Comment créer son désert pendant le carême ?

You are currently viewing Comment créer son désert pendant le carême ?

Nous voici en carême. Notre Seigneur est allé au désert pour jeûner pendant quarante jours et quarante nuit. Cela signifie que le désert a part liée au carême. Pour un bon carême, il faut aller au désert. Pourquoi le désert ? Que symbolise-t-il ? Comment créer son désert pour un carême fructueux ?

Le désert, lieu d’hostilité.

La première idée qui vient à l’esprit lorsqu’on parle du désert est son caractère rebutant, difficile et hostile. Le désert rappelle l’épreuve et la mort. Quelqu’un qui se perd dans un désert sera confronté à la faim et à la soif, au serpents venimeux et aux bêtes féroces. On comprend pourquoi saint Marc, en parlant du jeûne de Jésus dans le désert, dit qu’il n’y but ni ne mangea pendant quarante jours et qu’il était avec des bêtes sauvages.

Incontestablement, la seule évocation du désert fait remonter à la mémoire l’épreuve, la souffrance et la mort. Les fils d’Israël, après leur sortie d’Égypte, ont passé quarante années pour traverser le désert et rejoindre la terre promise. Le livre de l’Exode nous raconte les différentes phases de cette traversée avec la récrimination et les murmures des fils d’Israël, confrontés à l’aspérité de ce lieu. Ils se sont plaints essentiellement du manque d’eau et de nourriture. On sait aussi que des serpents du désert ont mordu plusieurs d’entre eux qui sont morts.

Le désert, par sa rugosité, exige de celui qui veut s’y rendre de s’armer de courage et de tenir à l’essentiel. Il doit faire preuve de rationalisation et de parcimonie dans l’utilisation des ressources qu’il a avec lui. Il sait d’ores et déjà qu’il s’engage dans un combat contre lui-même pour surmonter les multiples obstacles du désert.

En cela, aller au désert suppose une bonne préparation et une évaluation des difficultés extérieures. On ne peut s’engager dans le carême, sans faire le point de tout ce qui pourrait nous rebuter et nous mettre à l’épreuve. Créer son désert, c’est donc être averti sur l’épreuve de la traversée de ce temps. Le désert est le temps des quarante jours mais aussi de toute notre vie. Le désert, c’est aussi le lieu de notre retrait et surtout les difficultés liées à celui-ci : dépouillement, rudesse, manque et que sais-je encore ?

Le désert, lieu d’écoute de la Parole de Dieu

Nous avons précédemment décrit le désert comme le lieu aride qui nous réserve des épreuves. Curieusement, c’est aussi le lieu où l’homme peut entrer au mieux en communion avec son Dieu. Nous revenons à l’expérience du peuple d’Israël dans le désert. La parole de Dieu les a accompagnés pas à pas. À tout moment, Dieu parle au cœur de son peuple pour lui indiquer la route à prendre.

Le désert est tant et si bien le lieu privilégié de la rencontre du Seigneur que celui-ci demande au prophète Osée de conduire au désert son épouse infidèle, pour lui parler cœur à cœur et la ramener sur le chemin de la fidélité. Dans ce sens, le désert est le lieu propice où nous pouvons faire une expérience inédite de Dieu, une expérience personnelle de son amour, malgré nos multiples infidélités et prostitutions. Il ne s’agit pas tant de ressasser nos péchés que de découvrir au fond de soi, combien Dieu nous aime et combien il désire une réponse semblable de notre part. Le désert est, pour ainsi dire, le temps des fiançailles entre le chrétien et son Seigneur.

Le temps de carême ne peut donc se vivre sans la Parole de Dieu. Il est inimaginable de commencer son carême sans remettre la Parole de Dieu au centre. Dieu veut se révéler à nous au plus profond de notre cœur. Mais surtout, il veut le faire à travers sa parole qu’il nous a laissée. Pour ma part, je propose à celui qui s’engage à lire la parole de Dieu et à la méditer pendant ce temps de carême, de suivre les textes de la liturgie, qui déploient toute une pédagogie de conversion et de retour sincère à Dieu. On peut mettre à profit le temps pour lire et méditer le discours sur la montagne du Christ. On peut aussi méditer la passion de Jésus ou une lettre de saint Paul : la lettre aux Galates, par exemple.

Un temps de carême sans la redécouverte de la Parole de Dieu sera comme un désir de faire la lessive sans prévoir l’eau et les détergents.

Préparer mon désert aujourd’hui

La question inéluctable est celle-ci : comment aller au désert aujourd’hui, dans un monde où la densité humaine est écrasante et les multiples sollicitations de la vie, tant au niveau des responsabilités socio-professionnelles et familiales que des engagements dans les différents moments de nos journées. Comment façonner son désert ?

Il ne sera pas nécessaire de faire un voyage pour se retrouver dans le désert. Ce dernier n’est pas à prendre au sens littéral du terme. Il s’agit d’apprendre à se retirer (d’où l’idée de retraite spirituelle) en créant une distance entre les accaparateurs et notre personne. Aller au désert aujourd’hui, c’est quitter en esprit un monde de confort, d’aisance et de plaisance pour s’en tenir à l’essentiel pour notre vie. Il n’y a pas de possibilités de faire bonne chair dans le désert ; en conséquence, on peut se façonner son désert en mettant entre parenthèses tout ce qui va dans ce sens. Pourquoi ne pas s’abstenir de boisson et se limiter à l’eau pendant le désert ? Pourquoi ne pas se priver de certaines émissions et jeux, de certains loisirs pour se limiter au juste essentiel.

Le désert exige cette mort sans laquelle la vie de Dieu ne peut naître en nous. Il s’agit en clair d’un renoncement à soi pour créer de l’espace pour Dieu. C’est ainsi qu’on peut vivre son désert au milieu du monde aujourd’hui.

Il faut aussi prévoir la Parole de Dieu et surtout préparer son cœur à accueillir cette parole sans réserve, comme la voix de Dieu qui me rappelle ce qu’il me faudra faire pour retrouver sa présence dans ma vie. C’est à cette condition qu’on peut découvrir le Dieu d’amour et de vie.

Puisse ce temps de faveur divine nous accorder la grâce d’aller au désert avec le Christ et de découvrir son immense amour pour nous.

Vous aimez cet article ? Donnez lui 5 étoiles
  [Moyenne : 4.3]
Print Friendly, PDF & Email

Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens