L’aumône, preuve de l’amour effectif

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Des trois actions du carême – la prière, le jeûne et l’aumône – l’aumône est sûrement la plus négligée, la plus mal connue et pourtant c’est celle qui vérifie et prouve l’amour effectif.

L’aumône rassemble le jeûne et la prière dans une même action

Dans l’Écriture sainte, un seul passage rassemble et unit les trois gestes que sont la prière, le jeûne et l’aumône. L’auteur met fortement l’accent sur le dernier : « Mieux vaut la prière avec le jeûne, et l’aumône avec la justice […] L’aumône sauve de la mort et elle purifie de tout péché. Ceux qui font l’aumône sont rassasiés de jours. » (Tob 12:8-9).

Pourquoi l’aumône est-elle donc préférable à la prière et au jeûne ? En fait, si l’aumône est mise en avant c’est que l’aumône est une prière qui implique le jeûne.

En effet, l’aumône est une prière parce que sa pratique revient à « donner à Dieu ». L’aumône est donc un acte de charité et non une simple forme de philanthropie : c’est un geste fait à l’homme par amour de Dieu et non à l’homme pour le simple amour de l’homme. Il y a entre la charité et la philanthropie une vraie différence de degré.

Mais l’aumône est aussi une forme de jeûne parce que le don de l’aumône représente toujours un sacrifice : il ne s’agit pas seulement de donner à l’autre quelque chose de positif (un bien matériel ou même un peu de son temps) mais il s’agit réellement de lui abandonner, de lui offrir, de lui sacrifier, de lui donner gratuitement et sans retour, sans contrepartie.

L’aumône n’est pas idéologique ; elle est concrète. L’aumône est une action solidaire qui vise à soulager les membres fragiles de nos familles et de notre entourage. Elle vise toujours le visage de notre frère en humanité, elle touche sa chair et elle agit dans sa proximité.

Jésus a présenté l’aumône comme nécessaire à la vie chrétienne :

« Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite »

Jésus ne dit pas « SI » vous faites l’aumône, mais « QUAND » vous faites l’aumône. Comme le jeûne et la prière, l’aumône n’est donc pas négociable ! Elle est constitutive de notre agir chrétien : « celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas » (1 Jn 4, 20).

Les premiers chrétiens le savaient.

« Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun. »

C’était l’incarnation vivante d’un principe fondamental de l’enseignement social catholique, ce que la tradition appelle « la destination universelle des biens ». Le Catéchisme de l’Église catholique l’évoque succinctement : « Les biens de la création sont destinés au genre humain tout entier. Le droit à la propriété privée n’abolit pas la destination universelle des biens » (CEC n° 2452).

Jésus a dit, selon le témoignage de saint Paul : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35).

Donner peut sembler difficile mais Dieu teste ainsi notre confiance. La tentation peut être grande de donner de son superflu, de ce dont on n’a pas ou plus réellement besoin, de ce qu’on a en excès. Mais le Seigneur nous appelle à bien plus ; il nous appelle aussi à donner de notre nécessaire. Relisons le récit de la rencontre entre Élie et la veuve de Sarepta (1 R 17, 8-16). Élie demande à cette femme un simple morceau de pain mais ses réserves sont épuisées :

« Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons ».

Pourtant Élie insiste pour qu’elle prépare trois petites galettes pour lui, pour elle et pour son fils « et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas ». La veuve a donné non pas de son superflu mais elle a donné ce qui réellement était vital pour son fils et pour elle ; or, l’aumône qu’elle a faite ne l’a pas appauvrie car Dieu pourvoit toujours aux besoins de celui qui donne généreusement.

Pensons aussi quand nous donnons à cette veuve qui offre au Temple les deux piécettes qui lui étaient nécessaires (Mc 12, 41-44)  :

« Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : “Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.” ».

« Un cœur ouvert au monde » (Encyclique Fratelli Tutti)

Nous étendons souvent le concept d’aumône bien au-delà de l’argent ou des biens matériels que nous pouvons donner : nous y incluons également les dons que nous pouvons faire de notre temps et de nos talents, en mettant ceux-ci au service de nos frères. Nous avons tout à fait raison ! Donner de son temps, faire fructifier ses talents sans attendre aucune contrepartie peut être aussi une forme éminente d’aumône, c’est-à-dire un don désintéressé fait au nom du Seigneur et par amour de Lui.

À la fin du 4e siècle, saint Jean Chrysostome a constaté que les gens de la cour impériale menaient une vie confortable et cela l’a rempli de colère. Au nom de Dieu, il a combattu ceux qui possédaient de riches vêtements et du mobilier luxueux tandis que d’autres mouraient de faim et de froid dans de misérables habitations.

Aujourd’hui, ces disparités existent toujours sous une autre forme : certains de nos contemporains vivent en paix, ont du travail, des terres, un logement, de la nourriture en abondance, des véhicules automobiles, de l’électricité, de l’eau courante, les derniers smartphones à la mode… ; ils ont accès aux soins, à l’éducation, aux voyages… mais c’est loin d’être le cas de tous les hommes. Or, tous, nous sommes appelés à soulager les fragilités de nos frères.

Nous qui vivons confortablement, donnons-nous confortablement ?

Nous qui vivons confortablement, donnons-nous de notre superflu ou de notre nécessaire ?

Nous qui visons plus modestement, donnons-nous vraiment à la hauteur de nos possibilités ?

Souvent, les personnes les plus modestes sont les plus généreuses…

Sommes-nous aussi généreux que les pauvres entre eux ?

C’est là une bonne question à se poser pendant ce carême.

La gratuité fraternelle

« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8).

« Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète » (Mt 6, 3-4).

Nous devons donner à Dieu. Et Dieu, nous le rencontrons chez notre voisin, chez notre prochain. Prenons exemple sur le bon Samaritain (Lc 10, 29-37). Tout ce que nous donnons, même la somme la plus modique, même l’attention la plus modeste, doit être la traduction en actes d’un don plus grand qui sous-tend toute la vie chrétienne et toute vie chrétienne. Comme Dieu s’est donné entièrement à nous, ainsi nous devons nous donner entièrement à Lui. Dans l’Eucharistie, Dieu ne retient rien. Il nous donne son Corps, son Sang, son âme et sa divinité — tout ce qu’il a, tout ce qu’il est. C’est ce don absolu que nous devons imiter. Nous sommes appelés à devenir nous aussi des offrandes vivantes pour Dieu et pour nos frères. Nous devons nous consumer d’amour pour nos frères.

Cette charité à laquelle nous sommes appelés commence à la maison, là où nous faisons quotidiennement le choix de donner notre temps, notre attention, notre sourire joyeux, en un mot notre amour. Mais la charité ne doit pas s’arrêter là car, pour nous catholiques, le « foyer » est universel et notre famille est aussi grande que le monde et que l’humanité. Nous sommes appelés à tout donner, convaincus que lorsqu’on n’a pas tout donné, on n’a rien donné.

Parfois, tout ce que nous pouvons donner est un sourire, mais parfois c’est le plus grand sacrifice, la plus grande prière, et même l’aumône la plus généreuse et la plus sacrificielle.

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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.

Cette publication a un commentaire

  1. Hortense Gninakpo

    Merci beaucoup Père pour tout ce que vous faites pour nous chrétiens catholique.par vos efforts et vos sacrifices nous comprenons beaucoup de choses sur notre Église

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