Le fruit défendu : la pomme ou le sexe ?

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Dans le livre de la Genèse, le Seigneur permet à l’homme de manger tous les fruits des arbres du jardin sauf celui de l’arbre de la connaissance du bien et du mal sinon il mourra. Pour nous chrétiens d’aujourd’hui, ce fruit défendu est-il visible ou invisible ? Quel est ce fruit ? de quelle mort s’agit-il ?

Mes frères et sœurs du groupe « Un Prêtre vous répond », je voudrais rebondir sur une question d’un membre, à cause des multiples contresens des interprétations fantaisistes de ce texte. Je prends donc sur moi de vous donner la bonne interprétation.

Après avoir formé l’homme avec la terre et lui avoir insufflé le souffle de vie, l’homme devint un être vivant et Dieu le conduisit dans le jardin qu’il avait planté pour lui. Dieu lui donna de manger tous les fruits des arbres, en lui interdisant un seul : le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Dieu dit précisément : « Tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras » (Gn 2, 17).

Le fruit : une pomme ?

Il arrive souvent que le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal soit représenté par une pomme. Cependant, force est de reconnaître qu’il ne s’est jamais agi d’un pommier. La référence à la pomme est dû à ceci que, en latin, le mot « fruit » se traduit par le mot « pomum ». Les artistes ont cru juste de représenter le fruit en traduisant « Pomum » par « Pomme », ce qui fait qu’aujourd’hui, on parle d’une pomme. Sinon, le pommier que nous connaissons aujourd’hui se traduit en latin par « malus » qui se trouve être aussi l’adjectif pouvant être traduit en français par « mal, mauvais ». Alors le péché (originel) s’est traduit comme une mauvaise pomme mangée par nos premiers parents.

Le fruit : l’acte sexuel ?

C’est le glissement de cette interprétation qui a conduit beaucoup de personnes à penser que cette pomme mauvaise « au milieu du jardin » serait l’acte sexuel dont la connaissance serait mortelle pour l’homme, en sorte qu’il y a toujours une conception persistante de péché dans l’acte sexuel, même dans le mariage. Oui l’acte sexuel en dehors du mariage est un péché contre les 6e et 9e commandements. Dieu a pourtant dit à l’homme et la femme qu’il a unis une parole dont la conséquence implique la permission de l’union sexuelle : « Dieu les (homme et femme) bénit et leur dit : soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre… » (Gn 1, 28). L’ordre d’être fécond et de se multiplier implique une relation qui favorise la fécondité et la multiplication ». Dieu ne peut pas vouloir une chose et son contraire en même temps et sous le même rapport. Donc, évacuons l’interprétation que le fruit défendu est l’acte sexuel.

Si le fruit de la connaissance du bien et du mal n’est pas la pomme, ni l’acte sexuel, quel est-il alors ?  Là réside toute la problématique.

Le fruit : un péché particulier ?

Il est intéressant de revenir sur le dialogue entre le serpent et la femme, car ce dialogue a conduit au premier péché. Décryptons alors. Voici le texte :

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l’Eternel avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence ; elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son marie qui était auprès d’elle, et il en mangea.

Le dialogue est engagé par le serpent et, à la vérité, la femme a bien répondu à sa question. Nous pouvons manger de tous les fruits sauf celui de l’arbre qui est au milieu du jardin, sinon nous mourrons. Le serpent rebondit sur l’ordre de Dieu et insinuant que Dieu a menti à l’homme : « Vous ne mourrez point » et ne veut pas leur bien : « Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et que vous serez comme des dieux… ». Autrement dit, Dieu ne veut pas que vous soyez comme lui. Il ne vous aime pas comme il le prétend. Il veut votre mal sinon, il vous aurait permis de manger de ce fruit pour être comme lui. Voilà la parfaite stratégie pour introduire tous les hommes dans le péché. La conséquence de la déclaration du serpent est que la femme a commencé par reconsidérer le fruit de l’arbre, trouvant qu’il était beau et bon et même précieux pour ouvrir l’intelligence. Elle en a pris pour sa consommation et l’a donné à l’homme. La femme a donc cru aux allégations du serpent contre les injonctions de Dieu. Je m’en arrête là pour une petite synthèse.

En peu de mots, le serpent (reste à savoir où se trouve le vrai serpent) a introduit une subversion, un soupçon en l’homme à propos de Dieu. Dieu ne voudrait pas le bien de l’homme. Du coup, si Dieu ne veut pas le bien de l’homme, si Dieu ne veut pas le meilleur pour moi, pourquoi continuer à le suivre ? Le fruit défendu est la validation de ce soupçon de l’esprit malin par l’homme. Chaque fois que nous mangeons ce fruit, chaque fois que nous acceptons la pensée que Dieu est contre nous, qu’il nous limite pour nous faire du mal, nous commettons le péché. Le fruit n’est donc pas tant le péché que ce qui y conduit : le soupçon, la suspicion. Le péché ne viendrait jamais dans la vie de l’homme s’il ne changeait pas de regard sur Dieu. L’histoire de la tour de Babel est du même ordre. Les hommes s’unissent pour construire une tour qui les conduira à Dieu. Ils veulent devenir Dieu sans Dieu lui-même et contre lui. On comprend que Dieu les disperse pour leur propre bien.

Le fruit n’est pas une pomme, ni l’acte sexuel. Ce n’est pas visible. La mort dont il est question, c’est la sortie du jardin d’Eden, la perte de l’amitié de Dieu. La mort n’est pas physiologique mais spirituelle : la rupture de la communion avec Dieu. J’y reviendrai une autre fois. Le texte est beaucoup plus riche qu’on ne le croit.

Mes frères, il faut lire plusieurs fois cette explication pour comprendre la pertinence du fruit interdit et se libérer des interprétations erronées qui perdurent. S’il y a des difficultés, vous pouvez poser des questions et je vous l’expliquerai. Gardons simplement que la source de tous les péchés du monde, c’est le soupçon qui nous conduit à nous préférer à Dieu, à nous placer au-dessus de Dieu, à commettre le péché.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cet article a 9 commentaires

  1. Léandre Mahuton

    Pourquoi l’abre n’a pas été appelé l’abre de la connaissance du mal?
    Quand n’est il de l’abre de vie aussi présent dans le jardin?

    1. Léandre Mahuton

      Ceci dit aucours d’une journée on peu plusieurs foi entrer et sortir du jardin d’Eden car lorsqu’on pèche on sort du jardin et après réconciliation avec Dieu on entre à nouveau dans le jardin. Merci de m’éclairer

      1. Abbé Jean Oussou-Kicho

        Merci Léandre pour ta réflexion. Mais sache que chaque péché grave nous éloigne de Dieu. C’est seulement par la confession que la communion entre Dieu et nous se rétablit.

    2. Abbé Jean Oussou-Kicho

      La sphère du bien et du mal, dans sa réalité, appartient à Dieu seul. Cela rappelle la parabole de l’ivraie dans le champ. Les disciples demandaient à ôter immédiatement l’ivraie. Mais Dieu se réserve cette décision. “Laissez-les pousser ensemble, jusqu’au moment de la moisson, et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs: Ramassez d’abord l’ivraie et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier (Mt 13, 24-30).

      Il n’appartient pas à l’homme de définir ce qui fera son bonheur. C’est Dieu qui le lui trace. Pour peu que l’homme obéisse à Dieu, il sera dans le bonheur. Mais s’il se sépare de Dieu, agissant en bafouant le commandement de Dieu, il se met en difficulté. Car sa raison, à lui seule, n’est pas suffisamment éclairée si elle s’éloigne de Dieu.

      L’appellation “arbre de la connaissance du bien et du mal” signifie “discernement divin”. Les deux mots sont importants.

  2. Kouss

    Merci beaucoup Padre pour cet article très enrichissant et qui permet de voir ce texte sous un meilleur angle

  3. LOGOZO Eudesse

    Merci infiniment pour cet article. Que Dieu vous bénisse

  4. Flavienne OUANDAOGO

    Merci mon Père pour votre réponse qui m’a beaucoup éclairée. Soyez toujours béni ! Que le Seigneur vous fortifie dans cette noble mission qui édifié son peuple !

  5. Jean NKONO

    Je découvre ce site avec beaucoup d’emerveillement. Un vrai et pure délice pour notre edification.
    Sur la question du péché originel, les explications données sont effectivement tellement profondes que pour bien les saisir il faut lire et relire le texte de Monsieur l’abbé.
    L’une des interrogations qui m’est toujours venue à l’esprit sur cette problématique c’est comment Dieu aurait-il pu créer l’homme, créer des conditions pour qu’il soit épanoui, en communion avec lui; et en même temps prévoir (planter) au milieu de tout ceci, ce qui pouvait perdre l’homme ( l’arbre au milieu du jardin)? Un architecte peut-il bâtir et délibérément laisser une fissure qui va détruire toute son oeuvre?
    La chute de l’homme ne vient pas de Dieu qui l’a créé pour une existence impérissable, mais effectivement de la propension de l’homme à se détourner de Dieu, à soupçonner et remettre en cause son amour.

    1. Abbé Jean Oussou-Kicho

      Synthèse plus que pertinente. Un sincere merci a monsieur Jean Nokono.

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