauté inconditionnels. Désobéir à notre conscience est souvent une option immédiatement douloureuse. Étrangement, dans notre culture si opposée aux autorités morales, presque personne ne dirait qu’il est acceptable de désobéir à sa propre conscience. Il n’est d’ailleurs peut-être même pas possible de dire : « C’est bien de désobéir à votre conscience » sans désobéir à votre conscience !

Mais d’où vient alors une autorité aussi ferme et inébranlable qui s’impose à l’homme ? Le philosophe Peter Kreeft écrit :

La conscience a une autorité morale absolue, sans exception et contraignante sur nous, exigeant une obéissance sans réserve. Mais seule une volonté divine parfaitement bonne et juste a cette autorité et a le droit à une obéissance absolue et sans exception. La conscience est donc la voix de la volonté de Dieu.

Le cardinal Newman tire la même conclusion lorsqu’il appelle la conscience le « vicaire aborigène du Christ ». Lui aussi était en admiration devant l’autorité mystérieuse de la conscience et croyait que la meilleure explication était une autorité personnelle suprême et autoritaire, qu’il caractérise ainsi :

L'homme a en son sein un certain commandement, non un simple sentiment, non une simple opinion, une impression ou une vision des choses, mais une loi, une voix autoritaire, lui ordonnant de faire certaines choses et d'en éviter d'autres… ce sur quoi j'insiste ici, c'est qu'elle commande, qu'elle loue, blâme, menace, implique un avenir et témoigne de l'invisible. C'est plus que le soi d'un homme. L'homme lui-même n'a aucun pouvoir sur elle, ou seulement avec une extrême difficulté ; il ne l'a pas faite, il ne peut pas la détruire.

Conscience, sentiment et instinct

Les sentiments et la conscience ne sont pas la même chose. Les sentiments (à moins qu’ils ne soient bridés selon la bonne raison) sont souvent fugaces, impulsifs et irrationnels. La conscience, en revanche, est respectueuse, autoritaire et raisonnable. Ces distinctions sont essentielles. Peter Kreeft souligne : « Si nos sentiments immédiats étaient la voix de Dieu, nous devrions être polythéistes, sinon Dieu devrait être schizophrène. Les sentiments peuvent accompagner notre conscience, mais ils n’en sont pas synonymes. »

Newman suggère qu’une telle relation entre la conscience et les sentiments qu’elle invoque potentiellement n’a de sens que s’il y a une explication personnelle derrière elle. Dans son « Essai », il écrit « Si, comme c’est le cas, nous nous sentons responsables, avons honte, avons peur de transgresser la voix de la conscience, cela implique qu’il y a une personne envers qui nous sommes responsables, devant qui nous avons honte, dont nous craignons le jugement sur nous ».

Par notre conscience, nous discernons non seulement une loi morale, mais un législateur moral. Lorsque nous transgressons notre boussole morale intérieure, nous ressentons un véritable sentiment de culpabilité, comme si nous avions laissé tomber quelqu’un. En revanche, lorsque nous obéissons à notre conscience, nous nous sentons revigorés – surtout si une telle obéissance demande un grand courage – comme si nous avions été loués par un autre. Mais des objets simplement impersonnels comme des cerveaux ne font ni louanges ni reproches. Les sentiments que nous éprouvons lorsque nous répondons à notre conscience sont nettement relationnels et pointent vers un être personnel qui nous tient responsables de nos actes.

« Il n'y a pas d'autorité morale en dehors de soi », affirme l'esprit du temps.

Pourtant, malgré cette attitude populaire, il existe une expérience humaine commune de quelque chose qui s’apparente dangereusement à l’obligation morale. Il semble y avoir une « bonne façon » d’agir, quelle que soit notre opinion personnelle ; il semble y avoir une voix intérieure en nous qui nous commande de toujours faire le bien et d’éviter le mal.

Certains considèrent la conscience comme un phénomène naturel, un instinct évolutif. Notre inclination à faire ce qui est juste, disent-ils, existe pour maintenir la paix au sein de l’espèce humaine. La compulsion à faire le bien est nécessaire pour avoir une société où la survie et la reproduction sont optimisées.

Mais la conscience est différente de l’instinct. L’instinct d’un parent fatigué sera peut-être d’ignorer les pleurs de son enfant se réveillant au milieu de la nuit, mais la conscience de ce parent lui dira de passer outre son instinct et de s’occuper de son enfant. La conscience a toujours tendance à l’emporter sur l’instinct.

L’autorité unique et inflexible de la conscience doit venir de quelque part, et comme nous l’avons noté, il y a de bonnes raisons de croire qu’une personne est derrière tout cela. Mais le seul type de personne qui pourrait avoir une telle autorité absolue sur l’homme est un législateur divin ; il est donc raisonnable de conclure que Dieu est ce législateur personnel faisant autorité derrière l’irrépressible «  loi écrite dans nos cœurs » (Rom. 2:15).

Vous aimez cet article ? Donnez lui 5 étoiles
  [Moyenne : 4]
Print Friendly, PDF & Email

Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.