Pardon et amour dans le couple

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Pourquoi quand on aime sincèrement, il est difficile de pardonner véritablement et d’oublier l’offense de son (sa) partenaire ?

Ma sœur Ernestine, tu poses une question très actuelle, à laquelle beaucoup de couples et de cheminants pour le mariage sont confrontés. Les problèmes de trahisons, de mensonges ou de demi-vérités, la non-réciprocité de l’amour, le manque d’assistance comme il se doit de la part du conjoint ou du cheminant dans les moments difficiles, les humiliations, les promesses non tenues, etc., sont parfois des offenses et des blessures à des degrés différents difficiles à pardonner, malgré tout. Les radios et télévisions, les réseaux sociaux foisonnent de ces cas limites d’offenses croustillantes, qui vous scandalisent même de l’extérieur.

J’ai suivi, non pas sans souffrance, le témoignage d’un homme dit meurtri qui confessait à sa femme et ses enfants que la maison qu’ils habitaient comme une location appartenait à l’homme et pourtant, sur des années, c’est la femme qui payait le loyer. Il est arrivé que la femme privilégie le payement du loyer au détriment de la santé de leur enfant pourtant moribond. Le loyer coûtait plus de 100.000 francs et il fallait moins de 80.000 francs pour sauver l’enfant de sa maladie. Pour ne pas se retrouver sur le carreau du jour au lendemain, la femme a sacrifié la santé de l’enfant pour payer le loyer à un propriétaire fictif qui n’était autre que son mari. L’enfant a trépassé quelques jours après. Et toute cette affaire s’est révélée comme un rêve pour la femme. Quelle doit-être sa réaction ?

Comme tu le décris donc, ces offenses sont d’autant plus difficiles à pardonner qu’il s’agit de personnes pour lesquelles on porte un amour à la limite de l’aveuglement. Je vais apporter ma petite contribution.

Une erreur à éviter

Une chose est le pardon, une autre est l’oubli. L’oubli de l’offense ne signifie pas que le pardon n’est pas accordé. Il y a des faits marquant dans notre vie qu’on ne peut oublier. L’oubli est lié à la mémoire, le pardon, à la foi. Il y a certes des offenses mineures entre conjoints que l’on surmonte facilement et que l’on passe même aux oubliettes. Cependant, l’oubli n’est pas la condition du pardon. Jésus a pardonné les bourreaux sans jamais oublier qu’il a été crucifié. À preuve, après sa résurrection, il montre les marques des clous et son côté transpercé. Il nous faut donc dissocier la fonction de la mémoire qui garde ce qui le marque et efface ce qui est moins important. En même temps, il faut travailler à guérir son esprit, sa mémoire d’événements douloureux susceptibles d’infléchir négativement la relation qu’il faut sauvegarder pour le meilleur et contre le pire.

Pourquoi il est difficile de pardonner à l’être aimé ?

On attend plus d’être offensé par les autres que par son ami, son fiancé, son mari et ses enfants. On est plus enclin à supporter l’offense des autres que des êtres aimés, et pourtant, dans la vie courante, comme on le dit, les offenses semblent venir plus de ces personnes aimées que des autres. En réalité, les personnes aimées ne nous offensent pas plus que les autres et les offenses ne sont pas souvent aussi lourdes qu’on l’imagine. C’est la profondeur de l’amour qu’on leur porte qui fait que la plus petite offense est ressentie comme une grande et la plus petite trahison comme la plus grande. L’exemple que j’ai donné plus haut relève des offenses graves par sa matière, mais rarissime par leur fréquence.

C’est aussi parfois difficile de pardonner parce que l’on est appelé à vivre avec l’offenseur. Ordinairement, lorsque nous sommes offensés par un quidam, nous nous éloignons pour ne plus subir les mêmes souffrances de sa part. Ici au contraire, on ne peut échapper à la loi de la vie commune. On se demande alors comment continuer à donner l’amour à quelqu’un qui m’offense, comment lui faire à manger, prendre soin de lui, etc. Le mécontentement ne fait que grandir et la plaie que se raviver.

On dit souvent dans la sagesse africaine que les dents et la langue vivent ensemble et pourtant il survient des conflits entre elles. Ces conflits ne les empêchent nullement de continuer à vivre ensemble pour le meilleur. Entre deux âmes-sœurs, les conflits et les offenses sont à mettre au programme. Il ne faut pas vivre dans l’illusion au nom de l’amour.

Le pardon touche la foi

Le pardon est éminemment un acte de foi et d’amour. C’est la condition même de la pérennité de la vie de couple, de sorte qu’on peut dire qu’une vie de couple sans offenses pardonnées n’a pas atteint son virage de vérité et de croissance. Le pardon permet à chacun de revivre et de prendre un nouveau chemin. Il permet de connaître l’autre et de cheminer avec lui en l’épaulant pour le relever de ses fragilités. Beaucoup de couples vivent l’enfer justement parce que le pardon semble vider le forum.

Le pardon est possible quand l’amour se vit dans la foi. On peut bien aimer son conjoint et ne pas l’aimer pour lui mais pour soi. Dans ce cas, le pardon est toujours difficile car l’offense blesse les intérêts personnels. On vit comme des partenaires. En réalité, ce mot « partenaire » n’est pas juste pour parler des conjoints. C’est la nouvelle éthique mondiale qui remplace insidieusement le mot « époux, fiancés, maris et femmes, conjoints » (expressions à connotation chrétienne et catholique) par le mot « partenaire » (expression plutôt laïque). Le partenariat est tel que l’on peut toujours le rompre si les termes de l’accord ne sont pas respectés. Quand l’homme et la femme se considèrent comme des partenaires, ils vivent leur amour pour soi et non pour l’autre, et les questions de l’intérêts sont au rendez-vous. Dans un partenariat, le pardon est difficile.

Dans la foi, l’amour nous met en communion de sorte que l’offense de l’un agit sur la communion qui est nécessaire à la vie du couple. Le mal de l’un met en danger la vie de l’autre et pour ne pas se mettre en danger de mort, il faut pardonner pour que la communion offre la possibilité de la vie pour les deux. C’est la différence chez nous catholiques.

Pour pardonner à l’offenseur, il faut toujours penser que c’est le défaut de lumière divine, l’ignorance qui fait agir l’autre même s’il déclare être pleinement conscient de ce qu’il fait. On peut en effet être ignorant dans la pleine conscience, car comme dit un philosophe (Platon ?), nul n’est méchant volontairement et Jésus de l’affirmer au moment où il souffrait de la plus grande offense de ceux qu’il aimait : « Père, Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Moi, personnellement, je pardonne facilement quand je pense que c’est l’ignorance qui fait que l’autre m’offense. Et je le puise des expressions même de Jésus. Saint Augustin dira que Jésus est capable de dire « Père, pardonne-leur » même si ces bourreaux déclaraient savoir ce qu’ils faisaient. Car ils déclarent ce qu’ils ignorent.

Merci encore pour ta question. Il y a plusieurs autres solutions pour y parvenir : la communication, la prière, la préservation de soi, le désir de dépassement. Je t’ai juste proposé ma lecture spirituelle de la difficulté à pardonner et le moyen qui me permet, à moi, d’y parvenir.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 5 commentaires

  1. Hounsou

    J’ai lu 3 fois votre développement et je ne peux que vous dire un grand merci. Si tout le monde pouvait savoir la grandeur du mot “pardon ” il y aura moins de méchanceté mais hélas. Moi je prends ma force dans ce petit mot. Que Dieu nous aide à avoir ce mot au bout de nos lèvres. M6 Père.

  2. Sylvain Marie-Pio du Sacré-Cœur

    Merci Père pour nous avoir nourri avec ce sujet de pardon. C’est très capital. Le Seigneur vous fortifie.

  3. Thibo konan

    j’affirme que je suis fier d’être catholique. Merci à toi padre. En fait je suis catéchiste. Merci de toujours animer cette plateforme qui nous permet de mieux connaître notre église et de fortifier notre foi.

    1. Campos Laetitia

      Abbé Jean, merci ! J’ai fort apprécié l’article. En effet, tout amour qui prend sa source dans la foi et se vit dans la foi porte en lui le germe du pardon, porte en lui la force du pardon qui libère le cœur de l’homme de l’esprit du Mal.
      L’Esprit de Dieu repose sur nous!

  4. Campos Laetitia

    L’amour qui se vit dans la foi porte en lui le germe du pardon, porte en lui la force du pardon qui libère le cœur de l’homme de la haine et de l’esprit du mal. Merci à vous, Père.
    Laetitia

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