Que pense l’Église de l’incinération des corps ?

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Tout homme est une histoire sacrée ; toute vie humaine, depuis son commencement jusqu’à sa fin, a une dignité inaliénable qui est le fil d’Ariane de la position de l’Église. En vertu de cette dignité et de la foi en la résurrection des morts, l’Église entend sauvegarder la dignité de l’homme dans sa vie comme dans sa mort, pour qu’en vivant comme le Christ, en étant enseveli comme lui, il ressuscite aussi comme lui et jouisse de l’éternelle béatitude. À ce motif, l’Église défend l’inhumation naturelle des corps sans pour autant s’opposer à la crémation qui ne devrait jamais être une option préférentielle du chrétien.

Alors qu’on pensait la pratique accidentelle, reléguée à quelques cas isolés, on remarque de plus en plus que la tendance est plutôt à la crémation des corps. Les pourcentages par pays ne font que progresser. La contagion vient déjà en Afrique où l’on trouve des pays qui, tacitement, permettent que les corps soient brûlés et réduits en cendres. L’Église s’est penchée sur cette tendance et a fait son analyse à travers une instruction que la Congrégation pour la doctrine de la foi a rendu publique le 15 août 2016 et dont le titre est « Ad resurgendum cum Christo” sur la sépulture des défunts et la conservation des cendres en cas d’incinération ».

1. L’Église a une préférence marquée pour l’inhumation naturelle des corps

L’Église catholique a défendu et continue de défendre l’inhumation naturelle du défunt après sa mort. Cette inhumation naturelle consiste à déposer le corps (la chair sans vie) de la personne dans un tombeau, en un lieu sacré ou dédié à cet effet. Cette position de l’Église repose sur la foi en la résurrection de la chair. Elle trouve un appui, non seulement sur la pratique l’ensevelissement dans l’Ancien Testament (cf. le livre de Tobie) mais aussi et surtout sur le modèle de la mort et de l’ensevelissement du Christ lui-même, ainsi que l’atteste saint Paul : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, et qu’il est apparu à Képhas, puis aux Douze » (1 Co 15, 3-4). On peut lire aussi toute la piété qui entoure l’ensevelissement de Jésus : « Après avoir acheté un linceul, Joseph descendit Jésus de la croix et il l’enroula dans le linceul. Il le déposa dans une tombe qui était creusé dans le rocher et il roula une pierre à l’entrée du tombeau. Marie de Magdala et Marie, mère de José, regardaient où on l’avait déposé » (Mc 15, 46-7)

En tout état de cause, si le Christ a été mis au tombeau, dans son corps, il est de bon ton que l’homme, le chrétien en l’occurrence, soit mis en terre, tout comme le Christ, en attendant sa résurrection. Il devient comme une graine semée en terre. Cette position de l’Église est respectueuse autant des défunts que des familles et permet des funérailles religieuses complètes pour le disparu. C’est la dignité de l’homme, depuis sa conception jusqu’à son ensevelissement qui conduit à cette position.

2. L’Église accepte l’incinération, mais sous condition

L’incinération, qui a pour synonyme la « crémation » consiste à détruire les corps par le feu, en les réduisant en cendres. L’Église l’accepte, car dans le fond, cela ne porte pas vraiment atteinte à la résurrection de la chair, d’autant que l’âme est déjà séparée du corps et que la toute-puissance de Dieu sait comment elle donnera la vie à nos corps mortels. En acceptant que l’on puisse incinérer les corps, l’Église demande que ce soit dans les circonstances extraordinaires et à la volonté au moins présumé du défunt lui-même avant son grand départ. Au risque de me répéter, voici les mots de l’instruction :

Là où des raisons de type hygiénique, économique ou social poussent à choisir l’incinération – choix qui ne doit pas être contraire à la volonté expresse ou raisonnablement présumée du fidèle défunt –, l’Église ne voit pas de raisons doctrinales pour prohiber cette pratique. En effet, l’incinération du cadavre ne touche pas à l’âme et n’empêche pas la toute-puissance divine de ressusciter le corps ; elle ne contient donc pas, en soi, la négation objective de la doctrine chrétienne sur l’immortalité de l’âme et la résurrection des corps

Il convient toutefois de rappeler que, bien que l’Église ne soit pas contre l’incinération, en marquant nettement sa préférence pour l’inhumation naturelle, elle préfère que l’incinération soit faite après les funérailles proprement dites et qu’une préparation liturgique et pastorale appropriée précède l’inhumation des restes du défunt. Elle avertit cependant sur quelques déviations philosophiques et religieuses qui ne coïncident pas exactement avec la foi catholique.

3. L’Église avertit sur les déviations conséquentes à l’incinération

La première est le fait de conserver les cendres à la maison. L’Église perçoit dans cette pratique le danger de l’oubli de la personne, contrairement à l’argument selon lequel le défunt, en restant à domicile, est avec les siens et qu’on priera mieux pour lui. Les défunts doivent être enterrés dans un endroit sacré ou dédié, comme par exemple dans un cimetière ou dans les caveaux familiaux ou tout autre lieu qui ne soit pas le domicile, excepté les cas extraordinaires propres à l’Église orientale. En effet, les cimetières sont aussi de haut lieux de spiritualité et de réflexion sur la fin de dernière de l’homme. Les fidèles en s’y rendant, marquent davantage la communion des saints dans l’unique Église et sont portés à prier pour les défunts.

La deuxième déviation consiste à répandre, volontairement, les cendres de la personne, soit dans l’air, soit dans la nature, soit dans l’eau. Il arrive même que l’on fasse plusieurs petits lots de cendres que l’on envoie dans les familles de la personne à travers les continents. C’est bien différent des catastrophes naturelles au cours desquels les corps se consument ou disparaissent, contre le gré des familles des défunts. Le fait de répandre volontairement les cendres du défunt peut être la manifestation de convictions dont le soubassement religieux est peut-être tout sauf catholique.

En effet, par ces pratiques, on peut craindre le panthéisme qui consiste à dire que Dieu est en tout et que tout est Dieu ; Il se peut aussi que ces pratiques reposent soit sur le nihilisme qui consiste à ne croire en rien du tout ou sur le naturalisme par une déification de la « Mère Nature ». On peut aussi soupçonner une théorie de la réincarnation ou de la libération du corps comme si ce dernier était une prison pour l’âme du défunt. Pour nous catholiques, l’homme est né en un lieu déterminé, il n’est pas un produit de la dispersion. Il n’est pas advenu non plus par un rassemblement de pièces détachées. Il est le fruit d’un mystère, né dans un corps uni. En conséquence, il devra être enterré dans un lieu déterminé, non pas morcelé, ni répandu, et rentré dans le mystère de Dieu qui seul connaît son commencement et qui seul aussi connaît sa fin.

 La dernière déviation concerne le défunt lui-même. Si de son vivant, en opposition à la foi catholique, il demande son incinération et la dispersion de ses cendres dans la nature, l’Église est en droit de lui refuser les funérailles chrétiennes.

Voilà sommairement présenter l’essentiel de ce qu’on peut retenir sur la position de l’Église en ce qui concerne l’incinération des corps.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 6 commentaires

  1. Minassin

    Merci padre. Je remercie le promoteur et tous les moderateurs qui au quotidien ne cessent de valoriser et de travailler pour à la bonne foi du peuple de Dieu

  2. SIMENOU Hervé

    Merci beaucoup mon père.. Très édifiant et instructif

  3. HONHE Marcel

    Merci beaucoup mon Père
    Nous sommes très contents de vos enseignements. C’est vraiment super bien pour le catholicisme

  4. Stanley samsamy

    Merci bcp mon pere pour toutes ces connaissances que vous partagez avec nous.que le seigneur vous fortifie.

  5. Guy Elongo

    Un enseignement riche et inspiré. Merci beaucoup Monsieur l’Abbé.

  6. Rock

    Merci pour l’éclaircissement…Que Dieu vous protège et toute l’équipe autour de vous.
    Union de prières.

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