Marie est-elle restée vierge ou Jésus a-t-il eu des frères ?

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L’Église nous enseigne que Marie est perpétuellement vierge. Cela signifie qu’elle n’a pas eu d’autres enfants ? Mais alors pourquoi parle-t-on des frères de Jésus ?


Attention: Ce texte est long. Il est un extrait du livre 100 Questions-Réponses écrit par les pères Jean et Guillaume OUSSOU-KICHO. Lisez, si vous avec la soif de voir clair dans la polémique qui touche aux autres enfants qu’aurait mis au monde Marie. Se munir obligatoirement de sa Bible. La route est longue.

L’Église catholique enseigne la virginité perpétuelle de Marie, avant, pendant et après la naissance de Marie : « La liturgie de l’Église célèbre Marie comme la Aeiparthenos, “toujours vierge” » (CEC 499). Beaucoup de nos frères, en partant de la Bible, rejettent cette vérité de foi de l’Église . Ils évoquent bien souvent les passages des évangiles où l’on parle des frères de Jésus, en particulier Mt 12, 46-47, ou Mc 6, 2-3 ou Mt 13, 55-56. Voici par exemple Mt 13, 55-56b : « Celui-là (Jésus) n’est-il pas le fils du charpentier ? N’a-t-il pas pour mère la nommée Marie, et pour frères Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs, ne sont-elles pas toutes chez nous ? » En se fondant sur des passages de ce genre, ils affirment, contrairement à l’enseignement de l’Église, que Marie a eu d’autres enfants, et par conséquent, n’est pas restée « perpétuellement vierge ».

Pour répondre de manière convaincante à cette question, nous allons exploiter les mêmes textes que les opposants à la virginité de Marie, en revisitant, synthétiquement bien sûr mais de façon à rendre claire, la signification de l’expression « frères ». Nous considérerons l’expression, non seulement dans l’Ancien Testament, mais aussi dans le cadre général du Nouveau et particulièrement dans les textes évangéliques ci-dessus évoqués. De la même manière, nous nous intéresserons à deux figures importantes de certains passages évangéliques enrichissants pour les précisions qu’ils apportent à la distinction entre elles de ces figures.

Dans l’Ancien Testament

Le mot « frère », utilisé plus de cinq cent fois, a une multiplicité de sens et suppose presque toujours un lien.

Suivant le lien de la parenté ou de sang : « frères » désigne les membres de la même famille : oncle, neveu, cousin, etc. (ex : Dans Gn 13, 8, Abraham qui est l’oncle de Lot, le désigne comme son frère : « Abram dit à Lot : Qu’il n’y ait pas de discorde entre moi et toi, entre mes pâtres et les tiens, car nous sommes des frères ». Dans le livre de la Genèse, Lot qui est le neveu d’Abraham (Gn 11, 26-28) et Jacob qui est neveu de Laban (Gn 29, 10) sont appelés les « frères » de leurs oncles) ;

Suivant le lien ancestral : « frères » désigne les hommes du même clan, de la même tribu, du même peuple (l’ancêtre est ici selon le cas l’un des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, ou les douze fils de Jacob, etc.) ;

Suivant le lien religieux : « frère » désigne les participants au même culte (le lien ici est Dieu). C’est parce qu’ils sont adorateurs du même Dieu qu’ils se reconnaissent tous comme frères, sans considération de langue, de race, de région, etc. Exemple : Dt 23, 8 : un Édomite participant au culte synagogal devient le frère du Juif.

• L’expression « frère » va jusqu’à désigner soit des amis (ex. : 2 S 1, 26 : David nomme son ami Jonathan son frère) ou des collègues dans une fonction (ex : 1 R 9, 13 : Hiram le roi de Tyr appelle Salomon le roi d’Israël son frère. Dans 1 R 20, 32, « les rois vassaux se disaient serviteurs de leur souverains, les rois de même puissance se traitaient mutuellement de frères ».

D’autres références de l’AT les unes aussi utiles que les autres nous éclairent sur la variation de sens de l’expression « frères » dans le monde juif (2 R 10, 13-14 ; Jr 34, 9 ; Am 1, 9). Le mot « frère » fait appel au lien. 

Par contre, lorsqu’on veut parler de « frère », dans le sens utérin, on dit « fils de sa mère » ou dans le sens « consanguin » on dit « fils de son père ». (ex : Dt 13, 7 « Si ton frère, fils de ton père ou fils de ta mère… » ; Dt 27, 22 : « Maudit soit celui qui couche avec sa sœur, fille de son père ou fille de sa mère… »

Ce détour dans l’AT nous montre combien le terme « frère » est élastique et sous quel terme on désigne « ceux qui partagent un même père ou une même mère ».

Dans le Nouveau Testament

Nous avons la persistance de cette même signification de l’expression « frère » dans le Nouveau Testament.

  • S’adressant à ses disciples, Jésus dit : « Pour vous, ne vous faites pas appeler ‘’Rabbi’’ : car vous n’avez qu’un Maître, et tous, vous êtes des frères » (Mt 23, 9) : le lien qui unit les disciples dans la fraternité, c’est qu’ils ont tous en partage un même Maître.

  • ou bien « Mon frère, ma sœur et ma mère, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (Mt 12, 49-50). Le lien constitutif de la fraternité est l’écoute de la Parole de Dieu.

  • Dans les Actes des Apôtres, Étienne commence son discours par l’expression « frères », et parle de Moïse comme celui qui rend visite à « ses frères, les Israélites ». Étienne fait ici référence à l’ancêtre Abraham ou Jacob en qui chaque juif reconnaît l’autre comme son frère, parce qu’ils sont tous originairement descendants d’un même père.

  • L’expression est très caractéristique chez saint Paul : ce sont les membres de la communauté des croyants au Christ.

En conclusion, on retient que partout, le mot « frère » désigne ceux qui se reconnaissent comme appartenant à un même corps, étant liés par une même corde : familiale, sociale, religieuse, professionnelle, ou des personnes unies dans un même intérêt, dans une vocation commune, etc. Presque jamais, il ne désigne les fils nés d’un même parent. À ce niveau déjà, nous avons la réponse à notre question. Mais pour plus de clarté, nous poussons un peu plus loin notre enquête.

Distinguer les « Marie » pour distinguer leurs enfants

En nous intéressant au cas spécifique de Marie dans la Sainte-Famille, plusieurs indices nous suggèrent qu’elle n’a pas eu d’autres enfants à part Jésus. L’évangile de Matthieu parle des frères et sœurs de Jésus (Mt 13, 55-56b) en donnant même quelques noms : Jacques et Joseph (et Simon et Jude ). Il nous faut immédiatement lever l’équivoque consistant à trouver que les personnes nommées en Mt 13, 55 sont les frères de Jésus, c’est-à-dire « fils de sa mère ». Les lignes suivantes tracent la logique qui fonde notre conviction.

Une lecture croisée de Mt 27, 55-56 et de Jn 19, 25 nous éclaire. En Mt 27, 55-56, nous lisons : « Il y avait de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient, entre autres Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée ». L’argument qui consiste à considérer Jacques et Joseph comme les enfants de Marie, la Mère de Jésus, vole en éclat, à la lumière de ce verset. La première raison est que l’évangéliste voit bien le risque de la confusion et donne des indices pour distinguer les « Marie » entre elles. Plus important encore : l’évangéliste a voulu distinguer les Marie en ajoutant ceux qui les caractérisent. Il y a Marie de Magdala et Marie, mère de Jacques et de Joseph. Ces deux noms qui caractérisent la dernière « Marie » sont les mêmes cités dans Mt 13, 55. Il n’a pas inclus dans cette liste le nom de Jésus. Le constat est de taille ici.

Pour voir plus clair, on peut aussi essayer de distinguer les trois « Marie » au pied de la croix de Jésus. En effet, en Jn 19, 25, nous lisons : « Or près de la croix de Jésus, se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala ». La « Marie, mère de Jacques et de Joseph » en Mt 27, 55-56 désigne la même personne que « la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas » en Jn 19, 25. Si Marie, la femme de Clopas est la sœur – entendez ‘’cousine’’ – de Marie, la mère de Jésus, elle se trouvera en conséquence dans une position de « tante » vis-à-vis de Jésus . Du coup, ses enfants, Joseph et Jacques, neveux de la Mère de Jésus, sont cousins de ce dernier.

Or il n’y a pas autre expression dans la langue araméenne du temps de Jésus pour désigner le cousin sinon celle de frère. On comprend donc que les deux « Marie » (Mère de Jésus et femme de Clopas) sont des cousines, donc des sœurs ; logiquement, leurs enfants sont des cousins, donc des frères. Il est dans la normalité des choses, que l’on appelle Jacques, Joseph, les « frères du Seigneur », sans insinuer qu’ils soient ipso facto les « fils de la mère » de Jésus.

Autres constats dans les évangiles

À un autre niveau de l’argumentation, il convient de faire attention à la relation unique existant entre Marie et Jésus. Deux remarques sont à relever ici : nulle part dans les évangiles on ne nomme les frères de Jésus les « fils de sa mère » ; de la même façon, on ne retrouve curieusement, comme derniers témoins des dernières heures du Christ, que sa Mère et le disciple qu’il aimait. On ne voit ni Joseph ni les supposés frères utérins de Jésus. On peut conclure donc que Marie était déjà veuve. Si Jésus avait d’autres frères, à l’heure de sa mort, la protection de la mère, selon la tradition juive, revenait de droit au plus âgé des cadets. Or choses curieuses, Jésus ne confie sa mère à aucun de ses « supposés » frères mais seulement au disciple qu’il aimait. C’est dire qu’il n’avait pas de frères qui auraient la légitimité légale de s’occuper de sa mère.

Au total, à travers la quête de sens de l’expression « frère » dans la Bible, les relations de parenté existantes entre Marie la Mère de Jésus et Marie la Mère de Jacques et de Joseph, et les relations uniques entre Jésus et sa mère, nous aboutissons à la conclusion que Marie n’a eu pour fils que Jésus. Une telle reconnaissance éclaire mieux sur la nature de sa virginité, que nous verrons dans les questions qui suivent. Le Catéchisme de l’Église est formel dans son enseignement à ce sujet. Il dit : « L’Église a toujours compris ces passages (ceux parlant des frères et sœurs de Jésus) comme ne désignant pas d’autres enfants de la Vierge Marie : en effet Jacques et Joseph, “frères de Jésus” (Mt 13, 55) sont les fils d’une Marie disciple du Christ qui est désignée de manière significative comme “l’autre Marie” (Mt 28,1). Il s’agit de proches parents de Jésus, selon une expression connue de l’AT » (CEC 500).

Implication

Un passage biblique ne se comprend réellement que dans un contexte donné. Il arrive souvent que l’on se trompe dans l’interprétation de la Parole de Dieu quand on sort le texte de son contexte, ou quand on étudie une expression en ignorant l’histoire de ses significations dans les Écritures. Il nous faut aussi souligner que le sens du « frère » disparaît de plus en plus à cause de la disparition du sens de la famille aujourd’hui. Pour redécouvrir le sens de la fraternité dont il est question dans les évangiles à propos de Jésus, il nous faut corriger notre rapport à l’autre, non seulement dans la famille, mais dans tous les milieux humains où nous sommes liés aux autres par le partage d’une même vision ou simplement d’un même lien identitaire.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 15 commentaires

  1. GLIDJA Gyslain

    Je suis tellement séduit par la démonstration du thème « frère de Jésus ».

  2. Tsasa Benjamin

    Merci pour l’éclaircissement,parfois nous avons du mal à expliquer au non catholique que un homme et une femme peuvent décidés à rester chaste. Maintenant j’ai les arguments pour éclairer les autres

  3. Renaud

    Exceptionnel, merci mon père. Je trouve cela très édifiant.

  4. Jules Koffi

    Une démonstration exceptionnelle. Merci mon père !

  5. Fodjo Désiré

    Très édifiant cette démonstration !
    Je suis en Côte d’ivoire.
    Où est-ce qu’on peut avoir le livre ,100 questions ” du père ????

    1. Abbé Jean Oussou-Kicho

      Nous avons fait la promotion du livre précisément à Abidjan. En stock, c’est épuisé. A moins d’une nouvelle édition. C’est un livre de 500 pages

  6. Kambou

    Super bien agencé. Je reste conforté dans ma foi en Christ fils unique du Père né de la Vierge Marie. Paix et joie

    1. Grégoire DIMEKOI

      Je suis tellement séduit de la démonstration de sujets”frère de Jésus”merci beaucoup que Dieu vous bénisse abondamment

  7. Timocresse Périne TONON

    Merci beaucoup chers pères pour vos efforts quotidien pour notre maturation spirituelle

  8. Azon

    Merci Abbé pour cet exercice qui nous éclaire.
    Cependant, j’ai besoin d’une explication: Matthieu: 1.25 Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.

  9. TCHEAGNON Mahulé Franc

    Je suis ragaillardi de tous les efforts fournis pour nous donner ces enseignements.
    N. fois merci pour ce que vous ne cessez de faire afin de consolider la foi chrétienne.

  10. Kougnissoude Khrisologue

    Oui je suis ravi de savoir la vérité

  11. SABI DESSIGUI

    Bonjour mon Père, je bénis le Seigneur pour pour ministère. Comment trouver le le livre 100 questions-reponses et c’est à combien ?

    1. Abbé Jean Oussou-Kicho

      Le stock de la 4e édition vient de s’épuiser. En relecture pour parution prochaine. Vous serez informé immanquablement.

  12. Dieumerci Gaspard Migabo

    Merci infiniment mon Père pour cette nourriture. Dans l’histoire de frères de Jésus, j’étais perdu total…je ne savais pas comment me défendre. Maintenant là je viens de trouver des arguments. Je suis de la RDCongo, Mon Père je ne sais pas comment trouver ce livre.

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