D’où vient l’usage de l’encens ?

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Avant même de parler du sens de l’encensement dans la liturgie catholique, il faut commencer par faire un peu d’étymologie. Quand on regarde les textes liturgiques originaux, rédigés en latin, on voit que le mot « encens » est donné par deux mots différents : « thus » et « incensum ». Quelle est la différence ?

L’encens comme « incensum »

Avant même de parler du sens de l’encensement dans la liturgie catholique, il faut commencer par faire un peu d’étymologie. Quand on regarde les textes liturgiques originaux, rédigés en latin, on voit que le mot « encens » est donné par deux mots différents : « thus » et « incensum ». Quelle est la différence ?
 
En fait, « incensum » ne désigne pas que l’encens. Son sens est beaucoup plus large. Ce mot désigne littéralement tout ce qui brûle, tout ce qui est consumé. C’est ce mot latin « incensum » qui a donné le mot « incendie ». « Encens » et « incendie » ont une racine commune : ce qui brûle par le feu, ce qui est détruit par le feu. Or, nous savons que dans la Bible, l’idée de feu évoque souvent l’idée de « sacrifice ». Pour comprendre quel rapport il y a entre le feu et le sacrifice, il faut là encore faire un peu d’étymologie et avoir recours à la langue latine. « Sacrifice » vient de « sacrum facere », littéralement « rendre sacré ». Une chose est rendue sacrée, est « sacrifiée » lorsqu’elle est offerte de façon exclusive à Dieu. En étant offerte, elle était détruite par le feu qui en même temps la purifiait. On aura en mémoire le sacrifice d’Abel le juste (Gn 4, 4 – He 11,  4), le sacrifice d’Abraham qui offre à Dieu son fils unique (Gn 22, 1-19) et tant d’autres exemples qui marquent l’alliance de Dieu avec son peuple… Tous ces sacrifices sont à rapprocher de l’offrande de l’encens (incensum) car ils font appel à l’idée de feu, feu qui nous prive des bien que nous offrons à Dieu.
 
C’est cette idée de l’encens/incensum qui est exprimée dans notre liturgie. La liturgie eucharistique est un sacrifice : le pain et le vin sont offerts à Dieu ; ils sont « rendus sacrés » (sacrum facere = sacrifice) par l’encensement qui évoque aussi leur destruction : les espèces du pain et du vin vont laisser place réellement à la substance du Corps et du Sang du Seigneur. Mais contrairement à l’Ancien Testament, on n’assiste pas à la destruction de l’offrande mais à sa transformation, à sa transsubstanciation.

L’usage de l’encens dans la liturgie

L’usage de l’encens est tellement lié à l’idée de sacrifice que durant la période romaine, les premiers chrétiens préféraient se faire tuer plutôt que d’offrir de l’encens à la statue de l’empereur. Ils ne pouvaient pas admettre que l’on puisse offrir un sacrifice d’encens à un simple mortel, l’empereur, puisque l’unique sacrifice devait être réservé à Dieu seul, au Dieu de d’Abraham, d’Isaac et de Jacob : au Dieu de Jésus-Christ. Offrir de l’encens à la statue de l’empereur, cela aurait été reconnaître publiquement que l’empereur était comme un dieu : c’était donc commettre le péché d’idolâtrie en niant l’existence du Dieu unique.
 
L’usage de l’encens ne se retrouve pas qu’à la messe. Si nous ouvrons notre Bible aux premières pages de l’Évangile selon saint Luc (1, 9), nous y lisons le très bel épisode où Zacharie officie : il a été désigné pour offrir le sacrifice de l’encens durant la prière du soir. Et c’est pendant qu’il accomplit cette fonction qu’un ange va lui apparaître pour lui annoncer la naissance d’un fils : Jean le Baptiste.
 
Cet usage de l’encens durant la prière du soir est demeuré vivant dans la liturgie catholique notamment dans les monastères, les abbayes, dans certaines basiliques ou cathédrales, plus rarement en paroisse sauf peut-être les jours de grande fête. La prière du soir chrétienne, ce sont les vêpres, au cours desquelles sont chantés les psaumes. Or les vêpres s’achèvent toujours d’une façon solennelle par le chant du « Magnificat », le cantique de Marie. Ce n’est plus l’ange qui apparaît à Zacharie pour annoncer la naissance de Jean, mais c’est l’archange Gabriel qui annonce à Marie la venue de son fils Jésus. Et Marie chante alors son « Magnificat » : mon âme exalte le Seigneur… (Lc 1, 46-55)
 
Comme au temps de Zacharie, dès les premières notes du « Magnificat », le peuple se lève et en signe de bénédiction, désormais, les fidèles font le signe de la Croix. Puis, pendant que le chant se déroule, le prêtre peut encenser l’autel ou faire brûler de l’encens à proximité. À la fin du chant, les servants encensent aussi le prêtre et l’assistance, afin de montrer que tous sont sanctifiés par la participation à ce même sacrifice du soir.
 
Durant la messe, l’encens est utilisé à deux reprises : au début de la célébration, et pendant l’offertoire. Au commencement de la messe, pendant que la chorale chante le chant d’entrée, le prêtre encense l’autel. Ce geste a une double portée symbolique : d’une part, le célébrant indique que la messe est un sacrifice, puisqu’on y brûle l’ « incensum », et d’autre part, il honore l’autel sur lequel aura lieu ce sacrifice, autel qui représente le Christ « pierre d’angle rejetée des bâtisseurs » (Mt 21, 42). À l’offertoire, le célébrant encense tous les éléments qui, de près ou de loin, sont en lien avec la puissance de Dieu et sont « spiritualisés » par Lui : l’autel, le pain, le vin. Puis, un diacre ou un servant encense le prêtre lui-même ainsi que l’assistance, pour bien montrer que les membres de l’assemblée eux-mêmes sont étroitement unis aux dons qui sont sur l’autel (le pain et le vin) et qui deviendront le Corps et le Sang du Christ.
 
Ajoutons un autre encensement – plus discret peut-être – qui a également lieu durant la messe : il s’agit de l’encensement du livre des évangiles (l’évangéliaire), avant la proclamation de la Parole de Dieu. En réalité, ce n’est pas le livre que l’on encense mais la Parole divine, le Verbe, la deuxième Personne de la Sainte Trinité, Dieu né de Dieu, dont le livre est le support écrit.
 
L’encens est encore utilisé durant les saluts du Saint-Sacrement, lorsque le prêtre honore le Corps du Christ exposé dans l’ostensoir, pendant le chant du « Tantum ergo ».
 
Revenons un instant à la liturgie des vêpres – prière du soir –, pour citer un verset de cet office qui résume le mieux la signification du rite décrit plus haut. Il s’agit de cette acclamation, probablement l’une des plus anciennes du répertoire grégorien, qui dit : « Que monte ma prière, en encens devant ta face, les mains que j’élève en offrande du soir » (Ps 140, 2). Nous trouvons là l’expression du symbolisme de cet encens, très utilisé dans toutes les liturgies orientales, et parfois oublié de nos jours dans nos églises.
 
L’encens est utilisé aux messes de funérailles, durant l’absoute (ou « dernier adieu »), pour rendre un dernier honneur à la dépouille mortelle au chrétien qui nous quitte. En effet, selon l’enseignement du Christ, il faut se souvenir que nos corps sont dignes de respect puisque, durant leur vie terrestre, ils sont les temples de l’Esprit de Dieu.

L’encens comme « thus »

Nous avons surtout parlé jusqu’ici de l’encens « incensum ». L’Écriture Sainte fait-elle mention de l’encens « thus » ? Oui, dès le début des évangiles, lorsque les mages apportent leurs présents à l’Enfant-Jésus (Mt 1, 11). Isaïe avait prophétisé « des multitudes de chameaux te couvriront […] tous viendront de Saba, apportant l’or et l’encens et proclamant les louanges du Seigneur » (Is 60, 6). Ce texte est repris dans l’Évangile selon saint Matthieu qui précise la nature des dons offerts par les visiteurs venus de pays lointains : l’or, symbole de royauté, l’encens, symbole de divinité. Que ce soit dans Isaïe ou dans saint Mathieu, la bible latine traduit ici « encens » par « thus » et non « incensum ». L’encens n’a en effet ici aucun rapport avec un acte liturgique : il n’est qu’une offrande faite à Jésus reconnu comme roi, et non pas un sacrifice adressé à Dieu.
 

Et l’encens pour la maison ?

Cette brève étude sur l’encens nous montre que la liturgie est riche de tout un enseignement directement greffé sur la Bible et sur l’histoire de l’Église. Certains, en Occident notamment, n’hésitent pas à dire que l’encens est démodé. Mais sont-ils certains, ceux-là, qu’une telle affirmation ne trahit pas plutôt leur ignorance du sens qu’a la prière liturgique de l’Eglise ? En réalité, l’encens n’est pas démodé : il est d’ailleurs facile de s’en procurer sous forme de fines baguettes odoriférantes ou de cônes pour… parfumer les maisons. On peut voir là un glissement des valeurs : on ritualise des pratiques qui se perdent dans nos liturgies… et s’y glisse parfois superstition et magie. Méfions-nous de l’offre des « encens de saint Benoît », de « saint Michel » ou de « sainte Rita » et préférons-leur pour un usage domestique des sacramentaux puissants comme la bénédiction des maisons ou des champs, le port d’une médaille bénite, voire même un simple signe de la croix dont le pouvoir contre le Malin n’est plus à démontrer.
 
Adapté d’un texte de Denis Crouan
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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.

Cet article a 5 commentaires

  1. SINHOU

    Paix et joie. Merci beaucoup pour l’enseignement.

  2. Freddy Bikuba

    Que Dieu vous bénisse et vous utilise encore plus.

  3. Jean capist

    Merci frère Hervé.

  4. Yvon

    C’est très nécessaire et encourageant.

  5. Grégoire DIMEKOI

    Merci beaucoup mon père pour l’enseignement que le seigneur vous bénisse abondamment

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