D’où viennent les cierges à l’autel ?

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La liturgie est pleine de symboles. Pour les Anciens, les mystères chrétiens étaient considérés comme des vérités trop profondes et trop riches pour pouvoir être appréhendées et exprimées uniquement à l’aide d’un discours humain. Tout mystère, pour être communiqué aux hommes, doit également être exprimé par le biais de symboles, qui permettent à l’âme de « saisir » intuitivement « quelque chose » du mystère tout en le respectant en tant que mystère.
 
Ainsi en est-il de la question des cierges : ceux-ci ne sont pas qu’un pur élément décoratif mais leur nombre, leur disposition, leur aspect expriment, par le biais d’un symbolisme qui plonge ses racines dans les textes bibliques eux-mêmes, le mystère divin : au nombre des luminaires liturgiques, on compte les lampes, les cierges d’acolytes, les cierges d’autel, les flambeaux et, en tout premier lieu, le cierge pascal.
 
Avant le christianisme, les Romains avaient pour usage de brûler des cierges devant les idoles ou pour honorer certains dignitaires de l’Empire, et ils les employaient aussi pour les offices funéraires. Dans la liturgie juive, on utilisait plutôt des lampes à huile et, au Temple, un chandelier à sept branches, alimenté aussi à l’huile : la Menorah.
 
S’il est vrai que les cierges ont répondu, dans l’Église primitive, au besoin pratique d’éclairer, notamment lors de la prière des vigiles (ce qui signifie « veillée », cette prière ayant lieu avant la levée du jour, ils avaient aussi un sens symbolique important qui justifiait leur utilisation dans un but cultuel même en journée. Au 5e siècle, à Vigilance qui se moque de l’utilisation de cierges en plein jour, saint Jérôme répond : « Dans tout l’Orient, on allume des cierges pour lire l’Évangile quand le soleil brille ; ce n’est point pour chasser les ténèbres, mais en signe de joie ».
 
Dans l’église primitive, les chandeliers n’étaient pas admis sur l’autel. C’est au 8e siècle qu’apparaissent les cierges d’autel. Puis, vers le 11e siècle, ils commencent à être posés sur l’autel-même, mais seulement durant le temps de la messe. Ce n’est qu’à partir du 13e siècle qu’ils y demeureront. Si au début les chandeliers sont de forme relativement simple, au 13e siècle leur hauteur s’accentue jusqu’à atteindre deux mètres de haut au 15e siècle.
 
En matière de liturgie, il ne faut jamais perdre de vue que traditionnellement, c’est la messe épiscopale (ou pontificale), c’est à dire célébrée par l’évêque, qui est la messe qui sert de référence ; elle est le modèle de toute liturgie eucharistique. En effet, l’évêque, dépositaire de la plénitude du sacerdoce ministériel, représente le Christ-Tête, ce qui est clairement manifesté par la fameuse expression attribuée à S. Ignace d’Antioche : « là où est l’évêque, là est l’Église catholique ». C’est donc dans la messe solennelle célébrée par l’évêque entouré de son presbyterium, de ses diacres et de la communauté des fidèles baptisés que se réalise dans toute sa plénitude le mystère de l’Église. Pour la messe épiscopale, les normes, rappelant ainsi une tradition multiséculaire, prescrivent d’allumer sept cierges d’autel ; dans les paroisses, le nombre de cierges peut varier de deux à six.
 
Pourquoi ce chiffre de sept ? La réponse nous est donnée par le père Jean-Baptiste Nadler dans son ouvrage « Les racines juives de la messe ». 

Dans le premier récit de la création de l’univers en sept jours (Gn. 1), la lumière et les différents luminaires ont une place importante. Dieu, qui est Lumière (1 Jn. 1, 5), est aussi le créateur de la lumière : “Que la lumière soit, dit-il. Et la lumière fut” (Gn 1, 3). Après avoir fait pousser les différents arbres, il crée les deux grands luminaires : le soleil et la lune (Gn 1, 12.16). Dans le second récit de la création (Gn 2), le Seigneur plante un jardin en Eden, au milieu duquel pousse l’arbre de vie ; mais après la chute d’Adam et Ève, l’accès à cet arbre est défendu par le Seigneur Dieu “[qui] posta, à l’orient du jardin d’Eden, les Kéroubim, armés d’un glaive fulgurant, pour garder l’accès de l’arbre de vie” (Gn 3, 24). Plus tard, lorsque Dieu révèle Son Nom à Moise, il le fait à partir d’un arbre et dans le feu : “L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu” (Ex 3, 22). Dans le Temple de Jérusalem, la menora était le rappel liturgique de tous ces événements : un chandelier de lumière et de feu, tel un buisson dont les sept branches se rattachent au tronc central, planté près du Saint des Saints gardé par les chérubins où le grand-prêtre prononçait le Nom ineffable. En plaçant sur l’autel une croix, signe de la mort rédemptrice et de la victoire du Christ, entourée de sept cierges, la liturgie chrétienne accomplit parfaitement les figures de l’Ancien Testament que nous venons d’évoquer. La croix du Seigneur est cet arbre d’Eden dont le fruit, pain de vie, mais aussi fruit de la vigne véritable plantée par le Père, donne la vie éternelle ; la croix est aussi ce buisson de feu où le Nom de Dieu est parfaitement révélé ; elle est l’accomplissement total et le parachèvement de la création ; elle est le shabbat, le repos définitif en Dieu.

La présence des sept cierges sur ou à proximité de l’autel n’est donc pas un élément arbitraire : mettant en œuvre un riche symbolisme immémorial, ces cierges sont toujours le signe de la Présence de Dieu sur terre : présence spirituelle manifestée à Moïse sur le mont Horeb sous le signe du Buisson ardent ; présence spirituelle toujours dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem, sous le signe de la menorah ; enfin, Présence réelle et substantielle à travers les espèces eucharistiques sur l’autel des liturgies chrétiennes, anticipant, annonçant et préfigurant la Présence éternelle et définitive du Dieu vivant au milieu du peuple des rachetés telle que décrite dans le Livre de l’Apocalypse : « Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la [ville], et ses serviteurs lui rendront un culte; ils verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts. Et de nuit, il n’y en aura plus, et ils n’ont pas besoin de la lumière d’une lampe ni de la lumière du soleil, car c’est le Seigneur Dieu qui luira sur eux, et ils régneront dans les éternités d’éternités ! » (Ap. 22, 3-5).

Symbolique des cierges

Le luminaire sacré est d’abord un symbole de joie, de respect et d’honneur. Les cierges devraient être en cire d’abeille (hélas aujourd’hui ils sont souvent fait en matière chimique). Tirée du suc des fleurs, la cire représente la chair du Christ formée du corps virginal de Marie, chair qui sera consumée pour nous.
 
Le cierge représente d’abord Jésus, la lumière sans laquelle en plein jour nous marchons à tâtons. La flamme est le signe de la divinité du Christ. Elle symbolise également la foi en ces mystères.

[adapté de diverses sources]
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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.

Cet article a 2 commentaires

  1. Ben Gnami

    La liturgie catholique est d’une beauté incroyable. Plein de sens, de logique et d’enracinement biblique. C’est fascinant

  2. Fanouko Sidoine

    Merci beaucoup Père pour l’éclairage

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