Marie est-elle médiatrice ?

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Parfois, certains catholiques, certains convertis et de nombreux protestants reprochent à l’Église d’accorder une place trop grande à Marie. Il faut bien le reconnaître, ce reproche n’est pas toujours sans fondement mais il est souvent exagéré. Voyons la place de Marie dans l’économie du salut.

La doctrine de l’Église reconnaît sans ambiguïté le Christ comme central et primordial. Les principes de base de la piété mariale sont complètement en accord avec une foi centrée sur le Christ. En effet, l’Église nous exhorte à une dévotion mariale équilibrée, mettant en garde d’un côté contre « une rébellion contre la mariologie » et a contrario contre l’erreur de « l’entraîner dans un romantisme dangereux » (Cardinal Joseph Ratzinger, La fille de Sion : considérations sur la foi mariale de l’Église).

Marie est-elle la « médiatrice de toutes les grâces » comme on l’entend parfois ? Toutes les grâces que nous recevons de Dieu passent-elles par Marie ? L’Église enseigne-t-elle vraiment que Marie est médiatrice de toutes les grâces et que, comme telle, elle est nécessaire au salut des âmes ?

Enseignement de l’Église ou piété populaire ?

Si tel est bien l’enseignement de l’Église, on doit pouvoir le concilier avec l’Écriture qui affirme qu’« il n’y a … qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus » (1 Tim 2, 5).

Les documents de l’Église et les écrits des papes l’exposent clairement. Le concile Vatican II déclare que « la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’avocate, auxiliatrice, secourable, médiatrice » (Lumen Gentium, n°62). Le concile fait référence au pape saint Pie X, qui, citant saint Bernardin, a dit que Marie est « le cou de notre chef, moyennant lequel celui-ci communique à son corps mystique tous les dons spirituels » (Ad Diem Illum, n°13).

D’autres papes et des saints éminents ont enseigné la même chose. Dans Octobri Mense Adventante, le pape Léon XIII écrit :

Marie est l’intermédiaire par laquelle nous est distribué cet immense trésor de grâces accumulé par Dieu, puisque la grâce et la vérité ont été créées par Jésus-Christ (Jn 1, 17) ; ainsi, de même qu’on ne peut aller au Père suprême que par le Fils, on ne peut arriver au Christ que par Sa Mère.

Dans Inter Sodalicia, le pape Benoît XV nous a dit :

Toutes les grâces que nous recevons du trésor de la rédemption sont pour ainsi dire administrées par les mains de la même Vierge affligée.

Le pape Pie XI a déclaré dans Ingravescentibus Malis sur le Rosaire :

Nous savons que toutes choses nous sont communiquées par Dieu le plus grand et le meilleur par les mains de la Mère de Dieu.

Ceci n’est qu’un échantillon de l’enseignement papal cohérent : l’Église enseigne bien que Marie est la Médiatrice de toutes les grâces.

Rameaux de la vigne

La clé d’une compréhension correcte de 1 Timothée 2, 5 est de voir qu’un seul médiateur se tient « entre Dieu et les hommes ». Seul Jésus-Christ peut nous représenter devant Dieu, obtenir notre salut et toute grâce. Mais, les grâces qu’il a obtenues peuvent être distribuées d’homme à homme parmi les membres de son corps. Ce qu’il me donne, je peux, par son pouvoir, le partager avec chacun, et vice versa. En fait, nous en faisons tous l’expérience au quotidien.

Jésus est donc la source unique de la grâce. En tant que sarments nourris par la vigne, nous recevons cette grâce et nous pouvons la redistribuer. En raison de la médiation du Christ devant Dieu en notre nom, nous sommes capables de transmettre la grâce aux autres ; nous sommes ainsi coopérateurs de sa grâce.

En appelant Marie la Médiatrice de toutes les grâces, l’Église ne veut pas dire qu’elle est une rivale pour la place unique de Jésus. Vatican II a clarifié la position de l’Église sur 1 Timothée 2, 5-6 :

Mais le rôle maternel de Marie à l’égard des hommes n’offusque et ne diminue en rien cette unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la vertu.
 
Car toute influence salutaire de la part de la bienheureuse Vierge sur les hommes a sa source dans une disposition purement gratuite de Dieu : elle ne naît pas d’une nécessité objective, mais découle de la surabondance des mérites du Christ ; elle s’appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et d’où elle tire toute sa vertu ; l’union immédiate des croyants avec le Christ ne s’en trouve en aucune manière empêchée, mais au contraire favorisée.

 

Le Christ permet à Marie d’être la médiatrice de sa grâce et il désire qu’elle le fasse parce qu’il l’a prévu ainsi.

Sachant donc que l’Église ne peut enseigner d’erreur en matière de foi, nous pouvons accepter que Marie soit bien cette la Médiatrice de toutes les grâces. Mais la foi nécessite plus de compréhension.

Marie comme la nouvelle Ève

Les Écritures révèlent qu’à travers notre salut, Dieu lançait un « monde nouveau » (2 Cor 5, 17), avec Jésus comme le Nouvel Adam (cf. 1 Cor 15). Les premiers Pères de l’Église, qui ont reçu l’enseignement des apôtres, ont reconnu Marie comme étant cette Nouvelle Ève. Le nom Ève signifie « mère de tous les vivants » (Gn 3, 20). Comme Ève était la mère des vivants dans l’ordre naturel, ainsi Marie est la mère des vivants dans l’ordre de la grâce. Quiconque reçoit la vie spirituelle la reçoit par elle (Lumen Gentium, n°61).

Le deuxième concile du Vatican II a confirmé :

Par sa foi et son obéissance, elle a engendré sur la terre le Fils lui-même du Père, sans connaître d’homme, enveloppée par l’Esprit Saint, comme une nouvelle Ève qui donne, non à l’antique serpent, mais au messager de Dieu, une foi que nul doute n’altère. Elle engendra son Fils, dont Dieu a fait le premier-né parmi beaucoup de frères (Rm 8, 29), c’est-à-dire parmi les croyants, à la naissance et à l’éducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel.

L’enseignement de la maternité de Marie pour les fidèles est renforcé dans un passage d’Apocalypse 12. Après avoir parlé de la femme qui enfantera « un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations », l’Écriture poursuit en nous disant que cette mère a d’autres enfants. « il partit faire la guerre au reste de sa descendance, ceux qui observent les commandements de Dieu et gardent le témoignage de Jésus » (Ap 12, 17). Marie est bien la mère de tous ceux qui appartiennent à Jésus. Une mère « médiatrice » de la vie de ses enfants ; Marie est la médiatrice de la vie spirituelle, elle est la médiatrice de la grâce pour chaque chrétien.

Toujours une Mère

Certains chrétiens reconnaissent que Marie est importante mais ils voient son rôle comme ayant été définitivement accompli : elle aurait totalement accompli son but en donnant naissance à Jésus. Mais on peut affirmer que le Seigneur n’a pas une vision aussi utilitaire de sa Mère !

Jésus n’a en effet pas « utilisé » Marie pour venir au monde. Elle est vraiment sa mère. Et elle reste sa mère. Comme elle a donné naissance à Jésus en tant que « tête » du corps du Christ, elle donne naissance également aux membres du corps du Christ. Elle est donc la mère de tout le Christ, tête et corps ; elle est la mère de l’Église. Partout et à chaque fois qu’il est mis au monde, Marie est là. Dans les mots de Hans Urs von Balthasar :

[Marie] l’a donné [Jésus] à l’Église et au monde, et cela non pas à un seul moment de l’histoire mais à chaque moment de l’histoire de l’Église et du monde.

L’Église est d’accord :

Cette maternité durera sans interruption jusqu’à l’épanouissement éternel de tous les élus. Car, élevée au ciel, elle n’a pas renoncé à ce rôle salvifique mais, par ses multiples actes d’intercession, elle continue de nous gagner la grâce du salut éternel.

Marie reste aussi pour toujours l’épouse du Saint-Esprit, et leur union continue d’être fructueuse, produisant Jésus dans les âmes. Saint Louis de Montfort explique :

Dieu le Saint-Esprit … est devenu fécond par Marie qu’il a épousée. C’est avec elle et en elle et d’elle qu’il a produit son chef-d’œuvre, qui est un Dieu fait homme, et qu’il produit tous les jours jusqu’à la fin du monde les prédestinés et les membres du corps de ce chef adorable : c’est pourquoi plus il trouve Marie, sa chère et indissoluble Épouse, dans une âme, et plus il devient opérant et puissant pour produire Jésus-Christ en cette âme et cette âme en Jésus-Christ.

 

 Le saint père de Montfort nous a aussi donné ce joyau profond : « Jésus est toujours et partout le fruit et le Fils de Marie » (Traité de la vraie dévotion, n°44). Partout où Jésus vient, il passe par Marie. Dans les mots pointus de sainte Thérèse de Calcutta : « Pas de Marie, pas de Jésus. »

Modèle de l’Église

La lumière sur l’enseignement de Marie comme médiatrice de toutes les grâces s’éclaircit à mesure que nous voyons comment il reflète le dessein de l’Église.

La doctrine catholique authentique enseigne que Marie est le modèle de l’Église. Nous voyons en elle l’accomplissement de ce que l’Église est appelée à être. « De l’Église, comme l’enseignait déjà saint Ambroise, la Mère de Dieu est le modèle dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ » (LG 63). « L’Église en la personne de la bienheureuse Vierge atteint déjà la perfection sans tache ni ride (Ep 5, 27) ». Urs Von Balthasar l’appelle « l’image et la cellule originelle » de l’Église (Marie pour aujourd’hui).

Le parallèle entre Marie et l’Église surmonte les deux principales difficultés que certains chrétiens sont susceptibles d’avoir avec la doctrine de Marie comme médiatrice de toutes les grâces : en effet, cela explique comment toute grâce peut passer par Marie et comment sa position de Médiatrice renforce plutôt qu’elle n’affaiblit notre relation avec le Christ.

Les Pères de l’Église ont affirmé à maintes reprises qu’il n’y a pas de salut hors de l’Église, que « tout salut vient du Christ-Tête par l’Église qui est son Corps » (Catéchisme de l’Église catholique, n°846). Si « toute grâce » passe par l’Église, les hommes qui n’appartiennent pas à l’Église catholique sont-ils donc privés de la grâce ?

L’Église explique que « ceux qui refuseraient soit d’entrer dans l’Église catholique, soit d’y persévérer, alors qu’ils la sauraient fondée de Dieu par Jésus Christ comme nécessaire, ceux-là ne pourraient pas être sauvés » (Lumen Gentium, n°14). Mais ceux de bonne volonté qui, sans faute de leur part, ne connaissent pas cette vérité peuvent obtenir le salut éternel par des voies connues de Dieu lui-même (Catéchisme de l’Église catholique, n°847-848). La grâce de Dieu peut donc atteindre ceux qui ne font pas partie de l’Église catholique, mais, qu’ils le sachent ou non, cette grâce leur vient à travers l’Église. De même avec Marie. 

Saint Louis Marie Grignion de Monfort écrit :

Dieu le Père a fait un assemblage de toutes les eaux, qu’il a nommé la mer ; et il a fait un assemblage de toutes ses grâces, qu’il a appelé Marie. Ce grand Dieu a un trésor ou un magasin très riche, où il a renfermé tout ce qu’il a de beau, d’éclatant, de rare et de précieux, jusqu’à son propre Fils ; et ce trésor immense n’est autre que Marie, que les saints appellent le trésor du Seigneur, de la plénitude duquel les hommes sont enrichis.

Jésus habite en plénitude dans et par Marie, son lieu saint d’élection, tout comme il habite en plénitude dans et par sa sainte Église. Toute grâce passe par Marie, comme toute grâce passe par l’Église. Cette vérité n’est pas altérée si nous ne connaissons pas ou n’acceptons pas le rôle de Marie. À titre de preuve pratique, il n’est pas rare que des convertis affirment leur conviction que Marie les aidait bien avant qu’ils ne reconnaissent sa présence.

Le parallèle de l’Église s’applique également à la question de savoir si Marie en tant que médiatrice diminue notre relation avec le Christ. L’Église n’est pas un obstacle à notre relation avec le Christ. En fait, notre amour pour l’Église approfondit notre relation avec le Seigneur. Recevoir la grâce par l’Église ne détourne pas notre attention de Jésus, bien au contraire. Lorsque nous recevons la grâce du pardon par le sacrement de réconciliation ou de l’eucharistie par le ministère du prêtre, alors même que nos cœurs sont reconnaissants envers l’Église, ils sont absorbés par le Christ.

De même, Marie facilite notre union avec le Christ. En fait, nous recevons la grâce par Marie même si nous ne pensons pas à elle. Elle est notre mère qui pense à nous et œuvre pour nous dans la discrétion.

Dites-nous clairement ?

Une question lancinante demeure : « Pourquoi l’Écriture ne nous dit-elle pas clairement le rôle de Marie ? » Les pharisiens ont un jour demandé à Jésus : « Si c’est toi le Christ, dis-le nous ouvertement » (Jn 10, 24). En fait, l’Écriture dit beaucoup de choses sur Marie à qui sait la lire.

« La femme », la mère du Rédempteur, est vue de la Genèse (3, 15) à l’Apocalypse (11, 12). Des femmes éminentes de l’Ancien Testament telles qu’Anne, Judith et Esther préfigurent éminemment Marie et donnent un aperçu de sa place dans le salut. Nous la voyons dans la reine-mère intercédant auprès du roi Salomon pour le peuple (1 Rois 2, 19-20) ; nous voyons Marie intercédant auprès de son Fils à Cana (Jn 2).

Enfin, Marie est la Mère du Fils de Dieu !

Nous savons que Dieu ne parle pas seulement par la Parole écrite mais aussi par son Église : « qui vous écoute m’écoute » (Lc 10, 16), et l’Église nous a dit clairement l’importance de Marie.

Marie est un « jardin clos » (Ct 4, 12), le « Saint des Saints » de Dieu, qui ne doit pas être exposé mais révélé à ceux qui viennent avec respect et amour. Si nous nous approchons avec sincérité, nous apprendrons la vérité des paroles du converti juif Alphonse Ratisbonne, qui a eu une rencontre inattendue avec Marie à Rome :

Je ne pouvais pas donner une idée en mots de la miséricorde et de la libéralité que je sentais s’exprimer entre ces mains. Ce n’étaient pas seulement des rayons de lumière que je voyais s’en échapper. Les mots manquent pour donner une idée des dons ineffables qui jaillissent de ces mains de notre Mère.

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Frère Hervé

Je suis un religieux ermite, consacré dans cette forme de vie par mon évêque. Je réside en France et suis passionné par la recherche de la Vérité dans l’Écriture sainte, dans la philosophie et la théologie.

Cet article a 3 commentaires

  1. Gremboui kamba régis patrick

    Merci pour cette catéchèse

  2. MILOÏ Comphor Majoi

    Une très bonne clarification de la vérité. Parfois je deviens confus dans la médiation de la Vierge Marie mais aujourd’hui j’ai eu satisfaction. Merci cher frère .

  3. Deeran

    Merci vraiment

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