Sommes-nous libres ?

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Dieu endurcit le cœur de Pharaon. S’il en est ainsi, sommes-nous encore libres ? Ne sommes-nous pas des marionnettes ? le mal et le bien ne sont-ils pas programmés en nous par Dieu ?
 
Mon frère Eliezer, ta question est légitime et tes réflexions compréhensibles. On a de la peine à entendre dire de Dieu qu’il a endurci le cœur d’un homme pour le maintenir dans la désobéissance. Cela ne ressemble certainement pas au Dieu de Jésus-Christ, qui ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion. Alors quelle explication peut-on donner à cette partie de la Bible pour le moins troublante ?
 
Je veux te faire remarquer que l’expression ne se trouve pas seulement dans le livre de l’exode (Ex 4, 21). On lit aussi en Ex 7, 3-4 « Et moi, j’endurcirai le cœur du Pharaon, et je multiplierai mes signes et mes miracles dans le pays d’Égypte. Pharaon ne vous écoutera point ». En Romains 9, 18, on lit : « Dieu fait miséricorde à qui il veut et il endurcit qui il veut ». Plus choquant n’est-ce pas, comme si certains étaient destinés aux bonnes grâces de Dieu et d’autres à la damnation. Il semble totalement injuste de la part de Dieu d’endurcir le cœur d’un homme pour finalement le punir avec son peuple. Est-il vraiment responsable ?
 
Il me faut tout de suite, avant de poursuivre, te dire que Dieu ne travaille nullement à la perte de personne et donc ne peut participer à la fermeture du cœur de l’homme à sa grâce. Les exemples sont légion dans la Bible, au point où Dieu est défini fondamentalement comme Dieu de tendresse et d’amour, lent à la colère et plein de miséricorde. Si Dieu a la liberté de faire tout ce qu’il veut (Ps 115, 3), il faut reconnaître que tout ce qu’il veut est amour et bonté et non haine et méchanceté.
 
De même, je voudrais te signifier que si Dieu endurcit le cœur du pharaon, ce n’est pas parce que son cœur serait bon et que Dieu l’aurait transformé en un cœur de pierre. Pharaon endurcissait volontaire son cœur vis-à-vis du peuple d’Israël. Il faut lire Ex 7, 13. 22 ; Ex 8, 15. 11. 28 pour voir que le texte dit bien, selon la version que j’ai « Mais Pharaon, cette fois encore, endurcit son cœur ». Si le Seigneur a endurci définitivement son cœur, c’est que ce cœur était déjà totalement fermé à Dieu de sorte que la Parole de Dieu n’y était plus perméable.
 
En fait, Dieu se sert d’une situation de fait ne dépendant pas de lui pour montrer davantage sa gloire. À ce propos, quand on dit que « Dieu endurcit le cœur de Pharaon », c’est une expression qui entre dans un genre littéraire. Bien que Parole divine, la Bible en effet est une œuvre littéraire et possède donc des codes littéraires appelés « genres littéraires ». Comme tu le sais si bien, c’est une tournure phraséologique et textuelle pour mettre en exergue une idée donnée. Ainsi, dans la Bible se trouvent plusieurs genres littéraires qui véhiculent des messages précis. Il faut les connaître parfois pour ne pas s’étonner de mal interpréter les textes.
 
On peut citer par exemples : les chants, les prières, les codes de lois, les théophanies, les miracles, les appels ou vocations, les paraboles ou allégories, les mythes et légendes, les proverbes. On peut reconnaitre le conte, l’épopée en prose, de l’historiographie, le genre lyrique, etc. Ils sont très précieux pour décoder le texte. Ainsi par exemple, dans la prise de Jéricho, le genre littéraire est volontairement épique (épopée) pour raconter les exploits de Dieu. Ce même genre littéraire est abondamment utilisé dans les récits de la sortie du peuple d’Israël de la terre d’Égypte.
 
Pour revenir à l’exemple que tu as donné, si nous devons rendre la phrase plus simple, dépouillé du genre littéraire de l’épopée, on dira : « Pharaon endurcit son cœur et refusa d’écouter les paroles de Yahvé prononcées par Moïse et son frère Aaron ». En vérité, le genre littéraire rapporte tout à Dieu comme le principal acteur des évènements. Aussi peut-on dire dans le genre littéraire de l’épopée « Dieu a endurci le cœur de Pharaon ».
 
En réalité, l’endurcissement du cœur de Pharaon est perçu par l’écrivain sacré comme un acte divin qui, même s’il était dépendant du seul Pharaon, est rapporté à Dieu.
 
Voilà ce que je peux dire des caractéristiques textuelles du texte critique que tu soulèves. Simplement rendu, c’est donc Pharaon qui a endurci son cœur en refusant d’écouter Dieu. L’endurcissement est l’obstination constante de l’homme à ne pas vouloir écouter Dieu. C’est une fermeture de soi à la voix de Dieu, un refus d’obtempérer à son interpellation.
 
Du coup, toute la liberté du Pharaon est sauvegardée et cette liberté le rend responsable de tous ses actes devant Dieu.
 
Merci encore d’avoir posé une question hautement intellectuelle. Il faut une formation biblique approfondie pour comprendre. Le diocèse de Cotonou a ouvert tu le sais bien une École d’initiation théologique et pastorale pour les fidèles catholiques. Le diocèse de Porto-Novo vient de lui emboîter le pas. Il s’y donne une formation au-delà de toute qualité. Tu peux t’y inscrire pour dissiper tes inquiétudes en lectures bibliques.
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Abbé Jean Oussou-Kicho

Je suis prêtre de l’archidiocèse de Cotonou (Bénin), ordonné en 2008, licencié en théologie morale. Directeur de complexe scolaire, je suis investi dans la pastorale des réseaux sociaux, devenus un nouveau terrain propice pour l’évangélisation et l’éducation des chrétiens