Comment gérer l’adultère dans un couple chrétien ?

You are currently viewing Comment gérer l’adultère dans un couple chrétien ?

Voilà une question difficile, reconnaissons-le, que beaucoup de personnes essaient d’éviter de se poser. Et pourtant, l’infidélité dans le couple n’est pas seulement remarquable chez les non chrétiens; de plus en plus de couples « chrétiens », vivant dans le concubinage ou mariés religieusement, sont confrontés à la triste réalité de l’infidélité. Si jadis, les hommes sont passés champions dans ce domaine, au point où la tradition semble leur en donné caution, aujourd’hui plus qu’hier, les femmes mènent une double ou une triple vie. Il s’agit donc d’un véritable problème auquel le nous devons honnêtement faire face, que l’on en soit victime ou instigateur.

La question doit aussi préoccuper les couples qui vivent sincèrement leur alliance dans la fidélité. Une réponse globale sera audacieuse ; je ne voudrais pas l’essayer pour ne pas tomber dans la superficialité. Les solutions dépendent de la région, de l’ethnie, de la religion, du genre et même de la conception de l’alliance matrimoniale. Pour ma part, je m’occuperai de puiser quelques ressources dans ma foi chrétienne pour ouvrir des pistes de solutions.

Comment règle-t-on le problème de l’infidélité dans nos traditions africaines ?

Bien qu’il existe quelques rares groupes ethniques qui passent facilement un coup de chiffon sur l’infidélité, force est de remarquer que ce phénomène est douloureusement ressenti, non seulement par les conjoints, mais aussi par les familles entières. La gestion de l’infidélité en Afrique subsaharienne n’est pas réservée aux couples en difficulté. C’est toute la famille qui s’y implique. En effet, le mariage coutumier ne se fait pas en marge des familles des époux, de sorte que la famille est regardante de la vie du couple, comme si la réussite ou l’échec du couple relevait de sa responsabilité. Motif pour lequel les événements majeurs de la vie du couple, comme par exemple une naissance, une infécondité, un décès, etc., intéressent au plus haut point toute la famille. De ceci provient la raison de la gestion collective de l’adultère.

De manière générale, l’infidélité de la femme est plus punie que celle de l’homme, à moins que ce dernier aille violer l’intimité de la femme d’autrui. Dans ce cas de figure, le scandale prend alors plus d’ampleur. Bien souvent, les hommes pris en délit d’adultère avec la femme d’autrui, s’obligent volontairement à l’exil pour échapper à la honte du regard de toute la population, qui est amnésique de tout excepté les faits scandaleux.

Mais si c’est seulement au niveau de la femme que le constat est fait, les solutions les plus dures contraignent la femme (si la chance lui sourit de ne pas mourir) à quitter définitivement le toit conjugal. Son infidélité est perçue comme une rupture de l’alliance matrimoniale. Elle perd tout avantage lié à la famille de son mari. Même s’il arrivait que ce dernier souffre du départ de sa femme, il le supporterait stoïquement. Que peut-il en face de la famille ? La moindre désobéissance le voue à l’anathème et parfois aussi à la mort. C’est tout dire du pouvoir de la collectivité sur l’individu en Afrique. Les solutions les moins rigoureuses proposent une réconciliation, initiée par le chef de famille. Celle-ci revêt une dimension très cultuelle de purification précédée par l’obligation de séparation temporaire avec le conjoint. On parle alors de « lavage de pied » ou de « purification de corps ».

L’adultère, dans la tradition africaine, est une vraie souillure aux conséquences néfastes, voire mortelles, pour la famille. Malgré cette réconciliation, la blessure de la trahison continue de semer les dégâts au sein du couple. Il faut un véritable accompagnement psychologique et spirituel pour sortir de la crise dépressive. La gestion de l’adultère va donc du radical renvoi de la femme ou de l’exil de l’homme à une tentative de réconciliation entre les époux. L’ancrage de la collectivité, en ce qui concerne certains sujets vitaux, sur l’individu, est tel que nombre de personnes résistent à la proposition de l’Église. Le pain est à peine entamé sur cette planche.

Comment la Bible perçoit l’adultère ?

Comme nous l’avons dit, la question est compliquée, voire complexe, chaque situation étant particulière. Pour comprendre la proposition de l’Église, il faut revisiter la gestion de l’adultère par Dieu lui-même dans les Saintes Écritures.

Dieu a fait alliance avec le peuple d’Israël, alliance étendue à tous les hommes, via l’Église, famille de Dieu. En tant que tel, Dieu est l’époux du peuple d’Israël. D’ailleurs saint Paul nous présentera dans la lettre aux Éphésiens (Eph 5) que le Christ est l’époux de l’Église. L’alliance de Dieu avec son peuple est irrévocable, c’est une alliance indissoluble. Or il se fait que, dans cette alliance, plusieurs fois, Israël s’est caractérisé par son infidélité, par sa prostitution. L’histoire d’Israël à travers les livres historiques et prophétiques nous renseigne suffisamment. On peut lire avec beaucoup d’intérêt les premiers chapitres du livre du prophète Osée, en interprétant sa relation avec son épouse Gomer, comme le prototype de la relation tumultueuse de Dieu avec son peuple Israël. Que demande Dieu au prophète Osée ? Alors que ce dernier reprouve l’idée d’aller avec une prostituée et adultère, voici que Dieu lui demandera d’amener sa femme au désert pour lui parler cœur à cœur et se réconcilier avec elle. Après cette expérience, le Seigneur explique à Osée que c’est ainsi qu’il se comporte avec Israël, pour le prendre à nouveau.

La première leçon qu’on peut tirer de cette expérience du prophète est que l’alliance matrimoniale pour Dieu est irrévocable. Aucune situation ne peut permettre à l’homme (homme ou femme) de répudier son conjoint. Les crises les plus monstrueuses peuvent survenir. Elles ne sont pas au-dessus du serment qui lie un homme et une femme dans le mariage.

La deuxième leçon est que l’adultère est un mal, qui sème la division dans le couple. C’est un péché dont la matière est lourde. L’adultère du peuple était tel que le Seigneur l’obligera à l’exil.

La troisième leçon, pour s’en arrêter là, est qu’une démarche de réconciliation est nécessaire, qui implique d’abord les deux conjoints avant toute envergure communautaire. Le cœur de cette démarche est le pardon, fleuron le plus beau de l’amour.

C’est à la même conclusion que Jésus parvient lorsqu’il dit que l’adultère n’est pas une licence pour répudier sa femme (Mt 19) ou qu’il demande à celui qui n’a jamais péché de jeter la première pierre à la femme adultère.

Ma proposition pour la gestion de l’adultère.

L’Église s’inspire de la Parole de Dieu pour éclairer l’homme sur sa vie avec lui-même, avec Dieu et les autres. L’alliance matrimoniale étant sacrée, une et indissoluble, la solution de l’Église ne sera pas la rupture de l’alliance entre l’homme et la femme. Elle se retrouverait immédiatement en contradiction avec la Parole de Dieu. Le chrétien qui préconisera la séparation du couple en cas d’adultère n’est pas dans la vérité de la révélation. Il se nourrit plutôt de la sagesse humaine, bien loin de celle divine. L’Église recommande plutôt le pardon comme ultime moyen de gestion véritable de l’infidélité dans le mariage. Ce pardon suppose un cheminement avec l’un et l’autre et avec le couple. Pour que ce pardon advienne, il faut quelques étapes.

1ère étape : le temps de la séparation.

Il ne s’agit pas d’une séparation-absence, mais d’une séparation qui fera ressentir la douleur de l’absence de l’autre et, en même temps, permettra mieux à nourrir l’amour asséché. Cette séparation permettra tant à l’homme que la femme de digérer le mal qui est fait pour ne pas prendre des décisions sous regrettables sous le coup de l’émotion.

Cette séparation trouve sa justification dans l’exil du peuple, période au cours de laquelle le peuple prend conscience de l’irremplaçable place de Dieu dans sa vie. Bien souvent, on parle du pardon en occultant cette thérapie qui a l’avantage de faire prendre conscience. Si les sages communautaires rejettent la proposition du pardon, c’est justement qu’elle semble trop facile et ne permet pas de prendre conscience de la gravité du fait. La séparation temporaire peut donc être un palliatif heureux à leur résistance.

D’ailleurs, nombreuses sont les personnes qui, une fois éloignées momentanément de leurs conjoints, retrouvent son importance pour leur propre vie. « Mon mari me manque, ma femme me manque », disent-ils avec beaucoup d’émotion. C’est donc un temps idéal de remise à jour de l’amour provoqué par l’absence de l’autre. En ce moment, l’un est présent à l’autre par l’attention silencieuse et surtout par la prière.

2e étape : le temps de la retraite

Dieu propose à Osée de reprendre sa femme et de l’amener au désert, pour lui parler seul à seul et toucher son cœur. L’adultère est sans conteste une trahison qui provoque une grande blessure. Si le temps de la séparation panse la blessure, le temps de la retraite permet de se redécouvrir, de se réconcilier et de se rappeler l’amour de la jeunesse.

C’est le moment de vérité pour le couple, condition sine qua non de l’impossibilité du pardon. Le fautif doit reconnaître son forfait et en demander pardon. Mais aussi la victime doit reconnaître sa part de responsabilité dans le péché de l’autre en demandant pardon. À ce niveau précisément, la partie lésée ne se reproche souvent rien et pourtant, une grande partie de la responsabilité lui incombe, pour peu qu’il fasse un examen de conscience honnête de sa présence aux côtés de son conjoint. C’est un moment de vérité, donc d’humilité où l’on ne se cache rien.

C’est aussi un moment de nouveau départ, avec de nouvelles décisions. C’est un temps de prières intenses, pour se tourner vers Dieu et recevoir de lui un souffle nouveau. N’oublions jamais que Dieu est un protagoniste essentiel de notre vie de couple. Ce temps de retraite doit se vivre loin de tous et de son milieu ordinaire de vie. Pourquoi ne pas aller dans un monastère ou tout autre lieu de retraite pour une semaine de dialogue conjugal ? Le dernier acte de ce moment est la réconciliation avec Dieu, à travers le sacrement de la pénitence. L’un et l’autre devront se confesser pour que la grâce vivifiante de Dieu les purifie des conséquences de ce péché.

Dernière étape : l’étape de la vie commune

La vie doit reprendre entre les conjoints, sur la base de la vérité qui est un attribut de l’amour. L’amour est véridique. Cette reprise nécessite un effort de ne pas ressasser le passé. Il peut envenimer plus dangereusement le présent. Il faut croire en la conversion de l’autre en sauvegardant sa liberté et sa dignité au milieu des autres. La tâche ici revient à l’offensé de surmonter le passé. Plus que quiconque, c’est à lui de donner confiance à son conjoint et en lui montrant combien il croit en lui. Le dialogue avec Dieu (prière commune) et le dialogue entre époux (devoir de s’asseoir) joueront un rôle de premier plan. C’est à ce niveau que la mission évangélisatrice du couple commence.

En surmontant l’infidélité d’un conjoint, en l’aimant plus, en vivant une profonde communion rendue possible par le pardon, le couple chrétien édifiera les autres membres de la société. Ils pourront devenir des exemples et des incarnations de l’Évangile dans leur société. Ce n’est que ce témoignage que le monde atteint de nous pour oser la solution de l’Église. C’est la vérité de cette pratique chrétienne qui permettra un dialogue franc avec les méthodes traditionnelles de gestion de l’infidélité. Elles n’attendent que notre exemple pour s’ouvrir à la miséricorde que prêche l’Église en pareilles circonstances.

Il manquera quelque chose d’essentiel à ce partage si l’on ne met pas l’accent sur les moyens pour que le pire n’advienne pas. Ce sera l’objet d’une autre présentation. Prions pour les couples éprouvés par le péché de l’adultère. Que Dieu leur donne la grâce de surmonter cette crise. Prions pour nous-mêmes. Que nous soyons des exemples de fidélité pour les autres. Prions aussi pour que l’Esprit du Christ accompagne les efforts de réconciliation qui se font ici et là. Amen.

Vous aimez cet article ? Donnez lui 5 étoiles
  [Moyenne : 4.4]
Print Friendly, PDF & Email

Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 16 commentaires

  1. Carmelia

    J’aimerais savoir si les messages sont confidentiel vraiment parce que je voudrais exposer un cas que je ne souhaite pas voir sur la place publique. Où alors serait il possible ‘avoir le contact du prête pour en discuter ? 96 38 48 82 c’ est mon contact

    1. Abbé Jean Oussou-Kicho

      Bonjour Carmelia. Le livechat est actif et est très confidentiel. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

      1. BADOTODE KOKOU Georges

        Bonjour mon père et merci pour le partage.
        Je suis sidéré par le contenu de cet article.
        Que le Seigneur bénisse davantage votre sacerdoce !!!

  2. Frère Hervé

    Bonsoir Carmelia. Non ici les messages sont publics. Si vous voulez un entretien en toute confidentialité, il faut vous servir du chat (petite fenêtre bleue en bas) lorsque quelqu’un est disponible pour vous répondre. Lorsqu’il y a un point rouge c’est qu’il n’y a aucune personne à l’écoute.

  3. Marguerite NOUDEDJI GANGNON

    Merci mon Père pour ce partage édifiant. Que le Seigneur nous assiste dans nos différents foyers

  4. Nicaise ZINSOU

    Très édifiant ce enseignement ; très lyrique ,pragmatique et profond.
    Inévitablement , l Esprit Saint est passé par là alors , Bravo au Père et Merci de toujours nous enrichir de connaissances mais , surtout de fertiliser notre foi

  5. AGBEMAVO Codjo Florent

    Cette affaire d’adultère là, puisse Dieu nous prendre vraiment en pitié.
    Voilà une de mes préoccupations : quelle a été la place de la polygamie dans la société juive depuis la création ?

  6. Sylvain Marie-Pio du Sacré-Cœur

    La force de Dieu vienne à notre secours.

    Ave Maria !

  7. MOUKAM SIDOUM RIFAIN

    Il y a aussi un passage dans le nouveau testament qui propose la séparation. Lorsque st Paul dit que l’homme ne répudie pas sa femme sauf en cas d’infidélité, qu’est-ce que ça veut dire?

    Merci!

    1. Frère Hervé

      Bonjour,
      Citer saint Paul est bien mais donner la référence aurait été mieux ! A quelle verset faites-vous allusion ?
      Je ne connais en effet AUCUN verset de cet auteur qui permette la répudiation ou le divorce !
      Au contraire, il enseigne : « A ceux qui sont mariés j’ordonne (non pas moi, mais le Seigneur) que la femme ne se sépare pas de son mari – et si de fait elle en est séparée, qu’elle reste seule ou qu’elle se réconcilie avec son mari -, et que le mari ne renvoie pas sa femme » (1 Co 7,10-11)
      Soyez béni.

  8. DEGUENON Marima

    Et si l’adultère devient répétitif?

    1. Frère Hervé

      C’est une souffrance qu’il faudra porter et offrir au Seigneur.

  9. Bonsoir Monsieur l'Abbé. Connaissez-vous le Pere Kicho Aimé

    Je n’ai pas de commentaire particulier à faire sauf de dire que l’infidelité est de regle aujourd’hui d’une façon générale à peu d’exception près surtout dans les grandes villes comme Cotonou. La distribution des préservatifs jusqu’ aux enfants pour se protéger contre le sida favorise l’adultère. Pas de maladies sexuelles , pas de grossesse, pas de traces , La demande est forte et l’offre est abondante surtout dans les bureaux.

  10. André Pierre Claver alias Jagbo.

    Cette situation met les couples chretiens notamment à rudes épreuves. Je pense qu’il faut y réfléchir. Merci.

  11. Bonsoir Monsieur l'Abbé. Connaissez-vous le Pere Kicho Aimé

    Je n’ai pas de commentaire particulier à faire sauf de dire que l’infidelité est de regle aujourd’hui d’une façon générale à peu d’exception près surtout dans les grandes villes comme Cotonou. La distribution des préservatifs jusqu’ aux enfants pour se protéger contre le sida favorise l’adultère. Pas de maladies sexuelles , pas de grossesse, pas de traces , La demande est forte et l’offre est abondante surtout dans les bureaux. La suite se trouve dans un autre espace de commentaire.

  12. sekpe christian

    Merci cher père pour l’éclaircissement mais j’ai une inquiétude à ce propos. Dans certaines familles ,quand une femme commet l’adultere,l’homme ne doit plus la reprendre sinon il mourait ? voilà que Dieu nous demande le pardon réciproque. Etant catholique et étant issu d’une famille pareille, qu’allons-nous faire si de pareils cas arrivent dans notre couple ?

Les commentaires sont fermés.