Le mariage des prêtres : parlons-en !

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S’il est une question discutée dans la vie et le ministère des personnes consacrées, en particulier chez les clercs, c’est le fait de vivre sans se marier. Comment peut-on choisir de ne pas se marier, alors qu’il n’y a aucun empêchement à cela ? Dans d’autres traditions religieuses chrétiennes, les prêtres sont pourtant mariés. Chez les catholiques, les sacrements de mariage et de l’ordre s’opposent-ils ? Sont-ils inconciliables dans la vie d’une même personne ? Le père Denis Chacran, prêtre du diocèse de Djougou (Bénin) et chargé de la communication dans ce diocèse, lève un coin de voile sur ce sujet.

Beaucoup pensent que le sacrement de l’ordre est l’envers du sacrement de mariage. Partagez-vous ce regard ?

En rigueur des termes, le sacrement de l’ordre ne s’oppose pas au sacrement du mariage. Tous les deux sont des sacrements de service dans une même Église. Le ministre ordonné (évêque, prêtre ou diacre), sert le Seigneur et l’Église d’après les charismes liés à son ministère ou à son apostolat. De cette même façon, une personne validement mariée dans l’Église a sa place qui lui reste irremplaçable. L’un, le sacerdoce n’exclut pas l’autre, le mariage… Au total, s’il y a une opposition entre les deux sacrements, elle concerne les charismes propres et les engagements afférents à chaque état de vie. Or, si les charismes sont variés, c’est bien la preuve que l’Esprit-Saint est à l’œuvre dans son Église, pour reprendre la pensée de l’apôtre Paul : « Qui se marie fait bien, qui ne se marie pas fait mieux. » (Cf. Gal 5,2)

On interdit au prêtre de se marier. Pourquoi ?

Je propose que l’on ne parle pas en termes d’interdiction imposée aux prêtres, mais en termes de choix, d’engagement et de vocation qui vont toujours avec le consentement du sujet adhérant au sacerdoce. Tout le monde ne peut pas comprendre nous dit l’évangéliste Mathieu. De tous ceux qui ont compris et qui ont choisi ce célibat pour le royaume, on dit qu’ils ont été « séparés » ou « choisis » ou encore « mis à part » par le Seigneur dès le sein de leur mère, à l’instar des prophètes Isaïe, Ezéchiel, pour ne citer qu’eux seuls. De cette même façon, la vocation au mariage est un don de Dieu octroyé à une catégorie de personnes qui sont heureuses d’être entre conjoints et de mener une vie conjugale, une vie qui va jusqu’à la procréation.

Pour tout dire, un autre de la famille a reçu le don de se consacrer en vue du royaume, un autre, de la même famille, le don de se marier et de faire des enfants ; c’est la liberté de Dieu qui nous crée et nous recrée. En conséquence, dans le premier comme dans le second cas, tous les appelés se sentent toujours heureux. Le cas des aigris est un élément accidentel que l’Église doit gérer. Le mariage comme le sacerdoce ou la vie consacrée sont des chemins différents définis par le Seigneur pour parvenir au même but : la sainteté. Cf. Mat 19,12)

Les scandales sexuels des prêtres peuvent être une raison sérieuse. Ne pensez-vous pas qu’en laissant le libre choix aux prêtres de se marier, il y a une nette amelioration de la situation ?

Oui, on déplore tous et nous devons le faire avec vigueur, le scandale sexuel au niveau de certains prêtres, mais il n’y a pas que les prêtres qui commettent cette erreur grave ! Que de femmes sont violées de par le monde, dans les pays de guerre ou d’instabilité politique ? N’y a-t-il pas des conséquences fâcheuses pour les femmes enlevées par des organismes que nous connaissons et qui sèment la trouille dans la vie privée des citoyens de nos différents pays ? Je crois que c’est un fait humain que nous devons tous combattre, et non un problème particulier des prêtres. N’y a –t-il pas des mariés qui ont des concubines ? Est-ce parce qu’ils sont célibataires ? Je ne tente pas de défendre les prêtres, mais, l’abus sexuel n’est pas seulement imputable à un célibataire.

Si le mariage et le sacerdoce ne s’opposent pas, pourquoi ne pas permettre aux prêtres de se marier et aux époux de devenir prêtres ?


C’est une question de vocation, de choix et de vérité. Un père de famille a des devoirs qui sont les siens, il ne peut pas cumuler avec ses devoirs conjugaux la charge du sacerdoce. C’est d’ailleurs pourquoi les diacres permanents ne sont pas invertit des mêmes charges que les ministres ordonnés. De cette même façon un prêtre qui a, en charge, sa famille où il est géniteur physique ne saurait être efficace dans l’exercice de son apostolat. Mais, des deux cotés, il peut y avoir des infidélités aux engagements ou aux vœux prononcés, infidélités que l’Église n’a de cesse de condamner comme un acte moralement mauvais qui rompt l’alliance.

Il y a pourtant des personnes qui ont eu des enfants et, malgré cela, sont devenues prêtres. On n’y comprend rien. Deux poids, deux mesures ?

Oui, c’est un fait. Parmi des candidats au sacerdoce, il y a ceux qui ont eu déjà un ou plusieurs enfants mais qui ne sont plus en situation matrimoniale, ou tout simplement ils sont veufs et jugés dignes, après discernement de l’Église, d’accomplir cette fonction : le Feu Père Gabriel N’détà du diocèse de Natitingou (Bénin), par exemple, a reçu une formation théologique aux séminaires des aînés au Togo avant d’être ordonnés par le Feu Mgr Patient Redois, alors qu’il venait de devenir veuf des suites de la mort subite de sa femme. Malgré les trois enfants nés de lui, il a reçu l’onction sacerdotale après un discernement ecclésial. Par ailleurs, si des candidats au sacerdoce, on ne le souhaite pas, cachent volontairement un ou plusieurs enfants à l’Église avant d’être prêtres, celle-ci ne juge pas les consciences, mais c’est Dieu qui connaît les cœurs… mais nous savons surtout que l’Église étudie chaque candidat au sacerdoce, fait des publications officielles, prend l’avis du peuple… avant de conférer le sacrement.

Pensez-vous qu’un jour le sujet du mariage des prêtres peut être revu par les autorités de l’Eglise ?

Un jour ! Pour abroger le célibat des prêtres ou des consacrées ! Attendons de voir… En tant que prêtre, je propose à tous et à chacun de vivre plutôt l’aujourd’hui de Dieu, dans l’attente de l’Esprit promis pour tout temps, un Esprit qui conduit l’église à la « vérité tout entière » et qui lui communique ses secrets.

Votre mot de fin, père.

Là où le péché a abondé, surabonde la grâce de Dieu nous dit Saint Paul. La question de l’abus sexuel remarqué chez les prêtres est à confesser à deux niveaux : sur le plan divin, implorant la miséricorde et sur le plan humain, consolant les victimes ou punissant les concernés… Mais, une remarque s’impose : la plupart de celles qui se déclarent victimes de ces abus le font 20 ou 30 ans après les actes posés. Pourquoi un si long silence ! Quand on est jeune fille, on tolère la chose sans récriminer mais, devenue âgée, subitement, on déclenche une condamnation farouche contre les partenaires qu’on a pourtant protégés autrefois. Plus qu’une condamnation, il faut une enquête sociologique sur les plaignants d’une part et d’autre part sur les auteurs de ces crimes d’ordre sexuel, afin de savoir quel accompagnement humain, spirituel ou psychologique proposé.

Propos reccueillis par Perpétue Koko

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Denis Chacran

Je suis abbé Denis, prêtre du diocèse de Djougou (Bénin). Je m'occupe des communications sociales et je suis le porte-parole du diocèse de Djougou.

Cet article a 4 commentaires

  1. KIHALOU

    Vraiment édifiant merci à vous

  2. Perpetue DOVONOU

    Merci à vous. Très édifiant.

  3. ATCHATIN Hermann

    Je suis très satisfait de votre développement, père. Que l’esprit vous inspire davantage.

  4. Bonkoungou Fabrice

    Merci beaucoup pour cette éclairage.

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