Pourquoi l’Église refuse la polygamie ?

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Couple d'oiseaux

Nous avons constaté que l’interdiction de la polygamie n’est pas comprise de tous. L’argument favori est que, dans l’Ancien Testament, des figures jouissant de la faveur de Dieu étaient polygames. On peut citer : Abraham, David, Salomon, qui ont eu plusieurs femmes. À quels motifs l’Église condamnera-t-elle la polygamie, si dans l’Ancien Testament Dieu lui-même semblait s’en accommoder ?

Que dit la Bible sur la polygamie ?

Les récits de la création dans la Genèse présentent la monogamie comme l’idéal : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » (Gn 2:24). L’emploi du singulier « sa » indique bien que l’intention de Dieu était expressément monogame.

D’ailleurs, si des rois ont eu plusieurs épouses (comme David et son fils Salomon), aucun des prophètes n’avait plus d’une femme et on parlait souvent de manière désobligeante de la polygamie, la comparant au polythéisme et à l’idolâtrie. Dans l’Écriture, Dieu n’a jamais prescrit à quiconque de prendre une seconde épouse ; dans la plupart des cas où la polygamie est évoquée dans l’Ancien Testament, c’est désastreux (notamment Abraham et David).

La raison pour laquelle cela a été autorisé fait l’objet d’un débat théologique. La tradition juive souligne normalement que la polygamie n’a jamais été considérée comme une bonne chose mais a été autorisée comme une « concession » aux réalités du monde dans lequel vivaient les anciens juifs. Maïmonide, célèbre rabbin juif de la fin du 12e siècle, dans son « Guide des égarés » (livre 3, ch. 32), déclare : « Beaucoup de choses dans notre loi ont été réglées d’une manière semblable par le suprême régulateur [Dieu]. En effet, comme il est impossible de passer subitement d’un extrême à l’autre, l’homme selon sa nature, ne saurait brusquement quitter toutes ses habitudes. »

Maïmonide a fait valoir que si la Torah autorisait certains comportements, elle établissait également des règles qui diminuaient les actes, les modifiaient et les contrôlaient, et donnaient un aperçu à ceux qui pouvaient lire correctement le texte que les pratiques étaient mauvaises.

Dans la tradition chrétienne, nous voyons cela à travers le prisme de la révélation graduelle de Dieu : « À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes » (Hé 1:1), et Jésus semble dire que la loi mosaïque a en fait accordé des concessions à la faiblesse de la nature humaine (Mt 19:8). Cela serait en harmonie avec la vision juive traditionnelle selon laquelle Dieu a permis la polygamie mais ne l’a pas approuvée. Avec la plénitude de la révélation en Jésus-Christ, nous voyons explicitement que la polygamie n’est pas l’intention de Dieu.

Lorsque Jésus eut terminé ce discours, il s’éloigna de la Galilée et se rendit dans le territoire de la Judée, au-delà du Jourdain. De grandes foules le suivirent, et là il les guérit. Des pharisiens s’approchèrent de lui pour le mettre à l’épreuve ; ils lui demandèrent : « Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme pour n’importe quel motif ? » Il répondit : « N’avez-vous pas lu ceci ? Dès le commencement, le Créateur les fit homme et femme, et dit : À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas !  » Les pharisiens lui répliquent : « Pourquoi donc Moïse a-t-il prescrit la remise d’un acte de divorce avant la répudiation ?  » Jésus leur répond : « C’est en raison de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes. Mais au commencement, il n’en était pas ainsi. Or je vous le dis : si quelqu’un renvoie sa femme – sauf en cas d’union illégitime – et qu’il en épouse une autre, il est adultère.

Dans ses lettres, saint Paul ne s’adresse, en donnant des conseils aux couples, n’entend pas les couples polygames. Il s’adresse au couple monogames. Un passage que nous pouvons citer est :

Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ; les femmes, à leurs maris, comme au Seigneur Jésus ; car, pour la femme, le mari est la tête, tout comme, pour l’Église, le Christ est la tête, lui qui est le Sauveur de son corps. Eh bien ! puisque l’Église se soumet au Christ, qu’il en soit toujours de même pour les femmes à l’égard de leur mari. Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel ; il la voulait sainte et immaculée. C’est de la même façon que les maris doivent aimer leur femme : comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime soi-même. Jamais personne n’a méprisé son propre corps : au contraire, on le nourrit, on en prend soin. C’est ce que fait le Christ pour l’Église, parce que nous sommes les membres de son corps. Comme dit l’Écriture : À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l’Église. Pour en revenir à vous, chacun doit aimer sa propre femme comme lui-même, et la femme doit avoir du respect pour son mari.

Ce texte peut être l’un de ceux qui donnent une solidité achevée au rejet de la polygamie. Le couple chrétien tient son modèle d’un autre couple, dont il est le sacrement : le couple Jésus et l’Église. L’épouse du Christ est une et une seule et non plurielle : c’est l’Église. Le couple chrétien devant représenter le couple Christ-Église, on voit mal comment cela puisse se faire dans un milieu polygame, d’autant qu’il s’agit, explicitement pour « chaque » homme d’aimer « sa » femme et pour « chaque » femme, d’avoir du respect pour « son » mari.

Qu’en dit aujourd’hui l’Église ?

Sur cette base, la condamnation de la polygamie est ferme et constante à travers le Catéchisme de l’Église catholique :

1610 La conscience morale concernant l’unité et l’indissolubilité du mariage s’est développée sous la pédagogie de la Loi ancienne. La polygamie des patriarches et des rois n’est pas encore explicitement critiquée. Cependant, la Loi donnée à Moïse vise à protéger la femme contre l’arbitraire d’une domination par l’homme, même si elle porte aussi, selon la parole du Seigneur, les traces de « la dureté du cœur » de l’homme en raison de laquelle Moïse a permis la répudiation de la femme (cf. Mt 19:8 ; Dt 24:1).

1645  « L’égale dignité personnelle qu’il faut reconnaître à la femme et à l’homme dans l’amour plénier qu’ils se portent l’un à l’autre fait clairement apparaître l’unité du mariage, confirmée par le Seigneur » (Gaudium et spes n°49). La polygamie est contraire à cette égale dignité et à l’amour conjugal qui est unique et exclusif (cf. saint Jean Paul II, Familiaris Consortio n°19).

1664 L’unité, l’indissolubilité et l’ouverture à la fécondité sont essentielles au mariage. La polygamie est incompatible avec l’unité du mariage ; le divorce sépare ce que Dieu a uni ; le refus de la fécondité détourne la vie conjugale de son « don le plus excellent, l’enfant » (Gaudium et spes 50).

2387 On comprend le drame de celui qui, désireux de se convertir à l’Évangile, se voit obligé de répudier une ou plusieurs femmes avec lesquelles il a partagé des années de vie conjugale. Cependant la polygamie ne s’accorde pas à la loi morale. Elle « s’oppose radicalement à la communion conjugale : elle nie, en effet, de façon directe le dessein de Dieu tel qu’il nous a été révélé au commencement ; elle est contraire à l’égale dignité personnelle de la femme et de l’homme, lesquels dans le mariage se donnent dans un amour total qui, de ce fait même, est unique et exclusif » (saint JeanPaul II, Familiaris Consortio n°19 ; cf. Gaudium et spes n°47). Le chrétien ancien polygame est gravement tenu en justice d’honorer les obligations contractées à l’égard de ses anciennes femmes et de ses enfants.

2400 L’adultère et le divorce, la polygamie et l’union libre sont des offenses graves à la dignité du mariage.

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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.

Cet article a 6 commentaires

  1. Liliane Koukponou

    Merci pour la clarté de votre article frère Hervé. Que Dieu continue son oeuvre et qu’il vous fortifie tous.

  2. David Elyon LALI

    Merci frère Hervé pour les fruits de la recherche de la vérité auquelle vous vous livré

  3. Gilles AGOSSA

    Merci de tout cœur. Dieu veille.

  4. Thibo Konan

    Merci à vous. Puisse Dieu vous aider à continuer son œuvre.

  5. Bernadette

    Merci Frère Hervé de nous éclairer à tout moment

  6. Kinzura jacques

    Nous saluons la présence de l’Éternel qu’il vous accompagne dans ce ministère et surtout que le saint esprit soit votre guide

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