Un prêtre peut-il violer le secret de la confession ?

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Synthèse pour le lecteur pressé

Peut-il arriver qu’après une confession, le prêtre dénonce un coupable pour réparer une injustice sociale ? La réponse est négative pour la simple raison qu’il est lié par un sceau sacramentel qui ne l’autorise, pour aucun motif que ce soit, de révéler même une petite partie du secret de la confession. Le fait de garder ce secret n’encourage aucunement le mal. Car la confession est plus entre Dieu et le pénitent. Le prêtre n’est qu’un instrument qui est dans son rôle. L’État devrait rester dans le sien. En violant ce secret, il encourt une excommunication « latae sententiae »

Frères et sœurs, un témoignage récent d’un certain prêtre nommé Isaac a semé le trouble dans tous les cœurs. En effet, il voulait savoir s’il peut violer le secret de la confession d’un pénitent, vrai coupable de l’empoisonnement et de la mort d’un homme, alors que sa sœur, accusée injustement d’homicide, écopait d’une sanction pénale de 30 ans d’emprisonnement ferme. Je doute fort de l’authenticité des faits, car un prêtre n’osera jamais mettre sur les réseaux sociaux une question aussi sensible sans qu’il ne soit traité de manquer de jugement et de discernement.

Cependant, je me saisis de la question pour la considérer en dehors d’une histoire qui a toutes les qualités sauf d’être vraisemblable.

J’ai lu avec intérêt les différentes réponses proposées. Les uns lui conseillaient de garder le secret de la confession et de laisser la justice divine agir ; d’autres, par contre, lui suggéraient d’informer la justice ou son hiérarchie au plus tôt, au nom même de ce même Dieu qui n’aime pas l’injustice. Je voudrais vous donner une réponse claire à ce sujet.

Conditions pour dévoiler le secret de la confession ?

Le Code de droit canonique de l’Église catholique dit : « Le secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce soit » (Can. 983, § 1). Selon cette loi ecclésiale sur la confession, le prêtre ne peut jamais faire connaître la confession d’un pénitent. L’expression « inviolable » rend absolu ce secret, de sorte que, dès qu’un chrétien se met dans la posture du pénitent, depuis le « Bénissez-moi mon père parce que j’ai péché », jusqu’à la fin où le prêtre dit « Va dans la paix », tout ce qu’il dit est sous le sceau du secret entre Dieu, le pénitent et le prêtre.

Quand bien même le pénitent dit ses péchés et repart sans attendre les conseils et l’absolution, nous sommes déjà dans le secret sacramentel. À ce niveau, me faut-il le préciser, toute la confession ou bien une partie de la confession, est sous secret sacramentel. En aucun cas et pour aucune raison, le prêtre ne peut révéler, même si c’est pour rétablir une justice humaine, ce qui a été dit entre le pénitent et lui. Il ne peut non plus passer par personne interposée pour le faire, car ce faisant, il dévoile le secret à une tierce personne. Nous sommes dans le for interne, dans une relation avec Dieu, dans un domaine spirituel, donc spécifique, en sorte que l’État n’a même pas le droit de légiférer en cette matière pour que les prêtres livrent les coupables qui viennent se confesser à eux. Tout prêtre serait prêt à donner sa vie pour ne tomber dans ce piège. Trahir le secret du confessionnal, c’est ni plus ni moins montrer que Dieu est un traître, d’autant qu’au travers des oreilles du prêtre, c’est à Dieu que le pénitent s’adresse.

Sanction contre le dévoilement du secret de la confession

Le droit canonique de l’Église, en cette matière, est ferme : « Le confesseur qui viole directement le secret sacramentel encourt l’excommunication latae sententiae réservée au Siège Apostolique » (Can 1388, §1). Il faut bien comprendre la gravité des propos du droit quant à la sanction qui pèse sur le prêtre qui trahit le secret de la confession. L’excommunication signifie qu’il n’est plus dans la communion de l’Église. Il perd ses prérogatives de prêtre. On peut retorquer que si personne ne sait, le prêtre n’est pas inquiété. Il lui suffira d’être diplomate pour que personne n’apprenne que c’est lui qui a informé la police. Le droit, en considération de cette possibilité, ajoute une expression incompréhensible pour le commun des fidèles et que je vais paraphraser pour tous. Il s’agit de « latae sententiae ».  L’ « excommunication latae sententiae » veut dire que la sanction d’excommunication s’applique automatiquement à la personne qui viole le secret de la confession, sans qu’aucune autorité ne la lui signifie officiellement. Les excommunications latae sententiae s’appliquent en même temps que l’acte délictueux est posé et n’adviennent que dans les cas d’extrême gravité de délit. Si la peine est donc la perte de l’état clérical et l’excommunication, on perçoit l’absolu du secret à garder, quelles qu’en soient les pressions de la conscience et le souci de justice. Tous les prêtres le savent et en ont une vive conscience.

Le secret de la confession : un encouragement du mal ?

Aux deux questions, je réponds volontiers non. Garder le secret confessionnel ne signifie pas qu’on encourage le mal. Le prêtre est libre de donner l’absolution ou non. Pour donner l’absolution, il doit remarquer au moins que le pénitent regrette sincèrement son péché, qu’il a confessé sincèrement son péché, qu’il formule sincèrement le propos ferme de ne pas recommencer et de réparer son sort. Réparer signifie rétablir une situation d’injustice. Même si, par défaut de ces critères, il lui refusait l’absolution, il ne peut exposer sa confession, au motif que, du fait qu’il n’est pas pardonné, il n’y a pas eu confession. De manière plus général, le confessionnal n’est pas un tribunal de condamnation, mais de libération ; il n’est pas le lieu de prospection du mal qu’a fait le pénitent mais le lieu de le réconcilier avec son Dieu, les autres et lui-même.

Nous sommes dans le fond en présence de deux justices dont les domaines d’expression sont fort différents : la justice divine et la justice humaine. La première relève du for interne, donc de la relation immédiate entre Dieu et le croyant, le prêtre n’étant qu’un instrument ; la seconde relève du for externe, donc de la relation entre le citoyen et l’État. Ce dernier a ses moyens propres pour rendre la justice et il ne faut pas se servir du moyen de la justice divine (confession) pour livrer ceux qui recourent au pardon de Dieu comme aussi on ne peut se servir des moyens de la justice humaine pour contraindre un coupable à recourir à la confession.

C’est dire que les deux domaines sont séparés. D’ailleurs, même si le prêtre révélait le secret (ce qui est extrêmement rare), ce ne peut avoir une valeur juridique car le pénitent peut nier que ce soit lui, même si c’est sous les caméras. De même la justice peut établir la culpabilité de quelqu’un sans qu’il ne sente la nécessité d’aller se confesser. Les deux domaines sont séparés.

En conclusion, un prêtre ne peut livrer le secret de la confession, au nom d’une justice humaine. Si nous reconnaissons la séparation étanche du temporel et ses moyens avec le spirituel et ses moyens, il faut conclure que les deux domaines doivent s’investir pour rétablir la justice chacun selon ses moyens, la justice divine d’un côté et celle humaine de l’autre. Autrement, donner la possibilité de trahir le secret de la confession, c’est détruire le sacrement de la vie, car plus personne n’y recourra.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cette publication a un commentaire

  1. Grégoire DIMEKOI

    Merci beaucoup mon père pour l’éclairage. Que Dieu vous bénisse abondamment

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