Question difficile autour de la dîme

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Quelle est l’importances des dîmes données à l’Église ? Puis-je prendre ma dîme pour aider les nécessiteux ? Si j’arrête de donner la dîme, serais-je puni par Dieu ?

Ma sœur Geneviève, ta question m’a donné à réfléchir à nouveau sur un sujet à propos duquel je ne donne pas facilement mon opinion. La raison est bien simple : les uns y croient fermement, d’autres n’y accordent que peu d’importance y voyant une astuce des responsables d’Église de dépouiller les fidèles. D’autres pensent que les autres offrandes sont suffisantes et que l’obligation de la dîme est discutable. Alors que certains disent que la dîme est obligatoire, d’autre affirment plutôt qu’elle est facultative.

À côté de cela, ce que disent les prêtres diverge par moment sinon souvent de ce qu’en pensent les communautés évangéliques et parfois charismatiques et les communautés nouvelles catholiques. Les compréhensions sont variées entre fidèles catholiques et les évangélico-catholiques (permets que je traduise la réalité des communautés nouvelles ainsi) et les fidèles charismatiques. Je voudrais tout de suite lever l’équivoque que ce n’est pas l’Église catholique qui a inventé la dîme Pour ma part, je me limiterai simplement aux données bibliques à partir de l’Ancien Testament jusqu’au Nouveau et à ceux de l’histoire, ni plus ni moins. Je ne donnerai que très peu mon avis personnel sur un sujet qui n’a pas fini d’être embarrassant pour les fidèles du Christ.

Ce que nous enseigne l’Ancien Testament

Il y a la dîme remise librement et la dîme imposée. La première fois où l’on parle de dîme dans la Bible, c’est à propos d’Abram qui en Gn 14, 18 remet librement la dixième partie de son but au prêtre Melchisédech, roi de Salem. C’est un acte totalement libre de Abram. Mais la finalité est la bénédiction que reçoit ce dernier. À ce premier niveau, ce n’est pas Dieu qui impose la dîme.

Mais par la suite, la dîme sera imposée par décret divin (Lévitique 17). Dans le livre du Deutéronome, Yahvé dit : « Tu dois absolument donne le dixième de tout ce que ta semence produit dans le champ, d’année en année » Dt 14,22. Dans le livre des Nombres, Dieu demandera au peuple de s’acquitter de la dîme qui constitue le revenu des prêtres et des Lévites (Nb 18, 25-29). Cette dîme sert non seulement à nourrir les prêtres et les lévites mais aussi à venir en aide aux plus faibles et à organiser le culte liturgique.

En effet, quand le peuple de Dieu s’est établi sur la terre d’Israël, ils ont cessé de mener une vie de nomade et sont devenus agriculteurs. Chaque tribu des douze enfants de Jacob ont reçu leur part de terre. Seul Lévi et ses descendants n’ont pas reçu de terre cultivable et habitable, pour le motif qu’ils s’occupaient du culte et de la charité dans le peuple. Donc ils étaient dans les douze tribus. Etant donné qu’ils ne font rien d’autre que prier, aider et offrir des sacrifices, fonctions sacerdotales, Dieu a imposé au peuple de leur apporter la dixième partie de tout ce qu’ils font pour qu’eux-mêmes ne manquent de rien. Car s’ils en manquaient, ils pourraient être tentés d’abandonner l’œuvre de Dieu pour chercher l’argent. Dieu a donc accompagné l’acquittement de la dîme des plus hautes bénédictions sur les récoles et les activités génératrices de revenu comme aussi il fait constater que celui qui ne verse pas sa dîme construit sa propre ruine. Lire le Livre de Malachie dans cet esprit. Le non-respect de ce devoir divin est en effet fermement condamné par les prophètes (Am 4,4 et Ml 3, 8-10).

Ce que nous enseigne le Nouveau Testament

Dans les évangiles, les textes qui abordent la question de la dîme établissent un rapport entre l’obligation de la dîme et l’agir chrétien : « C’est ceci qu’il faut faire, sans oublier cela » Mt 23, 23. Donc la réalité de la dîme a continué, à laquelle on a ajouté la vie vertueuse. Il se suffit donc de respecter les ordonnances de Dieu en ce qui concerne les dons pour être juste devant lui. Il faut encore l’amour du prochain et une vie droite.

La pratique chez les premiers chrétiens

Les données de mes recherches m’ont permis de comprendre que chez les Juifs, la dîme était une imposition, comme une des taxes que doit payer le bon Juif de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament. La dîme était donc instituée selon les dispositions cultuelles. Jusqu’à ce jour, les salaires sont payés par semaine chez les Juifs vivant en Israël pour qu’ils donnent leur dîme à la synagogue le jour du sabbat, c’est-à-dire le samedi. C’est obligatoire.

Les premiers chrétiens, après leur séparation d’avec la communauté juive, ne parlaient pas systématiquement de la dîme mais d’une offrande libre pour le partage communautaire. Les premiers chrétiens apportaient tout ce qu’ils avaient. Ils le vendaient et apportaient l’argent aux apôtres pour qu’ils s’en servent pour le bien de la communauté (Ac 2, 42-47). Dans les premiers siècles de l’Église, la pratique a été maintenue de sorte que la dîme était considérée comme une offrande. On parlait même plus d’offrande que de dîme. Pour continuer la recherche, vous pouvez consulter les travaux de Tertullien et de saint Augustin, les grands témoins des premiers siècles de l’Église. En ce temps, il n’y avait pas encore d’orthodoxes, de protestants et d’évangéliques. Nous étions tous catholiques.

Dîme ou offrande

C’est à partir de la séparation des catholiques avec les protestants au 16e siècle que le mot dîme va naître chez les protestants pour se démarquer du mot offrande chez les catholiques. La dîme est chez les protestants et tous les mouvements évangéliques issus du protestantisme ce qu’est l’offrande chez les catholiques et orthodoxes. Qu’il vous souvienne que l’introduction de dîme dans la pratique catholique est récente. Je ne l’ai pas connue quand j’étais plus jeune, dans années 70 jusqu’à 90 au moins, l’expression n’était pas si populaire chez les catholiques. L’Église n’en fait presque jamais allusion dans ses documents officiels sauf dans le Catéchisme de l’Église Catholique où il en est question comme d’une exhortation du deutéronome (CEC 2449) Il faut donc conclure que, lorsque les catholiques parlent de la dîme, c’est à cause de l’influence protestante et évangélique. Et Dieu sait s’ils n’ont pas d’autres influences sur nous comme les prédications et les animations liturgiques.

À quoi sert la dîme aujourd’hui, ou pour revenir à notre ancienne expression, à quoi sert l’offrande des fidèles aujourd’hui ? Je me réfère au code du droit canonique en vigueur dans l’Église. Dans son canon 222, il dispose ceci : « les fidèles (catholiques bien sûr) sont tenus par l’obligation de subvenir aux besoins de l’Église afin qu’elle dispose de ce qui est nécessaire au culte divin, aux œuvres d’apostolat et de charité et à l’honnête subsistance de ses ministres ». Cette disposition canonique n’est que la transcription en code des raisons pour lesquelles Dieu impose la dîme au peuple d’Israël : organisation du culte, apostolat et œuvre de charité, subsistance des prêtres. Il faut bien retenir que l’offrande (dîme) doit être déposée à l’Église, dans un acte cultuel assortie de bénédiction pour le fidèle.

La finalité de l’offrande ou de la dîme éclaire sur le destinataire. La dîme se donne à l’Église. Ce n’est pas à donner à un ami prêtre pour l’estime que l’on a pour sa personne, ni au pasteur d’un groupe ni au responsable d’un groupe ni au prophète pour son dévouement et sa force à prier. Elle ne se donne pas non plus à un nécessiteux ou à un malade ou à un pauvre. Le faire est un détournement (appelons les réalités par leur nom) de ce qui revient à l’Église, même si c’est pour une œuvre de charité. Il s’agit là plutôt de l’aumône et non de la dîme. Elle se dépose à l’Église pour les raisons ci-dessus énumérées. Mes relations particulières, mon estime ou ma compassion pour un prêtre ou pour une autre personne se sacrifiant pour la cause de Dieu ne rentrent pas en ligne de compte quand je donne ma dîme. Autrement, ce sera une reconnaissance pour un le travail accompli. La dîme est donnée à Dieu dans l’Église. Dieu voit ce que tu fais dans le secret, il te le revaudra.

Quant à dernière question, concernant la relation que tu mets entre le non paiement de la dîme et les punitions de Dieu, il n’en vraiment rien. Dieu voit le fond de ton cœur. Il ne s’agit pas de faire un don sous la contrainte, sans gaieté mais de donner selon la liberté. Dieu ne punira pas et ne devrait jamais être perçu comme celui qui punit. Il est avant tout un Père qui veille sur ces enfants. Le plus important, c’est de porter le souci de l’Église et de savoir que l’Église vit et grandit par tes prières, ta foi et ton offrande.

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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens

Cette publication a un commentaire

  1. Konan

    Merci beaucoup mon père pour cet éclaircissement je suis maintenant bien située sur ce sujet .

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