Pourquoi la communion au Corps du Christ, sans le Sang ?

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Table eucharistique

Les membres des autres confessions chrétiennes, notamment les protestants et les évangéliques, demandent souvent aux catholiques les raisons pour lesquelles ils ne communient qu’au Corps du Christ et non pas aussi à son Sang ? Nous envisageons vous en dire un peu plus sur les raisons de cette pratique. Dans cette interview, le frère Hervé nous fait comprendre les raisons pour lesquelles les catholiques privilégient la communion uniquement au Corps du Christ.

Frère Hervé, que se passe-t-il à la consécration du pain et du vin par le prêtre ?

Vous le savez, pour célébrer la messe (la Sainte Cène chez les protestants) il faut du pain et du vin. 

Nous catholiques, nous croyons que, sous la puissance de l’Esprit Saint et par la prière du prêtre, le pain devient le Corps du Christ et le vin devient le Sang du Christ. Nous croyons qu’il y a un vrai changement de la substance du pain et de la substance du vin ; une fois ce changement opéré, il ne reste plus rien du pain et il ne reste plus rien du vin… il en reste juste leurs apparences respectives.

Quelles sont les conséquences de cette transformation ?

L’ensemble du pain est devenu définitivement le Corps du Christ ; l’ensemble du vin est devenu définitivement le Sang du Christ. Et ce changement – qu’on appelle la « transsubstantiation », c’est-à-dire le « changement de substance » – est permanent et irréversible. Le pain, une fois consacré, restera définitivement le Corps du Christ et le vin restera définitivement le Sang du Christ.

Le Christ, à la Cène, a donné son Corps à manger et son Sang à boire. Pourquoi aujourd’hui, l’Église catholique a fait le choix de ne donner aux fidèles que le seul Corps et non pas les deux ?

Il y a au moins trois problèmes pour la communion : un problème d’hygiène, un risque de profanation involontaire et un problème pour prévoir la quantité nécessaire.

Comment le problème de quantité se pose-t-il ? Est-ce lié au coût du vin et à la quantité consommable par les chrétiens ?

Dans une moindre mesure, on peut répondre affirmativement quand vous évoquez les problèmes financiers. En fait, il s’agit moins de problèmes budgétaires que de dispositions pratiques. Mais au fond, cette préoccupation, aussi réelle soit-elle pour les communautés où il y a de nombreux communiants, est à situer plus au niveau de la conservation que des finances.

Si un prêtre consacre plus d’hosties qu’il n’y a de fidèles à communier, il place les hosties en surnombre au tabernacle. Elles serviront pour les malades, pour l’adoration eucharistique ou elles seront consommées à une autre messe. Cela ne pose guère de problème. Le pain d’autel (les hosties) reste stables dans le temps avec un minimum de précaution comme le fait de les mettre dans un ciboire bien fermé.

Hélas, ce n’est pas le cas du vin. Comme il est difficile de connaître l’effectif de fidèles à une messe donnée, il serait difficile de prévoir la bonne quantité de vin s’ils devaient communier au Précieux Sang. Si après la communion, il devait en rester, on ne pourrait le conserver car le vin, une fois à l’air, ne se conserve que quelques heures, surtout sous des climats chauds et parfois humides. D’autre part, il serait hors de question que le prêtre consomme plusieurs gorgées de ce vin désormais devenu Sang du Christ. Le prêtre risquerait de ne plus être en mesure de terminer la messe… ou de la terminer ivre mort !

Vous parliez tantôt d’un autre risque. À quoi vous référez-vous ?

Nous savons que la moindre goutte est le Sang du Christ. C’est ce que Dieu nous a donné de plus précieux : c’est-à-dire son propre Sang, Dieu lui-même. C’est la raison pour laquelle, à l’autel, le prêtre prend tant de précautions en utilisant divers linges (la nappe d’autel bien sûr mais aussi un corporal et un purificatoire… il utilise aussi une pale qu’il pose sur le calice pour qu’aucune impureté ou aucun insecte ne se mêle au liquide). En apportant ce calice au milieu des fidèles pour proposer la communion, le risque serait grand qu’un jour il ne tombe au sol et que son précieux contenu ne se renverse. Et s’il ne tombe pas au sol, il y aurait le risque qu’un fidèle mal habile ne laisse filer quelques gouttes. Ce risque est bien moindre avec les hosties ; toutefois, il faut toujours faire attention aux toutes petites parcelles qui peuvent parfois s’en échapper ou rester collées dans le creux de la main.

Qu’en est-il du dernier problème ? Celui de l’hygiène ?

Ah oui ! Même si le calice était essuyé entre chaque fidèle, on ne pourrait empêcher que certains organismes pathogènes puissent passer des lèvres d’une personne à l’autre par le bord du calice même bien essuyé : herpès, hépatite A et bien sûr, aujourd’hui, la COVID. On ne peut pas courir un tel risque.

N’y a-t-il vraiment pas une solution ?

Si, bien sûr. Une solution existe : elle satisfait le premier et le dernier point, la quantité de vin et l’hygiène : c’est la communion par intinction. Le prêtre a en effet la possibilité de tremper légèrement l’hostie dans le calice et de déposer ensuite directement l’hostie humectée sur la langue du fidèle (la communion dans la main n’est alors pas envisageable). Mais le risque de gouttes demeure même si un purificatoire est à proximité.

Donc le prêtre est toujours le seul à communier sous les deux espèces ?

La communion sous les deux espèces se pratique parfois dans l’Église catholique ; elle n’est pas du tout interdite. On la voit par exemple dans les communautés religieuses (les religieux et religieuses sont formés à communier ainsi). On la pratique aussi parfois lors des messes de mariage au moins pour les époux. Certains prêtres le proposent le Jeudi Saint plutôt par intinction pour ne pas consacrer une quantité de vin excessive… mais sinon, effectivement, prêtres et diacres sont ordinairement les seuls à communier sous les deux espèces.

Frère Hervé, Jésus a donné à ses disciples du pain et du vin et nous a demandé de continuer à reproduire ses gestes. Aussi, est-ce biblique de communier uniquement sous la seule espèce du Corps ?

Biblique, vous dites ? Bien sûr que la communion sous une seule espèce est dans la Bible ! C’est vrai que la veille de sa Passion, le Seigneur a pris du pain et du vin qu’il a partagés avec ses disciples. Mais l’Écriture nous fournit deux exemples de communions sous l’espèce du pain seul, sans que le vin ne soit du tout évoqué :

Le premier nous est donné par Jésus lui-même avec les deux disciples d’Emmaüs (Lc 24, 18s) « quand Jésus fut à table avec [les deux disciples], ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards ».

L’autre passage est celui où saint Paul affronte la tempête (Ac 27, 35) : « Ayant dit cela, il a pris du pain, il a rendu grâce à Dieu devant tous, il l’a rompu, et il s’est mis à manger ».

En outre, saint Luc nous dit des premiers chrétiens qu’ils étaient fidèles « à la fraction du pain et à la prière » et que le premier jour de la semaine « ils se réunissaient pour rompre le pain ». Au ch. 6 de l’évangile de saint Jean, Jésus enseigne qu’il est « le pain vivant », allusion directe à l’eucharistie ; et si au ch. 15, Jésus nous dit qu’il est la vraie vigne, il n’a pas un seul mot à propos du vin ou de son Sang.

Et encore 1 Cor 11, 27 : « Et celui qui aura mangé le pain OU bu la coupe du Seigneur d’une manière indigne devra répondre du corps et du sang du Seigneur ». L’apôtre dit bien OU et non pas ET ; c’est alternatif et non cumulatif. On voit donc qu’on peut prendre indifféremment l’un ou l’autre.

Ôtez-nous d’un doute. frère Hervé, en communiant sous une seule espèce, recevons-nous les mêmes grâces eucharistiques ?

Que nous communion sous l’espèce du pain ou du vin, qu’il nous soit donné une petite hostie ou une plus grande, nous communions intégralement. Nous recevons bien toutes les grâces afférentes à la communion eucharistique. En effet, chaque fragment de l’eucharistie n’est pas une « partie » du Christ mais « tout » le Christ. De la même manière, tout le vin consacré est tout le Christ comme aussi chaque goutte et les infimes fragments sont le Christ tout entier. En fait, le Christ ne se « divise » pas ; en se donnant, il veut « être tout en tous » (1 Co 15, 28). Les grâces eucharistiques, elles non plus, ne se divisent pas. Écoutons ce que disait un prêtre du 6e siècle : 

L’histoire antique raconte sur le pain du ciel : Celui qui en avait recueilli davantage n’en eut pas davantage, et celui qui en avait préparé moins n’en retrouva pas moins. Ceci annonçait que la réception sacrée de l’eucharistie ne consiste pas dans la quantité, mais dans la vertu de ce pain. Quand le prêtre distribue le corps du Christ, il donne dans une parcelle autant que dans la totalité ; et quand l’assemblée des fidèles le reçoit, de même que le Christ est tout entier en tous (1 Co 15, 28), il est inentamé en chacun. L’Apôtre commente : Qui a beaucoup n’aura pas trop, et qui a peu ne sera pas lésé (2 Co 8, 15).

On entend souvent dire que celui qui communie au Corps du Christ communie aussi au Sang, puisque dans le corps, il y a le sang. Partagez-vous cet avis ?

On entend parfois, pour simplifier et justifier la communion au seul Corps, que le Corps du Christ donné à la communion, contiendrait aussi le Sang ; ce n’est pas tout à fait exact. La séparation des deux espèces (le pain et le vin) a un sens sacrificiel qu’il convient de respecter. Le Christ sur la croix s’est en effet vidé de son Sang, Sang  qu’il a offert pour notre salut ; à sa mort, il y avait son Corps suspendu à la croix, mais un corps exsangue, vidé de la totalité de son Sang.

Cette offrande, ce sacrifice, se matérialise, dans la célébration eucharistique comme sur la Croix, par la séparation du Corps et du Sang du Christ. Celui qui communie au Corps communie au Corps du Christ sacrifié et cependant, il reçoit la totalité et non une partie des grâces eucharistiques. Il est en de même pour celui qui ne communierait qu’au seul Sang du Christ. Ainsi, même si le Corps est uniquement le Corps et le Sang est uniquement le Sang, séparés l’un de l’autre comme ils l’ont été sur la Croix, lorsqu’on communie au Corps ou au Sang, on reçoit des grâces eucharistiques identiques. Communier à l’un ou l’autre, c’est donc communier à l’unique sacrifice du Christ.

Merci frère Hervé. J’ai assez d’arguments pour mieux expliquer la situation à nos frères protestants.

Nos frères de la Réforme ne croient pas à la présence réelle dans les espèces du pain et du vin de la même manière que nous. En conséquence, ils ne partagent pas les difficultés que les catholiques soulèvent quant à la conservation du Précieux Sang après la messe.. Le risque que la coupe soit renversée n’est pas non plus leur préoccupation ; pour eux, ce ne serait que du vin renversé et rien d’autre. Toutefois, ils partagent le même problème d’hygiène que nous. Il n’est pas acceptable que des dizaines de personnes partagent le même gobelet lors d’un culte pour y boire une gorgée de vin.

Voici comment eux ont réglé le problème : de plus en plus fréquemment, on distribue aux fidèles un petit gobelet prérempli de quelques centilitres de vin qui a été fermé hermétiquement en usine et dans le couvercle duquel on a glissé une hostie.

Dans d’autres communautés, on fait passer dans les rangs de très grands plateau avec les hosties au centre (ou même des morceaux de vrai pain) et de petits gobelets individuels remplis de vin. Chacun se sert. Imaginez s’il fallait adopter cela dans les paroisses ! Préparer des gobelets pour 2000 fidèles et ensuite, après la communion, purifier tous ces petits verres (en effet, chaque gouttelette de vin qui resterait au fond de chaque gobelet serait alors une goutte de Sang du Christ, chaque gobelet devrait donc être rincé individuellement comme le fait le prêtre à l’autel : le contenu dilué avec un peu d’eau qu’il faudrait consommer d’abord avant d’essuyer soigneusement chacun des 2000 récipients ! Il faut y réfléchir deux fois ; dans les faits, ce serait tout bonnement impossible.

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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.

Cet article a 16 commentaires

  1. Kouadio FODJO Désiré

    Magnifique témoignage et enseignement !

  2. Irene tonou

    Merci frère Hervé pour les enseignements

  3. NZHIOU MENGUE

    Un grand merci à frère Hervé pour tout ces éclaircissement. Maintenant, je saurai quoi répondre à nos frères de protestants et évangéliques. Soyez bénis

  4. VIHOUEDELI Honorat

    Merci beaucoup pour ces riches enseignements

  5. KPADONOU Aimé

    Super
    Que Dieu soit loué

  6. KAKPO JOACHIM

    Soyez bénis pour toutes ces enseignements chers Padres…

    1. Aimé Oussou

      Merci beaucoup pour l’enseignement frère.
      J’ai noté beaucoup de choses.
      Mais j’aimerais demander une chose.
      Après la communion,quelle prière peut-on faire ????
      Merci pour la compréhension

      1. Frère Hervé

        Si votre paroisse propose un chant de communion, chantez-le. Sinon vous pouvez réciter :

        âme du Christ, sanctifie-moi.
        Corps du Christ, sauve-moi.
        Sang du Christ, enivre-moi.
        Eau du côté du Christ, lave-moi.
        Passion du Christ, fortifie-moi.
        Ô bon Jésus, exauce-moi.
        Dans tes blessures, cache-moi.
        Ne permets pas que je sois séparé de toi.
        De l’ennemi, défends-moi.
        A ma mort, appelle-moi.
        Ordonne-moi de venir à toi.
        Pour qu’avec les saints je te loue.
        Dans les siècles des siècles.
        Amen.

        1. Emmanuel Magloire

          MERCI beaucoup frère Hervé pour Cette cathechèse que je retrouve dans vos mots.

  7. Prudence

    Très bien compris.

  8. AÏDEGO Fabrice

    Merci beaucoup Seigneur pour ton Esprit Saint qui travaille vraiment en ton serviteur. Soyez bénis Père

  9. TODEGO Hervé

    Infiniment merci pour l’éclairage
    Que Dieu vous soutienne dans votre ministère.
    Il n’y a aucunes questions sans réponses
    Vraiment je vous tire chapeau..
    Fier de mon église

  10. ATA Lionel

    Article très très enrichissant pour nous, chrétiens, dans la fortification de notre foi et de notre engagement. Je trouve assez surprenant qu’il y ait autant de réponses, non pas dans l’enseignement de l’Église, mais dans l’Écriture même et que ce soit encore les Protestants qui soient en première ligne sur cette controverse…
    En tout cas, merci pour la grande patience à répondre à toutes ces questions (certaines étant répétitives des précédentes, surtout à la fin de l’article). Que Dieu Tout-puissant vous bénisse abondamment et vous donne longue vie dans la pureté. Amen.

  11. TCHANGANI MICHEL

    Merci Frère Hervé. Vos enseignements aident tant de Chrétiens de part le monde. Dieu vous bénisse et suscite beaucoup de Saintes Vocation pour l’Eglise.
    Michel depuis le Togo

  12. Marc

    Il est tout de même dommage de faire la comparaison entre le partage eucharistique catholique et protestant en omettant celui de l’Eglise Très Sainte et Très Pure Orthodoxe où les fidèles communient sous les deux espèces à la cuillère (en argent pour éviter les contaminations) et ou chaque fidèle s’approche en entendant la parole suivante : “Marc reçoit le Précieux Corps et le Précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ pour la rémission de tes péchés et le salut de ton âme et de ton corps !!!”

  13. Marc

    En tout cas merci bcp Père Hervé pour votre commentaire sur ce partage pourtant indispensable pour purifier nos consciences en ces temps troublés !!!

Les commentaires sont fermés.