Bonheur de communier au Christ

Bréviaire

L’ardent désir des patriarches appelant la présence charnelle du Christ est pour moi le sujet de fréquentes méditations. Je ne puis y penser sans que des larmes de honte me viennent aux yeux. Car je mesure alors la tiédeur, la somnolence de notre misérable époque. Nous avons reçu cette grâce, le corps du Christ nous est montré à l’autel, mais personne d’entre nous n’en éprouve une joie aussi intense qu’était le désir inspiré à nos ancêtres par la simple promesse de l’Incarnation. Noël approche, et bien des gens s’apprêtent à le célébrer. Puissent-ils se réjouir vraiment de la Nativité, non de la vanité  ! L’attente des anciens, leur fébrile impatience me paraissent exprimées à merveille par les premiers mots du Cantique  : Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche  ! En ces temps-là, quiconque était doué du sens spirituel devinait la grâce immense qu’allaient porter ces lèvres  ; et par ces paroles lourdes de tous les désirs, l’âme souhaitait de n’être pas privée de l’indicible douceur promise.

Toute âme parfaite disait en effet  : «  À quoi me servent désormais les obscures sentences des prophètes  ? J’attends que vienne le plus beau des enfants des hommes, qu’il vienne me baiser du baiser de sa bouche. La langue de Moïse est confuse, les lèvres d’Isaïe sont impures  ; Jérémie est un enfant qui ne sait pas parler, tous les prophètes sont privés du don des langues. C’est lui-même, c’est celui dont ils parlent, qui doit parler maintenant et me baiser du baiser de sa bouche. Je ne souhaite plus qu’il s’exprime en eux et par eux, car l’eau reste opaque tant qu’elle est enclose dans les nuages. J’attends la divine présence, les eaux ruisselantes de l’admirable doctrine, qui en moi deviendront une source et jailliront jusqu’au cœur de la vie éternelle. Son Père, en l’oignant d’une huile de joie, l’a fait différent de tous, et le baiser de sa bouche m’infusera la plus abondante des grâces.  »

Comme sa parole est la vie, son baiser est efficace, ce baiser est vraiment l’invasion de la joie, la révélation des mystères divins, l’union comme inséparable qui confond en une seule la lumière céleste et l’âme illuminée. Celui qui adhère ainsi à Dieu n’est plus avec lui qu’un même esprit. Je ne me contenterai plus de visions et de songes, je refuserai les figures et les énigmes, je suis las même des apparitions angéliques. Mon Jésus est tellement plus beau que les anges  ! Je ne veux ni du baiser d’un ange, ni du baiser d’un homme, c’est lui que je supplie de m’accorder le baiser de sa bouche. 

Sermon de saint Bernard sur le Cantique des cantiques

Sermo 2, 1-2 : EC 1, 8-9

Bernard de Fontaine, abbé de Clairvaux, né en 1090 à Fontaine-lès-Dijon et mort le 20 août 1153 à l’abbaye de Clairvaux, est un moine bourguignon, réformateur de la vie religieuse catholique.

Directeur de conscience et important promoteur de l’ordre cistercien, il recherche l’amour du Christ par la mortification la plus dure. Il fait preuve, toute sa vie, d’une activité inlassable pour instruire ses moines, pour émouvoir et entraîner les foules, pour allier son ordre avec la papauté et pour élaborer un dogme militant que son ordre et toute l’Église catholique mettront en œuvre. C’est aussi un conservateur, qui fustige les mutations de son époque, la « Renaissance du 12e siècle », marquée par une profonde transformation de l’économie, de la société et du pouvoir politique.

Mort en 1153, il est canonisé dès 1174 et devient ainsi saint Bernard de Clairvaux. Il est proclamé Docteur de l’Église catholique (Doctor mellifluus) en 1830 par le pape Pie VIII.

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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.